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Guillaume-Claude Delaleu : un notaire d'exception au cœur du siècle des Lumières.
Guillaume-Claude Delaleu, figure emblématique du notariat parisien du XVIIIe siècle, est né à Paris le 24 octobre 1712 et est décédé le 21 février 1775. Issu d'une famille de notables, il hérite de la charge de conseiller secrétaire du roi, maison et couronne de France, ainsi que de ses finances, à la mort de son père en 1753. Sa carrière de notaire au Châtelet, qu'il commence en 1740 et qu'il poursuit jusqu'en 1774, marque profondément son époque, notamment par les personnalités influentes qu'il compte parmi ses clients, comme le duc de Saint-Simon et Voltaire.
Un notaire au service des grands hommes
Le notaire Delaleu n'était pas un homme ordinaire. Sa position l'amène à servir des personnalités d'envergure, dont le célèbre mémorialiste le duc de Saint-Simon et le philosophe des Lumières, Voltaire. Être le notaire de telles figures illustre le rôle central qu'il jouait dans la gestion des affaires privées des plus grands esprits de son temps.
Maurice Quentin de La Tour, célèbre peintre pastelliste, a immortalisé Delaleu, témoignant ainsi de la reconnaissance sociale dont jouissait ce notaire. L’influence de Delaleu dépasse largement le cadre de sa profession. Il était non seulement impliqué dans les transactions juridiques et financières, mais aussi au cœur des réseaux intellectuels et artistiques de Paris.
De la rue Sainte-Croix-de-la-Bretonnerie à l’hôtel de La Tour-du-Pin
Delaleu a déménagé à plusieurs reprises au cours de sa vie, vivant dans des quartiers prestigieux de Paris. Il réside d'abord rue du Bourg-Tibourg, puis, à partir de 1749, rue Sainte-Croix-de-la-Bretonnerie, à l’angle de la rue du Puits, aujourd’hui appelée rue Aubriot. Enfin, à partir de 1768, il s’installe rue Vieille-du-Temple, dans l’hôtel de La Tour-du-Pin, un édifice de style classique construit en 1724.
Cet hôtel particulier symbolise le raffinement et le luxe auxquels aspirait Delaleu. C'est dans cette résidence somptueuse qu'il constitue sa célèbre bibliothèque, qui deviendra l’une des plus renommées de Paris. Cependant, ses goûts de luxe et son train de vie fastueux finissent par avoir raison de sa fortune, le conduisant à la faillite.
La faillite et la dispersion de la bibliothèque
À la mort de Delaleu, sa veuve, Marie-Geneviève Dutartre, fille de notaire, se voit contrainte de rembourser les créanciers de son époux. Pour ce faire, elle disperse sa précieuse bibliothèque. En mai 1775, un catalogue est publié pour la vente de ces ouvrages : Le catalogue des livres de la bibliothèque de feu M. Delaleu, secrétaire du roi, et notaire à Paris.
Cette collection d'ouvrages exceptionnels témoigne de l'érudition et du goût de Delaleu. En effet, il a consacré près de cinquante ans à rassembler des livres rares et précieux, issus des ventes des bibliothèques les plus illustres de Paris, telles que celles de MM. Dufay, le comte d’Hoym, de Rothelin et même de la marquise de Pompadour.
Les livres étaient dans un état remarquable : beaucoup étaient imprimés sur grand papier, lavés, réglés, et reliés par les artisans les plus talentueux de l’époque. Parmi les pièces les plus précieuses se trouvait un exemplaire de la Jérusalem délivrée de Torquato Tasso, édité à Venise par Albrizzi en 1745, avec des illustrations en couleur réalisées par Gian-Battista Piazzetta.
L'importance des éditions Elzevir et autres ouvrages précieux
La bibliothèque de Delaleu était particulièrement riche en éditions des Elzevirs, célèbres imprimeurs du XVIIe siècle basés à Amsterdam et Leyde. Ces éditions étaient réputées pour leur typographie soignée et leur petit format, en particulier les ouvrages en latin. Delaleu possédait ainsi plusieurs exemplaires de grande valeur, dont une Sainte Bible en français, sur la version de Genève, éditée par Elzevir en 1669, et une édition des Œuvres complètes de Cicéron, imprimée à Leyde en 1642.
Outre ces classiques, sa collection comptait également des ouvrages français de premier plan, notamment des éditions illustrées des Fables de La Fontaine et des Œuvres de Nicolas Boileau, ainsi que des livres historiques d’une grande rareté, comme L’histoire de France de Mézeray.
Un cabinet érudit et luxueux
Le catalogue de la vente met en lumière l’immense érudition de Delaleu. Sa bibliothèque comprenait des auteurs latins, français et italiens, reflétant un large éventail d’intérêts littéraires et scientifiques. L’histoire, les belles-lettres, le théâtre français et italien y occupaient une place prépondérante.
Au-delà de leur contenu intellectuel, les ouvrages de la collection Delaleu étaient des objets d’art en eux-mêmes, magnifiquement reliés, souvent en maroquin rouge ou citron, et ornés de dorures délicates. Leur rareté et leur état impeccable en faisaient des trésors pour les bibliophiles de l’époque.
Un témoignage du raffinement du XVIIIe siècle
La vie de Guillaume-Claude Delaleu, en tant que notaire, collectionneur et homme de goût, témoigne du raffinement et de la culture du XVIIIe siècle. À travers ses livres, il a non seulement cherché à se divertir, mais aussi à s’inscrire dans la grande tradition des bibliophiles de son temps. Sa bibliothèque, riche en livres anciens et en éditions rares, est le reflet d'une époque où le savoir et le luxe allaient de pair.
Aujourd'hui, les ouvrages qui composaient la bibliothèque de Delaleu, dispersés aux quatre coins du monde, continuent d’éveiller l’intérêt des amateurs de livres anciens. Ils rappellent que derrière chaque grande collection, il y a une passion, un homme, et souvent, une histoire de faillite ou de rédemption, comme celle de Guillaume-Claude Delaleu.
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