Navigation dans le blog

Littérature, la résurrection : pourquoi on lira et écrira encore demain

La littérature est-elle en train de disparaître? Cette sempiternelle question trouve aujourd’hui un nouvel écho, entre un marché français du livre en berne, des écrans qui empiètent comme jamais sur notre temps de lecture et des plumes prestigieuses qui nous annoncent la mort du roman. Usbek & Rica a mené l’enquête et trouvé des raisons de croire que l’écriture de fiction est loin d’avoir dit son dernier mot.

En 2009, dans une interview accordée au Daily Beast, feu Philip Roth imaginait un futur dans lequel des gens liront encore des livres, mais il s’agira d’une petite minorité, à peu près équivalente au nombre de personnes capables aujourd’hui de lire de la poésie latine. Le livre ne pouvait déjà pas rivaliser avec l’écran de cinéma, puis avec celui de télévision, puis avec l’ordinateur. Et maintenant nous avons tous un tas d’écrans face auxquels je crois que le livre ne fait pas le poids.

Bret Easton Ellis ne dit pas autre chose dans White, son dernier livre, où l’écrivain confie être devenu incapable d’écrire un roman, une forme de narration qu’il juge anachronique, inadaptée à notre époque, incompatible avec nos conditions technologiques d’existence. Si tout est disponible sans effort ou sans un récit dramatique quelconque, qui se soucie de savoir si vous aimez tel roman ou pas ? Résultat des courses : le roman est mort, assène Bret Easton Ellis dans un long entretien accordé en mars 2019 à la revue America. Jusqu’à aujourd’hui, on lisait des romans pour découvrir une autre culture, pour accroître sa connaissance, pour apprendre quelque chose, pour s’immerger dans la vie des autres. On pourrait ajouter à ce triste constat la fameuse phrase de Reed Hastings, le patron de Netflix : Notre vrai concurrent, c’est le sommeil. Voilà en dit long sur la perte de vitesse de la littérature comme référent culturel et empêcheur de dormir en rond.

Au-delà de la seule littérature de fiction, l’état du marché du livre donne du grain à moudre au constat établi. En 2018, les ventes de livres y ont reculé de 1,7 % par rapport à l’année précédente, la plus forte baisse depuis dix ans. Seules la bande dessinée et l’édition jeunesse sont épargnées par le naufrage. Le classement des meilleures ventes enregistre un déclin de 17 % du nombre d’exemplaires vendus entre 2017 et 2018. Et ce alors que 106 799 titres ont été publiés en 2018, selon le Syndicat national de l’édition.

La lecture arrive seulement en 7e position des activités les plus pratiquées par les jeunes sur une base hebdomadaire. En primaire, 90 % des 7-11 ans lisent des livres dans le cadre de leurs loisirs, mais ils ne sont plus que 74 % au collège et 69 % une fois au lycée... Surtout, la lecture arrive seulement en 7e position des activités les plus pratiquées par les jeunes sur une base hebdomadaire, loin derrière la télévision, les vidéos, les amis, la musique, le sport et Internet.

Malgré les chiffres alarmants, malgré les sombres prédictions de ceux qui comptent peut-être parmi les derniers « grands romanciers », Usbek & Rica a eu l'excellente idée d’enquêter sur cette supposée disparition, de gratter derrière la surface pour comprendre s’il est vraiment raisonnable d’entonner la fin de la littérature. Certes, le monde numérique est un espace de distraction plus que de culture, mais ce n’est pas si grave car notre cerveau est en train d’apprendre à lire de plusieurs façons. Certes, la web-littérature n’a pas grand-chose à voir avec le travail d’un Patrick Modiano ou d’une Doris Lessing, mais de grands auteurs peuvent aussi se révéler sur les plateformes d’écriture en ligne.

Telle l’hydre de Lerne, la créature mythologique qu’Héraclès doit affronter lors du deuxième de ses douze travaux, et dont les têtes se régénèrent doublement lorsqu’elles sont tranchées, la littérature semble à la fois muter et se démultiplier sous mille et une formes et supports.

Une enquête à suivre dans le numéro de cet été 2019 d'Usbek & Rica.

Laissez un commentaire

Code de sécurité