À travers les siècles, le livre de jeunesse a été bien plus qu’un simple objet de divertissement : il s’est affirmé...
James C. Scott, mort d'un penseur iconoclaste.
Né le 2 décembre 1936 à Mount Holly, New Jersey, James C. Scott a grandi dans une famille modeste, ayant perdu son père, médecin de petite ville, à un jeune âge. Diplômé en économie de Williams College, il a été profondément marqué par un séjour académique en Birmanie, financé par une bourse Rotary. C'est là qu'il s'est impliqué dans la politique étudiante et a même rédigé des rapports pour la CIA. De retour aux États-Unis, il a obtenu son doctorat à Yale et a ensuite enseigné à l'Université du Wisconsin avant de retourner à Yale, où il a passé 45 ans à enseigner.
L'un des travaux les plus influents de Scott est "Seeing Like a State: How Certain Schemes to Improve the Human Condition Have Failed" (1998). Dans cet ouvrage, il critique les tentatives rationalistes de planification gouvernementale, telles que les fermes collectives soviétiques et la création de Brasilia, qui souvent ne prennent pas en compte les besoins et la logique locaux, menant ainsi à des échecs et à une profonde misère humaine. Ce livre a marqué les esprits en exposant les dangers de la planification centralisée et de l'ignorance des réalités locales.
Précédemment, Scott avait mené des recherches ethnographiques en Malaisie, donnant lieu à "Weapons of the Weak: Everyday Forms of Peasant Resistance" (1985). Ce livre explore la résistance quotidienne des paysans face aux autorités exigeant l'adoption de l'agriculture mécanisée et le paiement des impôts. Scott y décrit des formes de lutte politique souvent négligées par les théories traditionnelles de la lutte des classes, soulignant leur importance historique et contemporaine.
Un autre de ses ouvrages majeurs, "Domination and the Arts of Resistance: Hidden Transcripts" (1990), publié en français sous le titre "La Domination et les arts de la résistance. Fragments d’un discours subalterne" (2009), révèle les moyens subtils par lesquels les groupes opprimés résistent à la domination de manière souvent imperceptible aux yeux des dominants. Cette perspective novatrice sur la résistance quotidienne a eu un impact significatif sur les études de la lutte des classes et de la domination.
En 2013, Lux Éditeur a publié "Petit éloge de l'anarchisme" (trad. Patrick Cadorette et Miriam Heap-Lalonde), où Scott défend l'importance des actes anarchistes quotidiens pour une société démocratique. Il y propose une réflexion sur l'autonomie, la dignité et le travail, encourageant la pratique des « callisthéniques anarchistes », des petites insubordinations quotidiennes pour se préparer à de grandes contestations.
Son ouvrage "Zomia ou l'Art de ne pas être gouverné" (2013, éditions Seuil) offre une perspective novatrice sur les peuples de Zomia en Asie du Sud-Est, qui ont évité la domination des États en restant volontairement en marge. Scott y reconsidère la vie des peuples des hautes terres comme une adaptation stratégique pour échapper aux contraintes des États centralisés, plaidant pour une reconnaissance des formes de coopération sans hiérarchie.
"Homo domesticus. Une histoire profonde des premiers États" (2019, La Découverte, trad. Marc Saint-Upéry) retrace l'émergence des premiers États et les impacts de la domestication sur les sociétés humaines. Ce livre explore les transformations profondes induites par la domestication des plantes et des animaux, et comment ces changements ont façonné les premiers États.
En mars dernier, "L'œil de l'État - Moderniser, uniformiser, détruire" (La Découverte, trad. Olivier Ruchet) critique vivement les initiatives de planification autoritaire. Scott y examine des cas d'étude variés, allant de la foresterie scientifique à la systématisation des noms propres, en passant par les doctrines révolutionnaires de Lénine et les principes d'urbanisme de Le Corbusier. Il soutient que ces projets de planification, bien qu'ayant pour but d'améliorer la société, se traduisent souvent par une dégradation du monde physique et social.
Son dernier ouvrage, "In Praise of Floods: The Untamed River and the Life It Brings" (Éloge des inondations : le fleuve sauvage et la vie qu'il apporte), doit paraître en février 2025, continuant son exploration des formes de vie et de résistance aux structures étatiques.
James C. Scott, éminent chercheur en sciences politiques et anthropologie sociale, est décédé le 19 juillet à son domicile de Durham, Connecticut, à l'âge de 87 ans. Il a contribué aux départements d'anthropologie et d'études environnementales de l'Université Yale, qui a annoncé la nouvelle, jusqu'à sa retraite en 2022. Son approche multidisciplinaire lui a valu une audience diversifiée, allant des libertariens de l'Institut Cato aux activistes du mouvement Occupy Wall Street, laissant derrière lui une œuvre riche et influente.
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