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Corrida : des taureaux pour les bœufs.

La corrida me semble être une des plus belles expositions de la bêtise humaine. Ce jeu cruel est-il né avant la prise de conscience que l’animal, lui aussi, connaît émotions et douleurs ? Rappelons-nous que pour Descartes, le cri de souffrance d’un animal n’a pas plus d’importance que le tic-tac d’une pendule. Luc Ferry démontrait, non sans humour, l’ineptie de ce propos cartésien en constatant que l’homme est bien conscient de la souffrance animale puisqu’on n’en a jamais vu un torturer une pendule…

Pour le philosophe Francis Wolff[1], ardent défenseur de la corrida, il y a nécessité du spectacle vivant de la mort dans nos sociétés qui l'évacuent complètement. Il n’a cependant pas interrogé les taureaux pour alimenter sa réflexion. De plus, nombre de sociétés initiatiques confrontent l’homme à la mort, sans massacrer aucun être vivant.

A l’heure où le ministre français en charge du bien-être animal a été surpris sur les bancs d’une arène se délectant du spectacle orchestré par les toréros de Bayonne, j’ai eu envie d’exhumer un ouvrage sorti en 2004 (pour sa seconde édition) : Corrida la honte, paru aux éditions du Puits de Roulle.

Cet ouvrage de Roger Lahana, Vice-président du CRAC Europe pour la protection de l'enfance, fait le tour des sujets sensibles qui touchent la corrida, un divertissement illégal défini par le Code pénal français en tant que « sévices graves et actes de cruauté envers les animaux » (art. 521-1 - Livre V - Des Crimes et Délits), mais dépénalisé en 1951 dans une vingtaine de communes faute d'avoir pu en empêcher pendant un siècle la pratique hors-la-loi, une tolérance élargie en 2006 à onze départements du sud de la France.

La corrida exalte ce qu'il y a de pire en l'homme : son goût du sang, de la violence, de la domination, de l'humiliation. Les spectateurs qui applaudissaient autrefois le massacre des gladiateurs sont les mêmes qui jouissent, aujourd’hui, de la mise à mort du taureau.

Dans cet ouvrage, largement documenté au terme d’une enquête de deux ans, on visite les coulisses des arènes : fraude fiscale, arnaques, corruption, détournements de fonds publics, torture, sédition, déviances sexuelles, violences en réunion, dévoiement de mineurs ... La liste de turpitudes peu glorieuses est longue lorsque l'on commence à s'intéresser à l'univers de la tauromachie au-delà de l'aspect esthétique fallacieux qu'elle tente d'imposer aux yeux du grand public.

A lire aussi : Corrida, Basta ! de Cristian Laborde[2] : un pamphlet anti-corrida étayé, musclé, définitif par un écrivain insolent et irrespectueux.



[1] Philosophie de la corrida, Fayard, 2011.

[2] Robert Laffont, 2009.

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