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Décès d'Henri-Frédéric Blanc, écrivain de l'Overlittérature et chantre de la dérision.
Le 23 janvier 2025, le monde littéraire a perdu une voix singulière et inclassable. Henri-Frédéric Blanc, auteur marseillais à l'esprit fantasque et prolifique, s'est éteint à l'âge de 70 ans des suites d'une longue maladie. Philosophe de formation, résident de la cité phocéenne où il a vu le jour le 22 décembre 1954, Blanc laisse derrière lui une œuvre dense et atypique. Avec plus d'une trentaine de publications à son actif, il a su marquer le paysage littéraire français par son style baroque, satirique et sa critique sociale mordante. Retour sur une carrière exceptionnelle.
Les premiers pas d'un écrivain aux multiples facettes
Après des études de philosophie à l’Université Aix-Marseille, Henri-Frédéric Blanc choisit de s’éloigner du milieu académique pour explorer divers horizons professionnels. Guide touristique, libraire, caissier, veilleur de nuit ou encore guetteur d'incendies : autant de métiers qui ont nourri son imaginaire et son regard caustique sur le monde. En 1989, il publie son premier roman, L'Empire du sommeil, chez Actes Sud. Cette œuvre, à la croisee de la satire et du réalisme onirique, annonce déjà les thèmes qui traverseront toute sa carrière : la dérision, l’amour du verbe et la critique des travers humains.
Un chantre de l’Overlittérature
Henri-Frédéric Blanc est l’un des fondateurs de l'Overlittérature, mouvement qu'il crée en 2005 aux côtés de Gilles Ascaride. Ce courant littéraire, typiquement marseillais, revendique un « mauvais goût assumé » et un « irrespect total ». Sous forme de chroniques, de fables ou de réécritures parodiques, Blanc utilise l'exagération, l'humour et la satire pour exprimer la richesse culturelle et sociale de Marseille. Dans Discours sur l’universalité de l’esprit marseillais, il qualifie sa ville natale de « grand foutoir plein d'énergie » et met en avant des traits tels que l'imagination, la dérision et l'autodérision, qu'il considère comme des atouts majeurs.
Parmi ses publications phares, Cagole Blues et Ainsi parlait Fredo le Fada incarnent cette démarche, offrant une plongée humoristique et poétique dans l’âme marseillaise. Patrick Coulomb, ancien journaliste de La Provence, résume bien la philosophie de l’écrivain : « Henri-Frédéric Blanc se saisissait des travers marseillais, qu'il considérait comme autant d'atouts : une tradition satirique, un don pour l'exagération et une liberté d'esprit irrévérencieuse. »
Parodie et réécriture : un talent unique
Henri-Frédéric Blanc était aussi un maître de la parodie. Avec Banzaïoli, il revisite L'Art de la guerre de Sun Tzu à la sauce marseillaise. Adapté au théâtre par Xavier-Adrien Laurent, ce texte humoristique illustre à merveille le style de Blanc : une fusion entre le burlesque et une profonde réflexion sur les absurdités de la condition humaine. Dans Merde à Shakespeare, il rend hommage à sa manière au dramaturge anglais tout en affirmant que « l’imaginaire appartient à tous et à personne ».
Ses romans mêlent souvent réalisme et onirisme. Combat de fauves au crépuscule (1990), adapté au cinéma avec Richard Bohringer, met en scène un « wonderboy de la pub » coincé dans un ascenseur parisien, révélant les mécanismes de la vanité et de la peur. Chaque œuvre de Blanc porte l'empreinte de son esprit caustique et de son regard désabusé sur les absurdités du monde moderne.
Une œuvre théâtrale et un legs marseillais
En plus de ses romans, Henri-Frédéric Blanc était l’auteur de nombreuses pièces de théâtre et essais. Son travail a été publié par des maisons d'édition variées telles qu'Actes Sud, les éditions du Rocher, ou encore les éditions marseillaises du Fioupélan. Ses textes théâtraux ont souvent été portés sur scène, notamment par le théâtre Toursky, qui accueillera prochainement sa dernière création, Mise au blanc, interprétée par Thierry B. Audibert.
Xavier-Adrien Laurent, qui a souvent collaboré avec lui, se souvient d’un homme paradoxalement discret et timide, loin de l’image exubérante que l’on pourrait attendre d’un « samouraï de la tchatche ». Jean-Marc Coppola, adjoint à la Culture à Marseille, a résumé la perte ressentie par la ville : « Sa joyeuse marseillitude va nous manquer. »
Un héritage littéraire inoubliable
Henri-Frédéric Blanc laisse un style unique, combinant humour mordant, réflexion philosophique et amour de la langue, continuera d’inspirer les générations futures. Ses œuvres, qu’elles soient parodiques, satiriques ou théâtrales, incarnent une liberté de ton et un refus des conventions qui résonnent encore aujourd’hui.
Comme il l’écrivait lui-même : « Marseille bat de l’aile, excellente situation, créons ! Nous avons de quoi : un certain mauvais goût, merveilleusement fécond, et la clé du coffre à idées. » Une invitation à l'imaginaire que son œuvre perpétue avec brio.
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