Un poste de frontière avec la Belgique, photographié en 1969, première image Des Européens, donne le ton et l'intérêt de cet ouvrage superbe. Globe-trotter de l'image, géographe incomparable, attentif aux accidents de terrain, aux compositions géométriques naturelles, Henri Cartier-Bresson (né en 1908) a trimbalé son appareil et ses pellicules à travers le monde pendant plus d'un demi-siècle. Autant pour les paysages que pour ceux qui les hantent, les peuplent, y vivent. Il est à la Villette en 1929, sur le Vieux-Port à Marseille en 1932, au Guilvinec ou au bord d'une écluse à Bougival en 1956, plongé dans le bidonville de Nanterre en 1968. Voyageur insatiable, armé de son Leica, on le rencontre aussi dans le Barrio Chino de Barcelone en 1933, pris dans les filets des pêcheurs d'Estrémadure en 1955, dans les ruelles napolitaines en 1960, abrité derrière la tombe d'un cimetière anglais en 1978. Cartier-Bresson a l'art de saisir exactement les regards échangés, des gestes simples, un pas léger, la dégaine d'un clochard fier, une silhouette découpée dans une ruelle, une ombre immobilisée dans le carré d'un soleil fugace. Autant d'images, réunies ici, en noir et blanc, puisées dans le quotidien des Européens, qui font de lui l'oeil le plus juste de la photographie. --Céline Darner