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Deux trésors du patrimoine islamique atteignent des sommets aux enchères.

Deux superbes Corans ont récemment attiré l'attention lors d'une vente aux enchères organisée par De Baecque et Associés à Lyon, suscitant un vif intérêt parmi les collectionneurs et les amateurs d'art islamique. Ces manuscrits précieux, provenant de l'Empire ottoman, ont atteint des prix de vente bien au-delà de leurs estimations initiales, illustrant l'importance historique et artistique de ces œuvres.

Le Coran ottoman de Kazasker Mustafa 'Izzet Efendi

Le premier Coran, daté de 1283 AH (1866-67 AD), est une œuvre remarquable réalisée par le célèbre calligraphe Kazasker Mustafa 'Izzet Efendi. Ce manuscrit est un exemple éloquent de l'art de la calligraphie ottomane, combinant des encres, des pigments polychromes et de l'or sur papier. Ses dimensions sont modestes (H. 19 cm, L. 12,4 cm, P. 3,6 cm), mais sa valeur artistique est inestimable.

Le manuscrit s'ouvre sur un bifolio somptueusement enluminé, présentant des mandorles, arabesques et motifs floraux complexes en polychromie et or, encadrant les premiers versets du Coran. La suite du texte est écrite en calligraphie naskh fine, répartie sur treize lignes par page et entourée de filets d'encadrement dorés. Les titres des sourates et les vignettes marginales sont également enluminés avec une grande délicatesse.

Ce Coran est doté d'une reliure en cuir brun richement estampée, décorée de mandorles et de motifs dorés formant des rinceaux et nuages tchi. La couverture porte un verset coranique (56:79 « Que seuls les purifiés touchent »), soulignant l'importance sacrée de ce texte. Il est accompagné d'une pochette ornée de décors estampés et dorés, ajoutant à la richesse de sa présentation.

Kazasker Mustafa 'Izzet Efendi, né à Tosya en 1801, a marqué l'histoire de la calligraphie ottomane. Après avoir attiré l'attention du Sultan Mahmud II grâce à sa récitation parfaite du Coran, il fut formé à la calligraphie par Yesarizade Mustafa Izzet Efendi. Mustafa 'Izzet devint l'un des plus grands calligraphes de son temps, connu aussi pour ses talents de joueur de ney. Il obtint le titre de Juge Militaire en Chef (Kazasker) de Roumélie avant de décéder en 1876. Ce manuscrit, avec son résultat de vente de 730 000 EUR, témoigne de son génie artistique et de l'importance de son héritage.

Le Coran attribué à Sheykh Hamdullah

Le deuxième Coran, attribué à Sheykh Hamdullah, date du début du XVIe siècle. Ce manuscrit est un chef-d'œuvre de l'art calligraphique ottoman, loué pour sa beauté et son exécution minutieuse. Estimé entre 30 000 et 50 000 EUR, il a été vendu pour 480 000 EUR, soulignant son importance historique et artistique.

Sheykh Hamdullah, considéré comme le père de la calligraphie ottomane, a révolutionné l'écriture naskh. Ce manuscrit a été examiné par un groupe de calligraphes éminents à la fin du XIXe siècle, qui ont confirmé son attribution à Hamdullah. Parmi eux se trouvaient des figures de proue telles que Yahya Hilmi Efendi et Hasan Rıza Efendi, dont les sceaux et signatures authentifient cette œuvre.

Le manuscrit est orné de magnifiques enluminures en or et en polychromie. La calligraphie naskh, délicate et précise, est répartie sur les pages avec une élégance qui caractérise le travail de Hamdullah. À la fin du manuscrit, un cartouche enluminé contient les signatures et sceaux des experts, accompagnés d'un texte daté de Safar 1307 (1889) affirmant l'authenticité de l'œuvre.

Ces deux Corans, enchéris à des prix exceptionnels, illustrent non seulement la maîtrise artistique des calligraphes ottomans, mais aussi l'importance culturelle et religieuse de ces manuscrits. Le Coran de Kazasker Mustafa 'Izzet Efendi, avec son résultat de 730 000 EUR, et le Coran attribué à Sheykh Hamdullah, vendu pour 480 000 EUR, témoignent de l'appréciation continue et croissante pour l'art de la calligraphie islamique. Ces œuvres, en plus de leur valeur monétaire, offrent une fenêtre sur l'histoire riche et complexe de l'Empire ottoman, marquée par une dévotion profonde et une excellence artistique exceptionnelle.

Photos : © De Baecque et Associés

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