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La bibliothèque du baron Achille Seillière : un trésor de la bibliophilie et de l’art européen.
La bibliothèque du baron Achille Seillière (1813-1873) incarne l’apogée du goût pour la collection, mêlant la passion des livres rares à celle des objets d’art. Héritier d’une dynastie industrielle et financière prolifique, le baron a consacré une part importante de sa fortune à constituer une bibliothèque exceptionnelle. Cet article revient sur l’histoire fascinante de cette famille, les trésors accumulés dans la bibliothèque de Mello, et leur dispersion, qui a marqué le monde des collectionneurs.
Les origines de la dynastie Seillière
Les Seillière, à l’origine officiers à la cour de Lorraine, se sont distingués par une trajectoire exemplaire dans l’industrie et la finance. Au XVIIIe siècle, François Seillière, négociant en laine à Saint-Mihiel, a ouvert la voie. Ses fils Aimé et Florentin ont diversifié leurs activités en fournissant vêtements et canons aux armées. Visionnaires, ils ont fondé en 1776 une manufacture de drap à Pierrepont et pris en 1789 la direction de la forge royale de Ruelle, en Charente.
Cette lignée s’est ensuite illustrée par une expansion industrielle et financière. François-Alexandre Seillière (1782-1850), davantage entrepreneur que banquier, a investi dans le textile et la sidérurgie, collaborant notamment avec les Schneider pour reprendre les forges du Creusot. Son fils, Achille Seillière, a poursuivi cet héritage en participant à la fondation du Crédit mobilier et à la création de la Banque de Paris et des Pays-Bas, tout en se distinguant par son mécénat artistique.
Un château transformé en palais-musée
Le château de Mello, acquis par François-Alexandre en 1819, est devenu sous Achille Seillière un véritable écrin de trésors. L’architecte Hippolyte Destailleur a supervisé la construction d’un nouveau bâtiment en 1871, surnommé « La Princesse » en l’honneur de Jeanne, fille du baron. Les salles du château abritaient des collections éclectiques : meubles rares, horloges, pierres précieuses, camées, mais aussi une bibliothèque d’une richesse exceptionnelle.
Une bibliothèque légendaire
La bibliothèque de Mello se distinguait par ses volumes rares, ses reliures somptueuses et l’intelligence du choix des œuvres. Parmi les joyaux, citons des incunables, comme la première édition de Tirant lo Blanch (1490), vendue 605 £ en 1887, et des ouvrages issus de grandes collections européennes, telles celles du duc de La Vallière et de Grolier.
Un exemplaire unique de l’Amadis de Gaula (1508), chef-d’œuvre de la littérature de chevalerie espagnole, a trouvé preneur pour 135 £. Le Roman de la Table ronde (1488), ou encore Les Quatre Fils Aymon (vers 1480), témoignaient de l’intérêt du baron pour la littérature médiévale. Les œuvres de Saint Augustin, en édition vénitienne de 1470 sur vélin, ou les reliures somptueuses réalisées par Chambolle-Duru et Marius Michel, illustraient le raffinement bibliophilique de cette collection.
La dispersion des trésors
Après la mort tragique d’Achille Seillière en 1873, sa bibliothèque et ses collections furent dispersées lors de ventes aux enchères qui firent date. La première grande vente, organisée à Londres en 1887 par Sotheby, inclut 1 147 lots. Parmi eux, des éditions espagnoles rares, acquises auprès du collectionneur madrilène José de Salamanca, ainsi que des manuscrits gothiques ornés.
En 1890, une partie des meubles et objets d’art fut vendue à la Galerie Georges Petit, tandis qu’une autre section de la bibliothèque passa sous le marteau à l’Hôtel des commissaires-priseurs de la rue Drouot. Parmi les lots remarquables figuraient des Heures de Rome imprimées sur vélin, ainsi que des ouvrages ayant appartenu à Henri III ou François Ier, avec leurs emblèmes royaux.
Un héritage disputé
Les enfants d’Achille Seillière, bien que bénéficiaires de cet héritage, ne partagèrent pas toujours la passion de leur père pour la conservation des œuvres. Les ventes successives de livres rares, parfois dans des conditions déplorées par les bibliophiles, attestent d’un certain désintérêt. En 1893, une troisième vente fut critiquée pour son mélange de pièces exceptionnelles et de volumes jugés médiocres.
Un témoignage du passé
Aujourd’hui, les livres et objets provenant de la bibliothèque du baron Seillière continuent d’émerveiller les amateurs d’art et de littérature. Le catalogue de 1887, tout comme les récits des enchères suivantes, constitue un témoignage précieux d’une époque où la bibliophilie rivalisait avec les grandes entreprises industrielles et financières.
La bibliothèque du baron Achille Seillière représente une page glorieuse de l’histoire culturelle et économique du XIXe siècle. Par son ampleur et son éclectisme, elle symbolise l’alliance de la richesse matérielle et de la quête spirituelle, dans une Europe en pleine mutation. Si elle est aujourd’hui éclatée, son souvenir demeure intact parmi les trésors de la bibliophilie mondiale.
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