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Une strophe inconnue de Charles Baudelaire.

Un recueil des fleurs du mal, rehaussé de strophes manuscrites de Charles Baudelaire a été mis à l’encan ce 22 novembre 2019 chez Art Valorem à Paris.

Il aura fallu 98.000 € pour obtenir cette édition originale de l'un des ouvrages les plus recherchés de la poésie française, Les Fleurs du Mal, publié à Paris chez Poulet-Malassis et de Broise en 1857.

Ce premier tirage est bien complet des six poèmes condamnés par autorité de justice et qui furent supprimés dans certains exemplaires.

Ce précieux exemplaire fut celui de Gaston de Saint-Valry. Il porte sur le faux-titre un envoi autographe signé au crayon par Charles Baudelaire.

Gaston de Saint-Valry (1828-1881), journaliste et critique littéraire, est le fils de Gaston Souillard de Saint-Valry, auteur de recueils de poésie. Il collabora à plusieurs journaux dont La Gazette de Paris dans laquelle il fit, le 26 septembre 1856, un compte-rendu favorable des Histoires extraordinaires.

Saint-Valry fut, avec Poulet-Malassis, à l'origine de la refonte du Journal d'Alençon qui, transformé en journal littéraire, allait publier dans le numéro 49 du 18 juin 1857, le poème Le Vin des chiffonniers extrait des Fleurs du Mal. Enfin Poggenburg note dans sa chronologie Baudelairienne que le poète et Saint-Valry se rencontrent juste après la parution des Fleurs du mal, en juillet-août 1857 et que, le 21 août, Emile Deschamps écrit à Baudelaire pour lui exprimer l'admiration que lui porte Gaston de Saint-Valry.

L'exemplaire contient en outre quatre corrections d'orthographe et une strophe manuscrites de la main du poète. Page 53, à la suite de la dernière strophe des Bijoux, le poète a ajouté la strophe suivante :

Et je fus plein alors de cette Vérité :

Que le meilleur trésor que Dieu garde au Génie

Est de connaître à fond la terrestre Beauté

Pour en faire jaillir le Rythme et l'harmonie.

 

Les corrections orthographiques évoquées ci-dessus sont déjà connues des bibliographes car elles se retrouvent sur d'autres exemplaires et ont été répertoriées au nombre de cinq par Desprechins dans Le Livre et l'estampe (n°47-48, p. 280 / n° 51-52, p. 206). On notera d'ailleurs que ces exemplaires " corrigés " n'ont pas systématiquement les cinq corrections répertoriées comme l'exemplaire Delacroix dont trois poèmes seulement sont corrigés (vente Jacques Guérin, II, 20 mars 1985, n°18) et comme l'exemplaire Saint-Valry présenté ici, dans lequel le poème Le Reniement de Saint-Pierre n'a pas été corrigé, tandis que d'autres les possèdent toutes comme l'exemplaire Narcisse Ancelle, ami et conseiller juridique du poète (vente Aupick-Ancelle, 1er décembre 2009, n°80).

En revanche, la strophe ajoutée par le poète est tout à fait inconnue et donne à cet exemplaire une importance littéraire majeure.

L'exemplaire n'était connu que d'Yves-Gérard Le Dantec. Le fait est rapporté dans les notes et variantes de l'édition de La Pléiade (1961, p. 1566 - p.141) : D'ailleurs Yves-Gérard Le Dantec a indiqué que, dans un exemplaire des Fleurs du mal, dédicacé à Saint-Valry, figurait une strophe supplémentaire et dernière, de la main de Baudelaire, à propos de laquelle celui-ci exprimait " le voeu que le sujet même passât au second plan et qu'on ne vît dans la pièce qu'une intention plastique ". Le vers final de cette strophe était : Pour en faire jaillir le rythme et l'harmonie.

Il a été joint à ce propos une lettre autographe signée de Yves-Gérard Le Dantec, datée Paris, 20 février 1928, relative à cet exemplaire et à son infructueuse tentative pour faire connaître cette strophe inédite : Madame je ne vous dissimulerai pas la surprise que j'ai éprouvée en lisant la seconde page de votre petit mot Je n'ai pas besoin d'insister auprès de vous sur l'intérêt primordial que représente cette découverte d'une strophe inédite du grand poète j'estime qu'il n'est pas une note, pas un mot, pas même une lettre inédite d'un homme tel que Baudelaire qui doivent rester inconnus, que tout est intéressant en ce qui le touche loin de déprécier un tel trésor, la " divulgation " ne peut qu'accroître sa valeur - à supposer que ce soit là le vrai motif de votre réponse négative Pardonnez-moi Madame, l'obstination que je mets en cette affaire.

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