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Jacques Glénat : de la passion du fanzine à l'édition majeure de la bande dessinée.
Devenir un éditeur majeur dans le domaine de la bande dessinée est un parcours marqué par la passion, la curiosité et une capacité à anticiper les tendances du marché. L’histoire de Jacques Glénat, fondateur des éditions Glénat, illustre parfaitement ce chemin fait de hasards heureux, d’initiatives audacieuses et de rencontres inattendues.
Les débuts : entre collection et fanzine
Pour Jacques Glénat, tout commence dès l’enfance, dans la passion pour les histoires racontées à travers les cases et les bulles. En tant que lecteur assidu, il collectionne les magazines emblématiques comme Tintin, Spirou, Pilote ou encore Vaillant, autant de publications qui ont façonné des générations de lecteurs. Dès ses jeunes années, il se lance dans un fanzine intitulé Schtroumpf, un projet modeste mais ambitieux, précurseur des blogs d’aujourd’hui, qui lui permet de rencontrer des auteurs, de découvrir des œuvres oubliées, et même de rééditer des travaux anciens. Ce fanzine marque la première étape vers la fondation de sa propre maison d’édition.
La rencontre avec les auteurs : un moment privilégié
Une des forces de Jacques Glénat, dès ses débuts, est sa capacité à nouer des liens avec les auteurs. À une époque où les créateurs de bandes dessinées sont encore méconnus du grand public, il prend le temps de les rencontrer, d’apprendre à connaître leurs travaux et leur univers personnel. Franquin, par exemple, figure emblématique de la bande dessinée belge, raconte un jour qu’un journaliste lui a demandé : « Et vous faites quoi pour vivre ? ». Ce genre d’anecdote montre à quel point les auteurs étaient sous-estimés à l’époque, et c’est précisément ce que Jacques Glénat a voulu changer en leur donnant une visibilité nouvelle. Cette proximité avec les créateurs lui a permis d’établir des relations de confiance et de bâtir les fondations de son succès.
La fondation des éditions Glénat : de l’artisanat à l’industrie
Le passage du fanzine à l’édition professionnelle se fait progressivement. Après avoir travaillé comme critique dans Charlie mensuel et avoir été licencié pour avoir encensé Goscinny au détriment des préférences de François Cavanna, Jacques Glénat se lance dans l’édition avec des projets tels que Les Gnangnan de Claire Bretécher et Humour en blanc de Serre. Contre toute attente, ces ouvrages deviennent des best-sellers, permettant à sa maison d’édition de se développer.
Jacques Glénat ne cache pas que le succès relève parfois d’un mélange de chance et d’audace. Pour lui, comprendre les auteurs, parler leur langage et partager leur passion sont des éléments essentiels. Il insiste également sur l’importance de la confiance, qu’il considère comme la pierre angulaire des relations entre un éditeur et ses auteurs.
Zep et Titeuf : une découverte marquante
Parmi les nombreux succès de Jacques Glénat, l’un des plus emblématiques est sans doute la découverte de Zep et de son personnage Titeuf. Pourtant, cette aventure commence modestement. Quand Jean-Claude Camano lui présente les esquisses de Titeuf, Jacques Glénat n’est pas particulièrement emballé. Les dessins lui paraissent tristes et un peu trop faciles. Cependant, il accepte de publier l’œuvre, et très vite, Zep adapte son style en écoutant les conseils de son éditeur. Le succès est fulgurant dès le deuxième tome, et Titeuf devient une figure incontournable de la bande dessinée, attirant un public transgénérationnel.
Zep ne se limite pas à Titeuf : il joue également un rôle clé dans la création du magazine Tchô, qui deviendra un tremplin pour de nombreux auteurs partageant son humour décalé. Ce magazine révolutionne l’approche traditionnelle de la BD franco-belge en adoptant un style à l’opposé des classiques comme Boule et Bill, mettant en scène des familles plus modernes et déstructurées.
L’audace du manga : un pari risqué mais gagnant
La réussite de Jacques Glénat ne se limite pas à l’univers franco-belge. Visionnaire, il perçoit très tôt le potentiel du manga. En 1988, il se rend au Japon pour explorer ce marché encore peu connu en France. Après quelques échecs, comme la série Agira, il lance Dragonball, qui rencontrera un succès phénoménal. Aujourd’hui, ce sont plus de 20 millions d’exemplaires de Dragonball qui ont été vendus en France, consolidant ainsi la place des éditions Glénat dans l’univers du manga.
Entre tradition et innovation : les nouveaux horizons de la bande dessinée
Au fil des décennies, Jacques Glénat et sa maison d’édition ont su se renouveler en abordant des genres variés. Après avoir lancé la BD historique, puis l’humour avec Tchô, et s’être imposé dans le manga, Glénat se tourne vers des thématiques nouvelles dans les années 2000, comme l’ésotérisme. Des séries comme Le Décalogue ou Le Triangle secret rencontrent un succès qui confirme une fois de plus l’audace et la capacité d’anticipation de Jacques Glénat.
L’avenir de la BD : entre comics et projets littéraires
Alors que la bande dessinée évolue sans cesse, Jacques Glénat continue d’explorer de nouveaux territoires. Il signe les droits de Disney et réédite les débuts de Donald et Mickey, tout en lançant des projets ambitieux, comme une adaptation du Petit Prince en bande dessinée, rendant ainsi hommage à Antoine de Saint-Exupéry, figure littéraire française.
Un éditeur visionnaire
Devenir un éditeur majeur, à l’image de Jacques Glénat, demande un mélange unique de passion, de curiosité et de prise de risques. Si son parcours est marqué par de grandes découvertes, comme Zep et Dragonball, il est aussi le fruit de nombreuses années de travail acharné et de relations privilégiées avec les auteurs. La capacité à anticiper les tendances, à comprendre les évolutions du marché, tout en restant fidèle à une certaine vision de la bande dessinée, est ce qui fait de Glénat un éditeur incontournable dans le monde de la BD.
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