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La dispersion de la bibliothèque d’un érudit franc-maçon.
Le 30 octobre 1817, une vente exceptionnelle se déroulait à la maison Sylvestre, au numéro 30 de la rue des Bon-Enfans, à Paris. Cet événement, aujourd’hui presque oublié, a pourtant marqué l’histoire du marché du livre ancien, notamment pour les collectionneurs et passionnés de franc-maçonnerie. Grâce à l’ouvrage de Pierre Mollier, Curiosités maçonniques (éditions Jean-Cyrille Godefroy), il est possible de retracer les détails de cette vente fascinante.
Mollier nous éclaire sur le contexte de cette dispersion bibliographique, qui semble liée à la collection d’un érudit franc-maçon, le frère Peuvret. La précision des informations qu’il propose dans son livre permet de découvrir non seulement la richesse des ouvrages présentés, mais aussi la manière singulière dont cette vente s’est déroulée.
La bibliothèque d’un érudit franc-maçon
Le frère Peuvret, dont on sait peu de choses, semble avoir été un personnage influent dans le monde maçonnique de son époque. Sa bibliothèque, constituée d’ouvrages rares et précieux sur la franc-maçonnerie et les sciences occultes, était visiblement à la hauteur de sa réputation d’homme savant. On imagine sans mal Peuvret parcourant des grimoires, étudiant des traités alchimiques et compilant des connaissances ésotériques accumulées au fil des siècles.
La vente en question ne comportait que six lots, un choix inhabituel qui souligne l’importance et la qualité des livres proposés. Les cinq premiers lots se composaient uniquement d’ouvrages sur les sciences occultes, un domaine d’étude cher à de nombreux franc-maçons. La composition des lots montre un goût prononcé pour ces disciplines mystérieuses, dont les secrets ne se révèlent qu’aux initiés. En tout, ce sont près de 1 150 volumes, répartis en cinq lots, qui furent proposés ce jour-là.
La richesse des ouvrages occultes
Ces ouvrages, véritables trésors bibliographiques, contenaient des savoirs allant de l’astrologie à l’alchimie, en passant par la cabale et la théurgie. La diversité des disciplines représentées dans la bibliothèque de Peuvret témoigne d'une soif de connaissance hors du commun. Les livres anciens sur les sciences occultes sont aujourd’hui particulièrement recherchés, non seulement pour la rareté de certains textes, mais aussi pour l’art de la reliure qui, à cette époque, atteignait un degré de raffinement incomparable.
Chaque lot, comptant entre 150 et 300 volumes, représentait ainsi une richesse inestimable pour les amateurs éclairés. Les ouvrages étaient probablement reliés avec un soin extrême, parfois ornés de décors somptueux, comme c'était la coutume pour les bibliophiles fortunés du XIXe siècle. On peut aisément imaginer que la simple vue de ces livres devait émerveiller les collectionneurs venus assister à la vente.
Le sixième lot : une pièce maîtresse
Parmi ces trésors, le sixième lot mérite une attention particulière. Il s’agissait d’une collection unique, regroupant les « 80 grades de la franc-maçonnerie hermétique et philosophique » ainsi que 879 tableaux, minutieusement exécutés par Peuvret lui-même. Ces volumes étaient reliés par Bozerian, l’un des relieurs les plus célèbres de l’époque. Cette collection, étalée sur six volumes in-4, était une œuvre magistrale, tant par son contenu que par sa réalisation matérielle.
Jean-Claude Bozerian, reconnu pour son expertise dans la reliure, apportait un soin tout particulier à ses créations. Ses reliures, souvent en cuir finement travaillé et agrémentées de dorures, étaient prisées des bibliophiles. Le fait que cette collection ait été confiée à Bozerian démontre l’importance accordée à ces volumes, non seulement pour leur contenu, mais aussi pour leur présentation. La reliure, dans ce cas, transcende sa simple fonction de protection et devient une œuvre d’art à part entière, contribuant à la valeur patrimoniale des ouvrages.
Une vente aux conditions particulières
La façon dont cette vente s’est déroulée fut aussi un événement marquant. Contrairement aux ventes aux enchères traditionnelles, où chaque livre est proposé individuellement ou en petits lots, celle-ci offrait des ensembles conséquents, avec plusieurs centaines d’ouvrages regroupés. Cette démarche était probablement justifiée par la nature des œuvres, mais aussi par le public visé : des collectionneurs érudits, capables d’apprécier à la fois la rareté des textes et la qualité des reliures.
L’enthousiasme que cette vente a suscité ne s’est pas démenti, comme en témoignent les nombreux messages et courriers échangés entre les amateurs de livres anciens à l’époque, et même aujourd’hui. Cet engouement trouve une résonance particulière chez les collectionneurs modernes, toujours en quête de trésors cachés, et fascinés par l’histoire de la franc-maçonnerie et des sciences occultes.
Une fascination qui perdure
Aujourd’hui, les livres anciens sur la franc-maçonnerie et les sciences occultes continuent d’attirer les passionnés, non seulement pour la valeur historique des textes, mais aussi pour la qualité exceptionnelle des ouvrages qui les contiennent. Ces livres, souvent rares, sont des témoins d’une époque où le savoir était jalousement gardé et transmis à quelques initiés seulement.
L’étude de la franc-maçonnerie, de ses rites et de ses mystères, fascine toujours autant. La vente de 1817 à la maison Sylvestre demeure un jalon important dans l’histoire des ventes bibliographiques, rappelant que derrière chaque collection se cache une part d’histoire, de secret et de mystère. Les ouvrages qui composaient cette bibliothèque ne sont pas seulement des objets, mais des fragments d’un savoir oublié, aujourd’hui conservés précieusement par des passionnés de livres anciens.
Cet événement témoigne ainsi de l’importance des livres anciens dans la transmission des connaissances ésotériques et maçonniques, offrant aux collectionneurs d’aujourd’hui une fenêtre ouverte sur les secrets du passé.
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