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La vente légendaire de la collection Borluut de Noortdonck à Gand, un événement marquant de la bibliophilie européenne.
Dans le monde des livres anciens et des collections privées, la vente du cabinet de François-Xavier-Joseph-Ghislain Borluut de Noortdonck en 1858 à Gand se distingue comme un événement majeur, non seulement pour son ampleur, mais aussi pour la qualité exceptionnelle des ouvrages qu’elle contenait. Il est impossible d'évoquer cet événement sans revenir sur la place éminente qu’occupe François-Xavier Borluut dans l’histoire des bibliophiles, tant par son dévouement envers les livres que par sa contribution à la culture de la Flandre.
Un héritage prestigieux
François-Xavier Borluut, né à Gand en 1771, héritait non seulement d’un patrimoine familial impressionnant, mais aussi de l’amour des livres que lui transmit son père, Pierre-Jean Borluut, seigneur de Noortdonck. Ce dernier possédait déjà une bibliothèque remarquable, vendue après son décès en 1782, laissant à son fils la tâche de perpétuer cette passion pour la collection de livres rares.
L’ex-libris familial, arborant les armes de la famille Borluut, « D’azur à 3 cerfs courants d’or », est resté un symbole fort de cette continuité. Ce blason rappelait aussi un passé glorieux, marqué par la participation d’un ancêtre à la célèbre bataille de Courtrai en 1302, également connue sous le nom de « bataille des éperons d'or ».
La vie consacrée aux livres
Après des études de droit à l’Université de Louvain, Borluut consacra sa vie à l'acquisition et à l’étude des livres. Contrairement à d'autres collectionneurs de son époque, François-Xavier n'amassait pas les volumes par simple vanité. Il les lisait avec attention, ajoutant souvent des notes bibliographiques précieuses. Son intérêt dépassait largement les frontières belges : il voyagea fréquemment en Allemagne, en France, en Italie, et même en Angleterre pour étoffer sa collection.
À Paris, Borluut tissa des liens avec des libraires renommés tels que les frères Debure et les frères Tilliard, qui l’informaient régulièrement des ventes de livres importants. Grâce à ces relations privilégiées, Borluut acquit des ouvrages d'une rareté exceptionnelle, contribuant ainsi à faire de sa bibliothèque l'une des plus prestigieuses de Belgique.
Le cabinet Borluut : une collection exceptionnelle
La collection de François-Xavier Borluut se distinguait par la beauté et la rareté des ouvrages qu’elle contenait. Moins volumineuse que celles d’autres collectionneurs flamands, comme Jean-François Van de Velde ou Charles Van Hulthem, elle surpassait néanmoins ces collections par la qualité des exemplaires et l’excellence des reliures. Chaque volume de sa bibliothèque était soigneusement choisi, conservé dans un état impeccable et souvent habillé de reliures somptueuses.
Le catalogue de la vente de sa bibliothèque, rédigé par Polydore-Charles Van der Meersch, avocat et conservateur des Archives de l’État, offrait une description minutieuse des 5 527 lots de livres et manuscrits, répartis en trois volumes. On y trouvait des ouvrages imprimés à partir des presses des plus grands typographes européens, ainsi que des manuscrits médiévaux richement enluminés.
Les ventes de 1858 : un événement bibliophilique sans précédent
C’est donc dans ce contexte que, le 19 avril 1858, à Gand, s’ouvrit la première des trois ventes publiques du cabinet Borluut. Dès le premier jour, une foule de bibliophiles, libraires et amateurs de toute l’Europe convergèrent vers la place d’Armes, où se trouvait l’ancien hôtel Falligan, pour assister à ce qui allait devenir une des plus brillantes ventes bibliophiliques du XIXe siècle.
La vente attira des participants prestigieux : des libraires parisiens comme Firmin Didot, Techener, ou encore Schlesinger ; des amateurs d’Angleterre, tels que W. Boone ; et bien sûr de nombreux passionnés belges. La compétition pour acquérir les ouvrages les plus rares fut féroce, mais respectueuse, les prix atteignant parfois des sommets inédits pour l’époque. Par exemple, un magnifique exemplaire de la première édition de la Bible en langue flamande, imprimée à Delft, fut vendu à Boone pour 145 francs, tandis qu'un manuscrit des "Heures de la Vierge" fut adjugé à 630 francs à Giraud de Savine, ami du célèbre collectionneur nantais Thomas Dobrée.
Des livres exceptionnels à des prix records
De nombreux ouvrages se distinguèrent par leur rareté et leur qualité. Parmi eux, un exemplaire de "La somme rurale" de Jehan Boutillier, imprimé à Bruges par Colard Mansion en 1479, fut adjugé à 2 650 francs à Techener. Ce volume, dans un état de conservation exceptionnel et relié avec une grande élégance, était l’un des rares exemplaires existants de cette édition.
Un autre joyau de la vente fut un manuscrit du Livre des bonnes mœurs, orné de miniatures du XVe siècle, adjugé à 3 700 francs, un prix remarquable pour l’époque. Ce volume, provenant de la bibliothèque des ducs de Bretagne, illustrait parfaitement le raffinement et la richesse de la collection Borluut.
Le testament d'une vie consacrée aux livres
François-Xavier Borluut ne fut pas seulement un collectionneur méticuleux ; il fut également un homme de lettres, soucieux de transmettre son amour des livres et de la connaissance. L’une de ses citations résume parfaitement sa philosophie :
« Les livres sont l’essence des meilleurs esprits, le fruit de leurs veilles... Ce sont des amis paisibles et instructifs, qu’on quitte et reprend, qu’on oublie dans la prospérité et retrouve dans l’infortune. »
En s’éteignant en 1857, sans jamais avoir été malade, Borluut laissa derrière lui non seulement une collection de livres d’une valeur inestimable, mais aussi un héritage intellectuel qui continue de briller dans le monde des bibliophiles.
La vente du cabinet Borluut de Noortdonck fut un événement marquant de l’histoire de la bibliophilie européenne. Par la qualité de ses ouvrages, elle attira l’attention des amateurs de livres anciens de toute l’Europe, et les prix atteints lors de ces enchères restèrent gravés dans les mémoires comme un témoignage de la passion et du soin que Borluut apporta à sa collection. Aujourd’hui, les livres ayant appartenu à cette collection continuent de faire la fierté des institutions et des bibliophiles qui les possèdent.
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