La dynastie De Bure : deux siècles d’excellence dans la librairie et la bibliophilie parisiennes.

La famille De Bure, bien que ses origines soient parfois disputées, a marqué de façon indélébile l’histoire de la librairie parisienne, notamment entre le XVIIᵉ et le XIXᵉ siècle. Si certains biographes estiment que cette famille pourrait être originaire de Flandre, une tradition familiale suggère que son berceau se situe à la frontière de la Normandie, du Maine et du Perche. Là, elle aurait appartenu à la noblesse et possédé un château près de Sées, dans l’Orne, avant que celui-ci ne soit détruit par un incendie en 1576. Cependant, ce que l’on sait avec certitude, c’est que dès la seconde moitié du XVIIᵉ siècle, les De Bure faisaient partie de la bourgeoisie parisienne. Aucun acte ne les rattache à la noblesse avant la Révolution française, ce qui indique leur appartenance à une classe plus modeste, malgré des légendes familiales.

Nicolas [I] De Bure : le premier libraire de la dynastie

Nicolas [I] De Bure, né le 1er mai 1631 et décédé le 15 novembre 1703, est le premier de cette illustre lignée à exercer la profession de libraire à Paris. Fils de Gilles De Bure, un homme d’armes, il entame son apprentissage en 1643 chez Adam Pousset, libraire depuis 1620. En 1660, il obtient le titre de maître libraire et s’établit à la célèbre enseigne « À la Ville de Montpellier ». Nicolas [I] publia un ouvrage rare, Caracteres, pensées, maximes, et sentimens, dédié au duc de La Rochefoucauld, un in-12 de 1693 réédité l’année suivante. Cet ouvrage est emblématique de l'époque, où les libraires jouaient un rôle central dans la diffusion des idées.

Guillaume [I] et Nicolas [II] : les héritiers d’un savoir-faire

Nicolas [I] eut deux fils qui poursuivirent sa carrière. Guillaume [I] De Bure, né en 1663, devint maître libraire en 1703. À sa mort, sa fortune atteignait 100 000 livres tournois, une somme conséquente pour l’époque, témoignant du succès commercial de ses activités. Il épousa Marie-Charlotte Fuzelier, et leur descendance continua à prospérer dans le commerce du livre.

Son frère, Nicolas [II], maître libraire depuis 1704, eut une carrière moins flamboyante. Son fils, Nicolas-François, malgré un début prometteur en tant que libraire, connut la disgrâce en étant emprisonné pour dettes en 1726.

Jean De Bure : l'essor du fonds familial

Jean De Bure, fils de Guillaume [I] et véritable pilier de la dynastie, joua un rôle crucial dans l’extension du fonds de librairie familial. Reçu maître en 1721, il publia plusieurs ouvrages notables, dont le Voyage en Sibérie de l’abbé Jean Chappe d’Auteroche et des ouvrages de droit de Daniel Jousse et Robert-Joseph Pothier, qui assurèrent à la famille une notoriété croissante. En 1773, il céda son fonds à ses deux fils, Guillaume [II] et François-Jean-Noël, pour une somme impressionnante de 300 000 livres.

Guillaume [II], particulièrement reconnu pour sa résistance face aux contrefaçons, fut même emprisonné à la Bastille pour avoir refusé de parapher des livres contrefaits en tant que syndic de sa communauté. Il publia plus de 200 catalogues de ventes de bibliothèques particulières, y compris celle du duc de La Vallière, un événement marquant de la bibliophilie du XVIIIᵉ siècle. Ce catalogue, en deux volumes, demeure une référence pour les amateurs de livres rares.

Guillaume-François De Bure : l’apogée bibliographique

Le travail de Guillaume-François De Bure, souvent confondu avec son cousin, mérite une attention particulière. Son ouvrage majeur, Bibliographie instructive, est un traité pionnier dans le domaine de la bibliographie. Composé de sept volumes, ce répertoire classait 6 140 ouvrages selon des catégories thématiques. Bien que critiqué par certains contemporains, comme Barthélemy Mercier, l’ouvrage fut largement salué pour sa rigueur et son utilité, devenant une référence pour les bibliophiles et érudits de son temps.

De Bure publia également le Musæum typographicum, un ouvrage qui recensait des imprimés rares entre 1457 et 1737, tiré à seulement douze exemplaires. Ces publications témoignent de la place centrale qu’occupait De Bure dans le monde du livre et de la bibliographie.

Les derniers De Bure : de la librairie à la bibliophilie

La famille De Bure continua à prospérer au XIXᵉ siècle, avec Jean-Jacques et Marie-Jacques De Bure, qui dirigèrent la librairie familiale jusqu’en 1838. Ils publièrent plus de 80 catalogues de bibliothèques et furent eux-mêmes des collectionneurs avertis. Leur fonds, comprenant plus de 65 000 portraits, fut acquis par la Bibliothèque impériale, contribuant ainsi à enrichir le patrimoine bibliographique français.

Laurent-François De Bure, le dernier libraire de la famille, se retira du commerce en 1846 après avoir publié la Bibliothèque portative de l’amateur, une collection en 103 volumes de classiques français. Cette collection, illustrée de portraits et imprimée par Firmin Didot, fut un succès commercial notable, clôturant ainsi en beauté l’ère De Bure dans le monde de la librairie.

Une dynastie incontournable du monde du livre

La famille De Bure incarne une période faste de l’histoire de la librairie et de la bibliophilie à Paris. Leurs contributions aux catalogues de vente de bibliothèques particulières, leurs publications marquantes, ainsi que leur engagement dans la défense de la qualité des ouvrages imprimés, les placent au cœur de l’évolution de la bibliographie française. Leurs livres, désormais précieux, continuent de témoigner de l’importance de cette dynastie dans la diffusion des savoirs et la préservation du patrimoine littéraire.