Dès son plus jeune âge, Jean-Claude Götting, illustrateur de renom, sait qu'il voue une véritable passion pour le...
Le dessin vivant : une rencontre éphémère entre art et spectacle.
Dans le monde de l'art, certaines créations captivent par leur aspect éphémère, offrant au spectateur une expérience unique et intense. Le dessin vivant se distingue par sa capacité à conjuguer art et performance, rendant palpable le processus créatif en temps réel. Un des exemples les plus parlants de cette pratique se trouve dans les six cases dessinées par Franquin, où Gaston Lagaffe grave maladroitement un dessin sur l’écorce d’un arbre sous les yeux émerveillés de mademoiselle Jeanne. À travers cette scène humoristique, Franquin capture l'essence même du dessin vivant : l’excitation, l’attente, la découverte, et parfois, la déception.
Avant de plonger dans les différentes formes que prend le dessin vivant, il est nécessaire d'en poser les bases conceptuelles. À l’instar du spectacle vivant, le dessin vivant repose sur la présence physique et la performance d’un artiste qui crée son œuvre sous les yeux du public. Il s'agit d'une expérience unique où le public devient témoin privilégié de la création. L'émotion réside non seulement dans l'œuvre finale, mais surtout dans le processus, imprévisible et éphémère, qui mène à cette création.
La dédicace : une forme prégnante de dessin vivant
La pratique la plus courante et accessible du dessin vivant est sans doute la dédicace. Lors d’un festival ou dans une librairie, le lecteur offre son livre à l’auteur qui, en quelques traits rapides, immortalise un personnage ou une scène sur la première page du volume. Cette interaction, bien que brève, génère souvent une excitation palpable, tant pour l’artiste que pour le lecteur. Ce dernier, au-delà du simple autographe, emporte avec lui un fragment du geste créatif, gravé sur le papier.
La dédicace n’est pas seulement une question de collection ou de valeur de revente potentielle ; elle représente une rencontre unique avec l'artiste. En observant l'artiste à l'œuvre, le lecteur acquiert une nouvelle compréhension de son travail. Cette expérience enrichit souvent ses futures lectures en offrant un aperçu du processus créatif. De plus, la dédicace est une véritable performance : en un court laps de temps, l’artiste doit produire un dessin souvent improvisé, tout en maintenant une certaine virtuosité.
Du dessin forain à la télévision : les prémices du dessin vivant
La notion de performance autour du dessin n’est pas nouvelle. Dès le début du XXe siècle, des artistes comme Winsor McCay se produisaient en public, impressionnant les foules par leur maîtrise du trait. Ces spectacles, connus sous le nom de lightning sketches, mettaient en scène des dessinateurs créant des œuvres à la craie sur un tableau noir, tout en racontant des histoires humoristiques ou émouvantes. Le public, fasciné, voyait les images évoluer sous leurs yeux.
La télévision a rapidement saisi le potentiel spectaculaire du dessin vivant. L’émission Tac au tac, diffusée entre 1969 et 1975 et animée par Jean Frapat, invitait des dessinateurs de bande dessinée célèbres, tels que Franquin, Gotlib ou Uderzo, à improviser des dessins en direct. Les téléspectateurs, assis chez eux, assistaient à ces moments de création pure, où chaque trait révélait progressivement une nouvelle œuvre. Cette forme de spectacle vivant a marqué une génération de dessinateurs et de spectateurs.
La renaissance du dessin vivant dans les festivals
Depuis quelques années, les festivals de bande dessinée ont réinventé cette forme de spectacle. À Angoulême, par exemple, des battles de dessin sont organisées, où plusieurs artistes s’affrontent dans une compétition amicale sous les yeux du public. Ces événements mettent en lumière la virtuosité des dessinateurs, qui doivent improviser tout en captivant l’audience.
Une autre forme populaire est le concert de dessins, initié en 2005 au Festival international de la bande dessinée d'Angoulême. Ce concept réunit sur scène des musiciens et des dessinateurs. Tandis que les premiers jouent, les seconds créent une bande dessinée en direct, leurs dessins projetés sur grand écran. Le public assiste à la création progressive d’une histoire, chaque case s’ajoutant à la précédente, rythmée par la musique. Le concert dessiné fusionne ainsi deux formes d’art, le dessin et la musique, pour créer une expérience immersive et unique.
La magie de l’éphémère
Ce qui fait la force du dessin vivant, c'est son aspect éphémère. Contrairement à un tableau ou une bande dessinée terminée, le dessin vivant est en constante évolution sous les yeux du public. Chaque trait peut être un ajout, une correction, voire un effacement complet. Ce processus met en avant la nature imparfaite et humaine de la création artistique. Comme le souligne Paul Valéry dans ses observations sur l'art de Degas, le geste du dessinateur est une danse complexe entre la main, l’œil et l'esprit, donnant naissance à quelque chose d'unique à chaque instant.
L’intimité partagée entre l’artiste et le spectateur
Assister à un dessin vivant, c'est aussi entrer dans l'intimité de l'artiste. Le spectateur est témoin de chaque hésitation, chaque correction, chaque imperfection. Il partage un moment privilégié où l'œuvre n'est pas encore figée, où tout est encore possible. Ce lien entre l’artiste et le public crée une connexion émotionnelle forte, renforcée par le caractère éphémère de l’événement.
Le dessin vivant offre également une expérience unique en termes de déchiffrement. Le public ne sait jamais où l'artiste va l’emmener. Chaque coup de crayon, chaque ligne tracée est une nouvelle pièce du puzzle, obligeant le spectateur à formuler des hypothèses sur le résultat final. Ce jeu entre l'attente et la révélation fait écho à la narration propre à la bande dessinée, où chaque case apporte une nouvelle information et modifie la perception du lecteur.
Une forme artistique en pleine expansion
Le dessin vivant est une forme artistique en pleine expansion, et les artistes de bande dessinée sont de plus en plus nombreux à s’y essayer. Que ce soit à travers des performances scéniques, des concerts dessinés ou des dédicaces, cette forme d’expression ne cesse de se réinventer. Chaque spectacle est une occasion de repousser les limites du genre, de mêler différentes disciplines artistiques et d’explorer de nouvelles façons de raconter des histoires.
En conclusion, le dessin vivant nous rappelle que l’art n’est pas seulement dans le résultat final, mais aussi dans le processus. Il nous invite à savourer le moment présent, à apprécier l’intensité de la création en direct, et à renouer avec la magie de l’éphémère. Que ce soit dans les festivals, à la télévision ou sur scène, le dessin vivant continue de captiver et d’émouvoir, nous offrant une fenêtre unique sur l’âme de l’artiste en pleine création.
Laissez un commentaire