Le développement des tombeaux littéraires durant la Renaissance.

La Renaissance a marqué l'émergence d'un genre littéraire nouveau et fascinant : le tombeau littéraire, également appelé tumulus. Ce terme désigne un ouvrage collectif où des auteurs se réunissent pour célébrer un défunt par des textes à sa gloire. L'organisation de ces écrits dans un ordre précis transforme le livre en un véritable monument funéraire. Ce type d'œuvre a prospéré au XVIe siècle, notamment avec l'essor de la rhétorique du courtisan. Bien que des pièces funéraires aient existé dans des ouvrages antérieurs, le premier véritable tombeau recensé est celui dédié à Louise de Savoie, mère de François Ier, datant de 1531.

Formes poétiques et diversité linguistique

Les tumulus rassemblent diverses formes poétiques, telles que le sonnet, l’épitaphe, l’ode, le distique et l’élégie. Ils sont souvent rédigés en plusieurs langues, dont le latin, le français et le grec, mais parfois aussi en hébreu, italien, espagnol, et d'autres. Un exemple notable est le tombeau dédié à Marguerite de Valois en 1551 par les sœurs Seymour. Ce recueil comporte environ une centaine de distiques latins composés par Anne, Marguerite et Jane Seymour, accompagnés de versions grecques par Jean Dorat, de traductions italiennes par Jean-Pierre de Mesmes et de plusieurs traductions françaises par des auteurs renommés comme Joachim du Bellay, Pierre de Ronsard et Jean-Antoine de Baïf.

L'essor des tombeaux littéraires

En 1565, la création de tombeaux littéraires est devenue une pratique courante pour honorer les personnalités marquantes. Adrien Turnèbe, humaniste respecté né en 1512 et décédé le 12 juin 1565, a ainsi reçu son propre tombeau littéraire. Cet érudit, issu d'une famille écossaise, a démontré dès son plus jeune âge des aptitudes exceptionnelles pour les études. Formé par l'helléniste Jacques Toussaint, Turnèbe devient professeur d'humanités à Toulouse avant de rejoindre le collège des lecteurs royaux à Paris, protégé par le cardinal de Châtillon.

Contributions et publications d'Adrien Turnèbe

En 1551, Turnèbe est nommé imprimeur du roi pour le grec tout en conservant sa chaire au Collège Royal. Ce double rôle lui permet de publier les textes pédagogiques qu'il enseigne et de promouvoir son intérêt pour l'humanisme grec, en particulier le néoplatonisme. De 1551 à 1555, il est responsable de nombreuses éditions grecques, incluant des textes inédits et des versions améliorées d'éditions précédentes. Parmi ses publications notables figurent l'Enchiridion de Metris et Poemate de Hephaestion Alexandrinus, les tragédies de Sophocle et l'Iliade d'Homère.

Turnèbe confie l'impression des "Grecs du Roi" à Guillaume Morel, un imprimeur parisien avec lequel il s'est associé. Les éditions portant le nom de Turnèbe se distinguent par leur qualité typographique remarquable. Un exemple notable est l'édition latine du De Agrorum conditionibus et constitutionibus limitum, soigneusement imprimée en 1554 par Morel mais portant le seul nom de Turnèbe.

Les défis de la reprise des "Grecs du Roi"

La reprise des types "Grecs du Roi" par Turnèbe n'a pas été une mince affaire. Ces caractères, forgés par Claude Garamont, appartenaient au trésor royal. Lorsque Robert Estienne, détenteur de la charge, s'enfuit à Genève, il emporta les matrices. Adrien Turnèbe dut envoyer des huissiers chez Charles Estienne, fils de Robert, pour récupérer les caractères abandonnés. Deux saisies furent nécessaires pour reprendre l'ensemble du stock.

Le Tumulus d'Adrien Turnèbe

L'ouvrage intitulé "Adriani Turnebi [...], Tumulus, A Doctis quibusdam viris, è Graeco, Latino, & Gallico carmine excitatus" est imprimé par Fédéric Morel. Il rassemble des poèmes inédits dans une joute poétique où les auteurs brodent sur un thème unique : la personne du défunt. Parmi les contributions, le sonnet de Pierre de Ronsard se distingue par sa grande beauté formelle.

Composition et structure de l'exemplaire Barbier-Mueller

L'exemplaire Barbier-Mueller du Tumulus de Turnèbe est composé de 20 feuillets sur le même thème, bien que la signature des cahiers et le texte composé en losange ne coïncident pas avec l'ensemble. Il inclut des poèmes de Joachim du Bellay, Jean Dorat, Jean Passerat et Pierre de Ronsard, parmi d'autres. Ce recueil composite regroupe des pièces parues séparément, témoignant de la complexité et de la richesse des hommages rendus à Turnèbe.

Polémiques et hommages posthumes

La mort de Turnèbe a suscité des polémiques, notamment en raison de son souhait d'être enterré sobrement dans le caveau des pauvres écoliers, interprété par certains comme un signe d'adhésion à la religion réformée. Cette controverse a donné lieu à des vers latins affichés dans Paris et à une réponse de Gabriel Goniard de Soissons, amplifiant le débat. Vivant, Turnèbe était un modèle ; mort, il devenait un enjeu de propagande pour les différents camps religieux.

Conclusion

Les tombeaux littéraires de la Renaissance, tels que celui dédié à Adrien Turnèbe, illustrent la richesse de la production littéraire de cette époque. Ils offrent un témoignage précieux des pratiques culturelles et des débats intellectuels de l'époque. Ces ouvrages, regroupant des contributions en plusieurs langues et de divers auteurs, sont de véritables monuments funéraires littéraires, célébrant la mémoire des défunts tout en reflétant les tensions et les aspirations de leur temps.