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Le Capital selon Piketty.

Après le succès de son précédent livre, « Le capital au XXIe siècle », le nouvel ouvrage de Thomas Piketty, « Capital et idéologie », propose des solutions radicales pour mettre au pas le capitalisme.

Depuis le succès mondial de son opus précédent, « Le capital au XXIe siècle », Thomas Piketty bénéficie d'une énorme popularité qui conforte sa crédibilité. 

Pourtant, nombreux sont les analystes qui voient dans son nouveau livre « Capital et idéologie » davantage un programme politique radical visant à mettre au pas le capitalisme qu'un ouvrage d’économie scientifique. D’autres voient les mesures préconisées comme ayant des effets catastrophiques si elles étaient appliquées, ennemies notamment de l’esprit d’entreprise et de l’innovation. 

Toutes les sociétés humaines ont besoin de justifier leurs inégalités : il faut leur trouver des raisons, faute de quoi c’est l’ensemble de l’édifice politique et social qui menace de s’effondrer. Les idéologies du passé, si on les étudie de près, ne sont à cet égard pas toujours plus folles que celles du présent. Cette idéologie peut changer : aux sociétés « trifonctionnelles » (clergé, noblesse, travailleurs) ont succédé les sociétés « propriétaristes » (Etat rationnel + droit sacralisé de la propriété), avec leurs dérives esclavagistes et coloniales. Les sociétés communistes ont échoué à cause de leur étouffant pouvoir centralisé. En Occident, les sociaux-démocrates ont fait baisser les inégalités au XXe siècle, mais l’idéologie reaganienne les a fait resurgir. D’où une concentration de la propriété inouïe, nuisible au collectif.

Thomas Piketty propose, par exemple, de remédier à ces inégalités par l'instauration d'un impôt sur la propriété fortement progressif (jusqu’à 90%) et la création d'un héritage pour tous. Il imagine ainsi que chacun reçoive à 25 ans une somme égale à 60% du patrimoine moyen (soit, dans un pays développé tel que la France, 120.000 euros).

Pour le journaliste économique Jean-Marc Vittori, qui voit dans l’ouvrage de Piketty un simple pamphlet anticapitaliste, le problème est que Piketty ne s'intéresse pas aux causes et aux effets économiques de la propriété. Significativement, il ne cite pas Pierre-Joseph Proudhon, l'un des intellectuels qui a pourtant le plus réfléchi à la propriété au XIXe siècle, connu pour avoir lancé « la propriété, c'est le vol », il avait rejeté ensuite « toute conclusion communiste » puis expliqué finalement que la propriété est « le triomphe de la liberté ».

À partir de données comparatives d’une ampleur inédite, « Capital et idéologie » retrace, dans une perspective tout à la fois économique, sociale, intellectuelle et politique, l’histoire et le devenir des régimes inégalitaires, depuis les sociétés trifonctionnelles et esclavagistes anciennes jusqu’aux sociétés postcoloniales et hypercapitalistes modernes, en passant par les sociétés propriétaristes, coloniales, communistes et sociales-démocrates. À l’encontre du récit hyperinégalitaire qui s’est imposé depuis les années 1980-1990, il montre que c’est le combat pour l’égalité et l’éducation, et non pas la sacralisation de la propriété, qui a permis le développement économique et le progrès humain.

En s’appuyant sur les leçons de l’histoire globale, Piketty croit possible de rompre avec le fatalisme qui nourrit les dérives identitaires actuelles et imaginer un socialisme participatif pour le XXIe siècle : un nouvel horizon égalitaire à visée universelle, une nouvelle idéologie de l’égalité, de la propriété sociale, de l’éducation et du partage des savoirs et des pouvoirs. 

Pour Olivier Passet, directeur de la recherche chez Xerfi, il y a curieusement un grand absent dans l’analyse de Piketty: la finance. Car, souligne-t-il, « le capital, pour Piketty, c’est d’abord le patrimoine détenu par les ménages, à travers toutes ses formes (immobilières, productives, financières), à sa valeur de marché. » Selon l’économiste-star, ce sont « les revenus d’intérêt, les loyers, les dividendes et surtout les plus-values qui jouent un rôle décisif dans la dynamique inégalitaire et de concentration des richesses. » Mais à en croire Xerfi, c’est un peu vite oublier l’impact, tout aussi décisif et majeur, de l’infrastructure financière, qui n’a cessé de se renforcer depuis la crise de 2008. Mais Olivier Passet le reconnaît : « le capital génère des distorsions de distribution, mais aussi - et peut-être surtout - des distorsions de pouvoir et d’influence. »

En écoutant les différents points de vue, on peut émettre des doutes sur les solutions préconisées par Thomas Piketty mais on ne peut passer sous silence sa très grande réussite : provoquer un débat essentiel.

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