La maison de La Roche : un héritage entre lignages, terres et bibliophilie.

La maison de La Roche, qui a légué son nom à plusieurs terres et fiefs dans la région française de Bourgogne, en Bresse et en Beaujolais, se distingue par son histoire noble et l'empreinte qu'elle a laissée sur les arts et les lettres. Le blason de la famille est écartelé aux symboles des sires de La Roche et aux armes d'autres familles d'illustres lignages. Ce blason est orné d'une couronne comtale, flanqué de deux lions tenant chacun une épée d’argent, avec un cimier en forme de soleil et la devise latine « Sublimi feriam sidera vertice » (« J’irai toucher de la tête les astres »). L'histoire familiale, riche en ramifications et en héritages, s'incarne aussi dans une précieuse collection de livres anciens et d’œuvres littéraires, témoins d'une passion familiale pour la culture et le savoir.

Les lignées et les terres de La Roche

L'un des descendants de Claude II de La Roche, Joseph de La Roche, né au château de Poncié en 1691, est le fondateur de la branche des seigneurs de Nully et de La Carelle. À la tête de terres comme Nully, La Serve et La Carelle, il s'illustre par son engagement au service du régiment d’Agénais, où il atteint le rang de lieutenant en premier. En 1721, Joseph prête foi et hommage au duc d’Orléans pour sa seigneurie de La Carelle, acquise en 1719, et devient capitaine des chasses du prince, signe de son intégration dans la haute société de l’époque. Joseph laisse une descendance qui comprend David, Claude-Antoine, Claude-François et Marie-Claudine, chacun avec des parcours notables dans l'armée ou dans des alliances stratégiques avec d'autres familles nobles.

Parmi les descendants, David de La Roche se distingue en intégrant le régiment de Quercy et en servant comme capitaine au régiment des hussards de Rougrave. Blessé à la bataille de Fontenoy, il est fait chevalier de Saint-Louis. Sa migration en 1752 vers Saint-Domingue, où il épouse Marie-Louise de Nadal, inscrit la famille dans les possessions coloniales françaises, contribuant à son rayonnement outre-Atlantique.

L’érudition et la passion bibliophile de Ferdinand de La Roche Lacarelle

Ferdinand de La Roche Lacarelle, descendant d'une lignée au service des armes, s’éloigne des affaires militaires pour se consacrer à l’étude et aux collections artistiques. Amateur d’art et de littérature, il devient célèbre pour sa bibliothèque et ses collections de manuscrits et de reliures rares. Son chef-d’œuvre littéraire, Histoire du Beaujolais et des sires de Beaujeu, publié à Lyon en 1853, témoigne de sa connaissance profonde de l’histoire régionale et de l’art héraldique. En plus de ses talents d'historien, Ferdinand était également collectionneur de livres rares et d’autographes, dont une partie a été vendue en 1847, marquant le début de son attrait pour la bibliophilie.

Ferdinand traverse une période difficile lorsqu’une grave maladie des yeux, résistante aux traitements, l’oblige à suspendre temporairement ses activités de collectionneur. Finalement opéré par le célèbre oculiste Albrecht von Graefe à Berlin, il retrouve la vue et se consacre de nouveau à enrichir sa collection avec des ouvrages aux reliures d'une qualité exceptionnelle.

Des trésors littéraires d'une grande rareté

Dans sa quête de livres anciens et précieux, Ferdinand acquiert des œuvres d’exception. Parmi celles-ci, l’Ars Moriendi, un manuscrit sur vélin réalisé au XVe siècle avec des miniatures en grisaille, est estimé à 1 500 francs. Une autre acquisition marquante est le Phebus des deduitz de la chasse des bestes sauuaiges et des oyseaulx de proye, un incunable de grande rareté, vendu pour 1 000 francs. Parmi les autres joyaux figurent Fier a bras, un livre gothique du XVe siècle, et le Libro del muy efforçado y invincible cavallero de la fortuna (1519), témoins d'une époque où le livre manuscrit côtoyait les premières impressions.

La bibliothèque de Ferdinand comprend des ouvrages sur divers thèmes, dont la chasse, la poésie, la philosophie et les chroniques historiques, provenant de célèbres bibliothèques telles que celles du roi Louis-Philippe et du prince d’Essling. Les reliures de ses livres, signées par les plus grands relieurs, comme Derome, Padeloup, et Le Gascon, étaient ornementées de filets d’or, de mosaïques et de compartiments, faisant de sa collection un trésor esthétique et historique.

Les batailles juridiques pour le nom de La Carelle

Ferdinand de La Roche Lacarelle et sa mère, la baronne Antoinette-Françoise de La Roche Lacarelle, engagent des batailles juridiques pour défendre leur droit au nom de La Carelle. Ils affrontent en justice Jean-Marie Durieu, maire de Saint-Étienne-Lavarenne, qui tente d’utiliser ce nom prestigieux. Après plusieurs jugements, dont une décision en leur faveur en 1860, ils obtiennent la suppression du nom de La Carelle des documents où il avait été ajouté par Durieu. Ces procès montrent la fierté des La Roche Lacarelle dans leur héritage, qui ne se limite pas aux terres, mais comprend un nom honoré par l’histoire et la culture.

Les derniers jours de Ferdinand et la dispersion de sa bibliothèque

Ne pouvant plus supporter le climat de Paris, Ferdinand passe les dernières années de sa vie entre la Bourgogne et le sud de la France. Après sa mort, sa bibliothèque est dispersée aux enchères en 1888, attirant les grands amateurs de l’époque. Les reliures anciennes et exemplaires rares attirent l’attention de passionnés, marquant une évolution des goûts bibliophiles. Parmi les livres vendus, les classiques du XVIIe siècle, comme les œuvres de Racine, Corneille et Molière, trouvent moins d’acheteurs, tandis que les manuscrits enluminés et les reliures d’exception suscitent des enchères acharnées.

La collection de Ferdinand reste une référence dans le domaine de la bibliophilie et des arts du livre, et son parcours illustre le mariage entre la noblesse et la passion des lettres. Ses ouvrages continuent de circuler entre les mains des bibliophiles, portant l’empreinte de l'illustre maison de La Roche et la mémoire d’une époque où posséder un livre, c’était aussi posséder un fragment de l’histoire.