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Un caricaturiste dans la maison de Balzac

Avec cette nouvelle exposition, la Maison de Balzac, qui aura rouvert ses portes en juillet après des travaux d’accessibilité, de rénovation du jardin et de muséographie du parcours permanent, s’intéresse à la relation passionnante entre l’écrivain et l’un des dessinateurs les plus singuliers du XIXe siècle, Grandville (1803-1847). Dessins, gravures, affiches… plus de cinquante œuvres tantôt satiriques, parfois poétiques ou fantastiques mettent en image cette étonnante rencontre.

Les œuvres présentées proviennent du fonds de la Maison de Balzac, mais également de prestigieuses collections comme celles du musée des beaux-arts et de la bibliothèque Stanislas à Nancy ou du musée Carnavalet-Histoire de Paris, certaines seront présentées au public pour la première fois.

Le parcours de l’exposition donnera à voir les rapports étroits et réciproques entre les deux hommes ; leur rencontre dans les salles de rédaction puis chez les éditeurs, est à l’origine d’étonnantes innovations littéraires et artistiques, et les conduit à créer des œuvres d’une fantaisie mordante.

Grandville et Balzac se rencontrent dans les salles de presse des journaux qui fleurissent à la fin du règne de Charles X. Avant de devenir un écrivain à succès, Balzac a été journaliste. Il participe ainsi en décembre 1829 à La Silhouette et contribue très largement au lancement du journal La Caricature. Cette collaboration lui permet de rencontrer Grandville, dessinateur alors connu pour ses caricatures animalières. L’illustrateur fournit quelques dessins à motifs d’animaux mais, républicain engagé, il développe surtout ses talents de caricaturiste politique. Les attaques féroces menées contre le gouvernement et en faveur du mouvement républicain, l’engagent dans des voies que Balzac, plutôt attiré par le monarchisme vers la fin de 1831, va progressivement quitter.

Cette première partie présente la collaboration des deux hommes. D’abord à travers le travail de Grandville pour La Silhouette puis avec quelques caricatures politiques publiées dans La Caricature. Les thèmes de ces gravures ont un écho étonnamment actuel. L’illustrateur aborde le poids de la fiscalité, la lutte contre le gouvernement ou la censure.

Balzac est l’un des seuls écrivains de son temps à s’intéresser aux dessinateurs et à tenter de les promouvoir. Cela s’explique par l’attrait de Balzac pour les métiers de l’imprimerie, ainsi que dans sa volonté d’élargir le champ de l’art afin d’y inclure le roman, genre alors peu considéré.

C’est un Balzac commentateur de Grandville que l’on découvre dans cette deuxième partie. Les relations entre Balzac et Grandville sont bonnes et Balzac vante dans trois articles les gravures du jeune artiste.

L’un des articles porte sur les Bacchanales de 1831, gravure antigouvernementale dans laquelle Balzac voit notamment une leçon pour les « pantins politiques ». Le second évoque une gravure intitulée Mœurs aquatiques qui représente un rat ceinturant une grenouille au bord d’un étang. Balzac joue plaisamment sur l’ambiguïté de ce dessin et laisse différentes personnes – un député, un pair de France, un publiciste... « – donner des interprétations, évidemment contradictoires, sur le sens profond de cette scène. Le troisième article évoque la spectaculaire série de gravures Voyage pour l’éternité, neuf lithographies très inventives dans lesquelles Grandville « donne de la gaieté à la Mort ».

Ces œuvres seront présentées avec quelques phrases de Balzac en exergue. Particulièrement spectaculaire, le « Voyage pour l’éternité » sera accompagné de dessins originaux de Grandville qui n’ont pas été présentés au public.

De son côté, Grandville croque régulièrement Balzac au fil des ans, ces caricatures de l’écrivain sont bien moins méchantes que les charges politiques de l’illustrateur, mais sont tout aussi drôles et attestent la permanence de relations très amicales.

La troisième et dernière salle de l’exposition présente un Grandville contraint de s’éloigner de la satire politique. En effet, les lois de septembre 1835 contre la presse ont muselé l’opposition républicaine. Grandville se reconvertit alors dans l’illustration de romans.

À partir de 1840, il participe notamment à l’illustration de deux grandes initiatives éditoriales auxquelles Balzac a très largement contribué, Les Français peints par eux-mêmes, puis les Scènes de la vie privée et publique des animaux. Les Français peints par eux-mêmes proposent en huit volumes une description de l’ensemble des types sociaux identifiés en France. Les Scènes de la vie privée et publique des animaux font ressortir quelques types, mais jouent davantage sur l’actualité du temps.

Grandville convenait d’autant mieux à ce travail qu’il s’est fait très tôt connaître grâce à une série de gravures intitulée Métamorphoses du jour, portant un regard critique sur la société française en animalisant les humains. Cet intérêt précoce pour les classifications, la comparaison de l’humanité et du monde animal, contribuent naturellement à le rapprocher de Balzac.

Cette dernière partie présente ce travail d’analyste de Grandville à travers des représentations issues des « Métamorphoses du jour » et sa participation pour les textes de Balzac publiés dans Les Français peints par eux-mêmes. Mais c’est avec les Scènes de la vie publique et privée des animaux, que le talent de Grandville pour les représentations animales, sa poésie et son sens du fantastique s’expriment pleinement. Cette partie présente également des affiches et dessins de Grandville récemment acquises par la Maison de Balzac.


Maison de Balzac

47, rue Raynouard

75016 Paris

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