La famille Habert : entre patrimoine et érudition au cœur du XVIIᵉ siècle.

La famille Habert, originaire de l’Artois, a laissé une empreinte indélébile dans l’histoire de Paris dès le début du XVIᵉ siècle. Parmi ses membres les plus illustres, Philippe Habert, procureur et clerc du greffe criminel du Parlement de Paris, seigneur du Mesnil-Saint-Denis (Yvelines), se distingue. En 1519, il épouse Radegonde Hodon, fille d’Antoine Hodon, secrétaire du Roi, et de Jacquette Budé, sœur de Guillaume Budé, célèbre helléniste du Collège de France. Cette alliance marque l’entrée de la famille dans les cercles influents de la capitale, tant par ses liens avec les érudits que par ses acquisitions foncières.

L’histoire familiale prend une nouvelle dimension en 1592, lorsque Montmort, situé sur la commune de Les Essarts-le-Roi (Yvelines), est érigé en fief par Charles d’Angennes, en faveur de Louis Habert, fils de Philippe. Ce dernier, seigneur du Mesnil-Saint-Denis, fait construire un manoir, à l’emplacement d’une ferme qui subsiste encore aujourd’hui. Montmort, autrefois orthographié « Montmor », inspire même un poème qui joue sur la signification du nom en latin. Le Dictionnaire de la noblesse de La Chenaye-Desbois (Paris, Antoine Boudet, 1774, t. VII) entérine la forme actuelle, avec un "t" final, « Montmort ».

Les Habert ont marqué le patrimoine architectural et artistique de leur temps. Louis, le patriarche, construisit en 1589 le château du Mesnil-Saint-Denis, agrandi au XVIIᵉ siècle. Son fils Jean, surnommé « le Riche », fit ériger l’hôtel de Montmort à Paris, au 79 rue du Temple, en 1623, également transformé au siècle suivant. Henri-Louis Habert, descendant direct, est immortalisé dans un tableau de Philippe de Champaigne représentant ses sept enfants en 1649, tableau conservé au Musée des Beaux-Arts de Reims.

Un autre membre éminent, Louis Habert (1645-1695), évêque de Perpignan, repose dans la cathédrale de la ville. Son tombeau reflète la richesse spirituelle et matérielle de la famille.

La contribution des Habert aux lettres et aux sciences est également remarquable. Henri-Louis Habert de Montmort, conseiller au Parlement de Paris et maître des requêtes, occupa le 35ᵉ fauteuil de l’Académie française de 1634 à sa mort en 1679. Cousin du poète Philippe Habert et de l’abbé Germain Habert, il fréquenta les cercles littéraires de l’époque, notamment l’hôtel de Rambouillet. Toutefois, son intérêt pour les sciences finit par surpasser son amour des lettres. Il organisa régulièrement des réunions de savants chez lui, qui préfigurèrent la création de l’Académie royale des sciences. Parmi ses amis se trouvait le philosophe Pierre Gassendi, qui vécut et mourut chez lui. Henri-Louis s’occupa de l’édition de ses œuvres complètes, publiées sous le titre Petri Gassendi Diniensis ecclesiae praepositi (Lyon, L. Anisson, 1658, 6 vol. in-fol.).

L’hôtel de Montmort fut un lieu de rencontres intellectuelles. Molière y lut Le Tartuffe en 1664, alors que la pièce était interdite. En 1667, Jean-Baptiste Denis, médecin, y réalisa les premières expériences de transfusion sanguine d’un animal vers l’homme, une avancée scientifique majeure pour l’époque. Fidèle aux principes cartésiens, Montmort participa à la procession qui accompagna le corps de Descartes, revenu de Suède, à l’église Sainte-Geneviève.

La bibliothèque de Montmort, richement garnie, comprenait des ouvrages d’une rare valeur. Gui Patin, médecin et érudit, en fit l’éloge dans une lettre adressée à Charles Spon en 1654. Parmi les trésors de cette collection se trouvait une édition in-folio de Ronsard (1609), aujourd’hui conservée dans la collection Lovenjoul à Chantilly. Cet exemplaire, autrefois la propriété de Sainte-Beuve, fut offert à Victor Hugo, qui y ajouta des annotations et demanda à ses amis, dont Alfred de Vigny et Alexandre Dumas, d’y écrire quelques vers.

Montmort enrichit sa collection de livres rares, comme l’illustre une reliure elzévirienne de 1631, attribuée à Macé Ruette, relieur ordinaire du Roi. Ce travail d’orfèvre, en maroquin rouge, orné de petits fers dorés et de lettres entrelacées, témoigne de la passion des Habert pour la bibliophilie et l’art de la reliure. D’autres ouvrages, tels que Tableaux du Temple des Muses (Paris, Sommaville, 1655), vendus pour des sommes considérables aux enchères, portaient les armes de la famille : « D’azur, au chevron d’or, accompagné de trois anilles ou fers de moulin d’argent ».

La bibliothèque fut dispersée à partir de 1682, mais certains manuscrits, acquis par Colbert, échappèrent à la vente. L’héritage des Habert, tant matériel qu’intellectuel, demeure néanmoins une source d’admiration, rappelant leur contribution à l’essor des lettres et des sciences en France au XVIIᵉ siècle.