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Annie Le Brun, une vie de subversion littéraire.
Annie Le Brun, née le 15 août 1942 à Rennes, est une figure marquante du surréalisme et de la critique littéraire en France. Son parcours débute durant ses études en lettres, où elle découvre le surréalisme avant de rencontrer le vieux maître André Breton en 1963. Cette rencontre déterminante l'amène à s'engager profondément dans ce mouvement, produisant des œuvres marquantes telles que Les mots font l'amour, publié en 1970. Son engagement se manifeste également par une participation active aux événements de Mai 68, où elle co-signe des textes provocateurs, reflet de l'esprit de rébellion de la jeunesse de l'époque, et adopte une critique radicale de l'ordre établi.
L'œuvre d'Annie Le Brun explore sans relâche les thèmes de la subversion et de la transgression. Elle se distingue notamment par ses travaux sur le marquis de Sade, devenant une spécialiste reconnue de cet auteur controversé. En 1986, elle publie Soudain un bloc d'abîme, Sade, où elle examine les intersections entre subversion, désir et pouvoir, offrant une analyse profonde et novatrice de l'œuvre sadienne.
Pour Annie Le Brun, la littérature n'est pas une fin en soi mais une aventure de l'esprit visant à ouvrir de nouveaux horizons et à explorer les vastes étendues de la représentation sensible et mentale. Elle rejette fermement les cercles littéraires isolés, les esthétismes de salon et le théoricisme excessif, critiquant la French Theory pour son détachement des réalités concrètes. Partageant avec Georges Bataille l'idée de la littérature comme une expérience intérieure, elle voit en elle un moyen d'élargir les perspectives au-delà du formalisme. Sa critique culturelle s'étend également à la « société du spectacle » de Guy Debord, avec qui elle a entretenu une correspondance nourrie.
Dès la fin des années 70, Annie Le Brun critique avec véhémence le « néo-féminisme ». Dans des textes tels que Lâchez tout (1977) et Vagit-Prop (1988), elle perçoit ces théories comme un renforcement des idéologies totalitaires sous des apparences progressistes. Son intérêt pour le roman gothique et le romantisme noir se révèle également dans son œuvre, y voyant un contrepoint nécessaire à la domination de la raison dans la culture occidentale.
Sa critique acerbe de la société contemporaine, en particulier de la marchandisation de la culture et de l'art, se retrouve dans son ouvrage Ce qui n'a pas de prix, publié en 2018. Elle y affirme que « depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, la laideur a eu la voie libre », dénonçant le conformisme et les fausses rébellions de la société moderne. Plus récemment, dans Ceci tuera cela. Image, regard et capital (2021), elle s'oppose fermement à la domination de la technologie et à l'impact corrosif de l'internet sur la culture, critiquant la surabondance d'images véhiculées par les appareils numériques.
La poésie d'Annie Le Brun, rassemblée dans le recueil Ombre pour ombre publié en janvier dernier chez Poésie/Gallimard, retrace un parcours poétique qui va de son premier poème Sur le champ (1967) aux Éditions surréalistes, illustré par Toyen, à son dernier poème Pour ne pas en finir avec la représentation (2002). En 2023, les Éditions Bouquins publient L'Infini dans un contour, une sélection de ses œuvres majeures, incluant des textes phares comme Les Châteaux de la subversion, Appel d'air ou Surréalisme et subversion poétique.
En plus de son œuvre écrite, Annie Le Brun a organisé plusieurs expositions importantes. En 2022, elle a été la commissaire de l'exposition Toyen, l'écart absolu au musée d'Art Moderne de Paris, confirmant ainsi son engagement continu dans la promotion et la célébration de l'art et de la littérature subversifs.
L'année des 100 ans du Premier Manifeste du Surréalisme marque également le départ d'Annie Le Brun, dernière représentante importante de ce mouvement. Elle nous a quittés le 29 juillet 2024, à l'âge de 81 ans, laissant derrière elle un héritage intellectuel et artistique inestimable. Annie Le Brun demeure une figure incontournable de la critique littéraire et artistique contemporaine, son œuvre étant un témoignage vibrant de son refus de la conformité et de son appel à la subversion. Ses écrits, empreints d'une rigueur intellectuelle et d'une passion indéfectible pour la liberté de l'esprit, continuent d'inspirer et de provoquer la réflexion.
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