Dès son plus jeune âge, Jean-Claude Götting, illustrateur de renom, sait qu'il voue une véritable passion pour le...
Adrien-Louis Lebeuf de Montgermont : une vie entre politique, industrie et bibliophilie.
Adrien-Louis Lebeuf de Montgermont, né à Paris le 16 janvier 1824, est une figure emblématique de la famille Lebeuf, dont l'influence s'étend sur la gestion de la manufacture de faïence de Creil et Montereau et la politique locale en Seine-et-Marne. Il est le fils aîné de Louis-Martin Lebeuf, un homme d'affaires respecté, régent de la Banque de France, député de Seine-et-Marne et sénateur. Adrien-Louis lui succéda en tant que directeur de la manufacture et maire de Montereau-Fault-Yonne, un poste qu’il occupa avec succès.
L'ascension sociale de la famille Lebeuf est en partie symbolisée par l’acquisition de titres nobiliaires. Par décret impérial du 24 septembre 1859, Adrien-Louis fut autorisé à ajouter à son nom celui de « de Montgermont », en hommage à leur château familial situé sur la commune de Pringy. Ce domaine, tout comme son frère Alfred-Louis Lebeuf, joua un rôle important dans la vie culturelle et intellectuelle de la famille.
Adrien-Louis est souvent confondu avec son frère cadet, Alfred-Louis Lebeuf de Montgermont (1841-1918), qui suivit une carrière diplomatique et fut lui aussi autorisé à adjoindre le nom de Montgermont à son patronyme en 1863. Alfred-Louis épousa Jeanne-Madelaine Schnetz, tandis qu'Adrien-Louis se maria à Marie-Joséphine-Clotilde-Elise Parent en 1853.
La passion bibliophilique de Montgermont
L'une des facettes les plus marquantes de la vie d'Adrien-Louis Lebeuf de Montgermont réside dans sa collection exceptionnelle de livres rares et précieux. Ce goût pour les ouvrages d’exception et les éditions recherchées témoigne d’un esprit raffiné, attaché à la préservation du patrimoine littéraire. La bibliothèque de Montgermont était un véritable trésor, abritant des œuvres ornementées et d'une rare perfection, dont les éditions des célèbres imprimeurs Elzevier, réputés pour la qualité de leurs publications.
L’accent fut mis sur la littérature française, en particulier la poésie, avec plus de 250 titres. Les livres de la collection Montgermont étaient souvent magnifiquement reliés, avec des pièces marquées par des armoiries prestigieuses provenant de célèbres bibliophiles comme la marquise de Pompadour, Madame de Chamillart ou encore Mademoiselle de La Vallière. Les reliures, exécutées par les maîtres artisans de l’époque, comptaient des noms aussi illustres que Duseuil, Boyet, Padeloup et Derome. Parmi les reliures modernes, plus de 300 volumes portaient la marque de Trautz-Bauzonnet, un des relieurs les plus renommés du XIXe siècle.
L'un des ouvrages les plus remarquables de la collection fut une Sainte Bible traduite en français par le Maistre de Sacy. Cet exemplaire, orné de 300 figures et dessins originaux de Marillier et Monsiau, était d'une valeur inestimable et fut adjugé à 24 500 francs lors de la vente aux enchères.
La vente aux enchères et ses répercussions
La bibliothèque de Montgermont fut dispersée aux enchères en 1876, peu de temps avant la mort d'Adrien-Louis, dans un anonymat partiel, sous le titre de Bibliothèque de M. L. de M**.* Cette vente, qui se déroula sur six jours à l’hôtel des commissaires-priseurs à Paris, marqua un tournant dans l’histoire des enchères de livres rares. Les 991 ouvrages proposés suscitèrent un engouement rare, atteignant des prix sans précédent pour l'époque, avec un montant total de près de 500 000 francs, et un bénéfice de plus de 200 000 francs.
Le catalogue de la vente, imprimé par Adolphe Labitte, détaillait chacun des ouvrages, et plusieurs d'entre eux dépassèrent largement les attentes initiales. Parmi les plus notables, citons le Bréviaire de Nostre-Dame, un ouvrage de 1587 d’une grande beauté, relié avec les armes du roi Henri III et adjugé pour 940 francs, ainsi que les Œuvres spirituelles de Henri Suso, datées de 1586, un ouvrage rarissime qui atteignit 2 050 francs.
Un legs intellectuel et un dernier litige
Malheureusement, la vente de la bibliothèque ne se fit pas sans quelques contestations. En 1880, un certain sieur Crépet assigna Montgermont ainsi que les experts Labitte et Potier en justice, prétendant que deux des ouvrages qu’il avait acquis étaient en mauvais état. Le tribunal civil de la Seine rejeta sa demande, statuant en faveur des vendeurs. Ce litige, bien que mineur, illustre la complexité et les enjeux financiers des ventes de livres rares à cette époque.
Adrien-Louis Lebeuf de Montgermont mourut à Paris le 19 juin 1876, au 12 place Vendôme. Son héritage, au-delà de ses responsabilités politiques et économiques, réside dans son rôle de gardien d’un patrimoine bibliophilique exceptionnel. La collection qu’il avait patiemment réunie, et qui fut dispersée au gré des enchères, témoigne d’un amour profond pour la littérature et pour l’art des reliures, perpétuant ainsi la mémoire d’un homme passionné par les plus beaux témoins du génie humain.
La place des livres anciens dans la collection Montgermont
Les ouvrages collectionnés par Montgermont reflètent un goût prononcé pour les livres anciens, souvent issus de prestigieuses imprimeries et ornés de reliures qui en faisaient de véritables objets d'art. Ces livres, au-delà de leur contenu littéraire ou religieux, étaient des symboles de prestige et de raffinement, très prisés par l’élite cultivée du XIXe siècle.
La présence des œuvres des Elzevier, les célèbres imprimeurs néerlandais du XVIIe siècle, souligne l’importance qu’accordait Montgermont à l’édition soignée. Les volumes issus de cette maison d'édition étaient réputés pour leur petite taille et leur typographie élégante, et se sont longtemps imposés comme des incontournables dans les collections des bibliophiles. D’autres livres de la collection, tels que des exemplaires ornés des armoiries de personnages illustres, ajoutaient à cette impression de rareté et de valeur inestimable.
En conclusion, Adrien-Louis Lebeuf de Montgermont laisse derrière lui non seulement l’image d’un gestionnaire avisé et d’un homme public, mais aussi celle d’un grand amoureux des livres anciens. Sa bibliothèque était un reflet de son époque, où les livres étaient des témoins du savoir et du pouvoir, et où chaque reliure, chaque page portait en elle l’empreinte d’une histoire à préserver.
Laissez un commentaire