Liste des livres de Crébillon (Claude-Prosper Jolyot de)
Claude-Prosper Jolyot de Crébillon (1707–1777)
Fils du célèbre dramaturge tragique Prosper Jolyot de Crébillon, Claude-Prosper, surnommé Crébillon fils, fut l’une des figures les plus intrigantes et provocatrices de la littérature libertine du XVIIIe siècle. Né à Paris en 1707, il hérite de son père une plume alerte mais la tourne vers des usages bien différents : là où Crébillon père peignait les affres de la tragédie, le fils s’illustre dans la finesse ironique, la galanterie et l’érotisme.
Éduqué chez les jésuites, Crébillon fils mène une vie instable, ponctuée d’excès et de scandales, qui se reflète dans son œuvre. Ses romans, audacieux et brillamment écrits, critiquent subtilement la société de son temps, en dissimulant la satire morale sous les apparences du badinage amoureux. Son style, raffiné et elliptique, brille par la maîtrise de l’ellipse, la vivacité du dialogue et la cruauté amusée.
Son premier grand succès, Les Égarements du cœur et de l’esprit (1736), relate en faux mémoires les aventures sentimentales du jeune marquis de Meilcour. L’ouvrage est emblématique du roman d’apprentissage libertin : il conjugue légèreté de ton, complexité psychologique et observation sociale. Le roman connaît un immense succès et s’impose comme un chef-d’œuvre du genre.
Parmi ses autres œuvres notables, on peut citer La Nuit et le moment (1755), un dialogue brillant entre deux amants, emblématique de la veine précieuse et libertine du siècle. Crébillon y pousse l’art de la conversation jusqu’à une extrême sophistication.
Malgré les soupçons de censure et les tensions avec les autorités, Crébillon fils est nommé censeur royal en 1759 — un paradoxe ironique pour un auteur si frondeur. Il meurt à Paris en 1777, reconnu mais souvent relégué à une place marginale, avant d’être redécouvert par la critique du XXe siècle comme un styliste d’exception et un analyste pénétrant des mœurs d’Ancien Régime.
Crébillon fils reste, aujourd’hui encore, une figure à part dans le paysage littéraire français : irrévérencieux mais subtil, libertin mais grave, toujours en équilibre entre la séduction et la satire.