« Aujourd’hui, je pense qu’il y a une universalité d’un corpus de valeurs qui nous viennent des Lumières et avec lesquelles l’homme ne peut ni négocier ni transiger. La liberté de conscience, les droits de l’homme, le droit à la dignité pour tous, la liberté d’expression, la liberté de manifestation, la démocratie peuvent être partagés par toutes les cultures du monde. »
Ainsi s’exprime Jean-Michel Quillardet dans son nouvel essai Pour un humanisme universel paru chez Dervy, auteur, avocat, ancien Grand Maître du Grand Orient de France, rencontré à la librairie bruxelloise Abao : « Il y a lieu d’expliquer ce qu’est une vision humaniste universelle, parce qu’elle contient des valeurs pouvant être acceptées par tous. Cela participe à un combat mené contre le populisme. Il y a des rappels à faire face à l’obscurantisme, à l’intégrisme, à l’antimaçonnisme… », précisa-t-il. À la question de savoir si l’humanisme est une croyance au même titre que la religion, Jean-Michel Quillardet répondit : « C’est à la fois une croyance et une réalité, il faut essayer que l’Amour règne dans la Société. En effet, compte tenu de la renaissance du communautarisme, de ne pas s’ouvrir aux autres, il faut enseigner la laïcité. C’est un principe trop peu connu. Être laïque n’est pas être contre une religion, mais c’est la séparation de l’Église et de l’État, l’application du multiculturalisme, car aucune identité n’est supérieure à une autre. Il faut expliquer, dès l’école primaire, ce qu’est la Charte de la Laïcité, dont je suis à l’origine, et ne pas omettre que la démarche humaniste est un combat à mener au quotidien sur soi-même. »
En sept chapitres bien rythmés et illustrés de nombreux exemples, l’auteur aborde la nécessité de s’engager : « Il existe un esprit, une conscience, qui donne à l’homme une responsabilité particulière et qui l’oblige, pour reprendre le beau mot de Montaigne ‘‘à porter l’humaine condition’’, se remettre en question et choisir soi-même plus de force, plus de sagesse, plus de beauté. »

Des militants de l’humanisme
Comment définir l’humanisme ? Comment l’appliquer ? Jean-Michel Quillardet exposa son point de vue : « L’humanisme, c’est préserver en l’homme son immense et incomparable dignité. C’est découvrir la nature profonde de l’être humain. L’énergie spirituelle qui fonde la nature humaine, est la raison elle-même. Le mouvement des Lumières est un idéal universel qui permet encore au XXIe siècle de donner un sens et un guide à l’humanité. Les Lumières constituent la révolution de l’esprit dont nous avons plus que besoin. Les Lumières, c’est la libre pensée, le libre examen, le refus de tout dogmatisme, elles constituent le projet humaniste avec lequel il ne peut être transigé. L’homme est au cœur de nos interrogations à partir du moment où nous nous considérons comme des militants de l’humanisme. C’est dans le sens de l’affirmation de la liberté et dans le combat contre tout déterminisme, qu’il soit considéré comme naturel ou comme culturel, que nous devons pousser nos efforts. »
Laïcité républicaine, Devoir de Mémoire et Justice humaine.
La laïcité, explique-t-il, c’est la liberté de penser, la liberté d’opinion, la liberté de croyance, la liberté de croire ou de ne pas croire, la liberté de conscience : « Les Églises et les religions sont ainsi restituées dans la sphère uniquement privée, dans laquelle le domaine public n’a pas à intervenir de quelque façon que ce soit, sauf pour faire respecter les grandes lois républicaines et en particulier la liberté de conscience. »
Hélas, ce principe n’est pas d’application dans tous les pays. Ainsi, les nouveaux présidents des USA prêtent toujours serment sur l’une ou l’autre bible, en Belgique, l’Église est omniprésente dans maints rouages de la Nation, dans l’enseignement et le financement des cultes, par exemple.
L’auteur insiste : « La laïcité républicaine, c’est dire toujours que nous sommes, avant d’être juifs, musulmans, catholiques, protestants, athées, agnostiques, francs-maçons, etc., d’abord et avant tout des citoyens », l’auteur clame encore que « le totalitarisme de la foi viole constamment la liberté de penser et la liberté de choisir ses propres certitudes ou interrogations. »
Cependant, pour Jean-Michel Quillardet, la laïcité ne peut pas se résumer qu’à la séparation de l’État et des Églises, « c’est aussi une vision d’une société égalitaire qui considère l’individu d’abord comme un citoyen en fonction de son humanité et non de son appartenance à tel ou tel groupe culturel ou ethnique. »
Encore plus concrètement, il déclare que « tant que la population, pauvre, précarisée, non instruite et non éduquée existera, la laïcité, idée émancipatrice pour l’être humain, ne pourra guère triompher. »
Au sujet de la nécessité du Droit de Mémoire, l’auteur rappelle à juste titre que « la bête immonde, ce monstre froid, qui comme dans la nouvelle de Kafka se couche, se déploie et se déploie encore et prend une telle place qu’elle étouffe et très vite étrangle, cette bête immonde est toujours prête à renaître »
Pourtant, la civilisation ne signifie-t-elle pas le respect de l’individu, la liberté et la tolérance ?
La Shoah, l’Arménie, les Khmers rouges, Staline, Mao, Franco, Pinochet, le Rwanda, le Darfour et tant d’autres exemples, cela exista quoi que disent les révisionnistes. Et, comme l’Histoire a tendance à repasser les plats, même les plus nauséabonds, la nécessité de se souvenir sans cesse, je cite encore : « les bourreaux trouvent toujours une bonne raison de bâillonner, d’emprisonner, de tuer », cette nécessité vitale doit donc être constante.
Pour Jean-Michel Quillardet, avocat de profession, rappelons-le, « seul un État de droit, avec des règles, des lois et des cours de justice, permettra à l’homme de maîtriser ses passions, de canaliser ses tentations et d’organiser le vivre ensemble malgré nos contradictions. »
Et puisqu’on évoque la Justice, il insiste également sur le concept de « Justice humaine », c’est-à-dire que « nous savons bien que le miroir nous renvoie l’image de notre pire ennemi : nous-même ! »
Sans le moindre détour il expose que « l’homme a une terrible responsabilité à l’égard de l’humain et qu’il doit toujours, pour être un homme, éradiquer l’inhumain dans l’humain. Seules les règles de droit, d’un droit démocratiquement élaboré, d’un droit humaniste, peuvent éviter les transgressions. Le Justice doit rendre sa dignité d’homme à la victime, lui rendre son humanité, pour le présent et l’avenir, exprimer de manière rationnelle, implacable, irréfutable, le jugement de l’humanité, chaque homme étant porteur de la condition humaine. »
Il ne s’agit pas d’un discours, un de plus, qu’émet Jean-Michel Quillardet puisqu’il fut cheville ouvrière de la Charte de la Laïcité à l’École affichée et, en principe commentée, dans tous les établissements scolaires de l’Enseignement public en France.
Elle s’articule sur trois grands concepts : prévenir, répondre et soutenir. Il y est question de neutralité de l’État, de la liberté de croire ou de ne pas croire, de s’exprimer librement dans le respect de l’autre, du vivre ensemble, de l’accès à une culture commune et partagée, du rejet de toutes formes de violence, du devoir de stricte neutralité des personnels…
Et si d’autres pays, dont la Belgique, prenaient exemple sur cette Charte plutôt que tergiverser depuis des décennies en cette matière ?
Une matière devenue particulièrement urgente à traiter, compte tenu des bouleversements sociétaux auxquels nous assistions.
Pierre Guelff
http://www.pierreguelff.info

Pierre GUELFF est journaliste, auteur et chroniqueur radio et presse écrite. À travers ses ouvrages, ses émissions et ses chroniques, il défend avec passion la Nature, les notions de terroir, de tradition, de solidarité et de fraternité universelle… À « Fréquence Terre-Écolodio », il anime “Littérature sans Frontières”, "Nature sans Frontières" et "La Nuit porte conseil". Sur son site officiel retrouvez toutes ses émissions radio et tv (RTBF, VivaCité, TV5 Monde), ses ouvrages, sa biographie.
Laissez un commentaire