Le rétrogaming aux enchères : une passion devenue investissement.

Le rétrogaming, cette passion pour les jeux vidéo vintage, s’installe durablement dans le paysage des ventes aux enchères. Les enchères régulières témoignent de l’intérêt croissant pour ce marché autrefois considéré comme marginal. Mais qui sont ces amateurs de jeux d’antan, et que recherchent-ils lors de ces ventes ? Une exploration de ce phénomène permet de mieux comprendre les motivations des acheteurs et l’évolution du marché.

Trois profils d'acheteurs distincts

Lors d’une vente aux enchères organisée par la maison Boisseau-Pomez, Léonard Pomez, commissaire-priseur à Troyes, a identifié trois catégories principales d'acheteurs. « Nous distinguons les joueurs qui recherchent des lots de jeux en état usagé, dits "loose", afin de les utiliser. Ensuite, il y a les collectionneurs investisseurs qui misent sur des jeux complets ou en éditions limitées, souvent en excellent état. Enfin, les bricoleurs achètent des consoles hors service pour les réparer ou en récupérer les pièces. » Les deux premières catégories, joueurs et bricoleurs, alimentent un marché dynamique de seconde main, tandis que les collectionneurs investisseurs se concentrent sur des pièces plus rares, augmentant ainsi les valeurs des objets à enchérir.

Un exemple frappant de cette tendance a été observé lors d'une vente en novembre 2023, où des Game Boys en panne ont trouvé preneur. « Ces objets, qui auraient été jetés il y a quelques années, sont maintenant perçus comme des ressources intéressantes pour les réparateurs et les collectionneurs », souligne Léonard Pomez. Ce marché du rétrogaming reflète une évolution dans la perception des anciens jeux vidéo, autrefois considérés comme simples objets de consommation et désormais élevés au rang de pièces de collection.

Nintendo, au cœur de l'engouement

Parmi les marques de jeux vidéo vintage, Nintendo reste la plus prisée par les collectionneurs. Alexis Jacquemard, commissaire-priseur chez Millon & Associés, constate que « les consoles et jeux des années 1980 et 1990 dominent toujours les enchères. Les Nintendo NES, Game Boy et Sega Mega Drive sont particulièrement en vogue ». En tête des adjudications, on retrouve des éditions rares et en parfait état, notamment des versions encore neuves sous blister, comme la mythique Nintendo NES Super Mario Bros., première édition de Bandai, dont la valeur est estimée entre 6 000 et 8 000 euros. Ces pièces, en raison de leur rareté et de leur état de conservation, atteignent des prix vertigineux, séduisant les collectionneurs les plus exigeants.

Cet engouement pour Nintendo ne se limite pas seulement aux consoles. Certains collectionneurs se spécialisent dans des séries emblématiques, telles que Zelda ou Mario. Un coffret sous blister de l’édition limitée de The Legend of Zelda: Majora’s Mask pour la Nintendo 64 PAL, édité à seulement 1 000 exemplaires, peut également atteindre des prix estimés entre 6 000 et 8 000 euros. Les éditions japonaises, souvent légèrement différentes des versions européennes, sont également très prisées. Une console NEO-0 japonaise avec ses accessoires peut ainsi se vendre entre 600 et 800 euros.

La montée en puissance des jeux "gradés"

Une nouvelle tendance se confirme : le jeu "gradé". Léonard Pomez explique que cette pratique, directement inspirée du marché des cartes de collection comme les Pokémon, se développe rapidement en Europe. Elle consiste à faire évaluer l'état de conservation d'un jeu par un organisme indépendant, qui attribue une note sur 100 et protège ensuite l’objet dans un emballage scellé. Cette certification garantit la valeur du jeu et permet aux collectionneurs d’investir en toute sécurité dans des pièces authentifiées et protégées.

Le rétrogaming ne se résume pas uniquement à l’achat de jeux ou de consoles en loose ou gradés. Il englobe aussi des objets plus rares, tels que des accessoires innovants. Parmi les curiosités récentes du marché, on peut citer une Nintendo NES Hands Free, une interface pour joueurs à mobilité réduite, encore neuve et scellée depuis 1990, estimée entre 2 500 et 3 500 euros. Ces objets, rarement produits à leur époque, acquièrent une valeur historique qui attire autant les collectionneurs que les amateurs de technologies innovantes.

Un marché en pleine expansion

Ces dix dernières années ont vu une montée en flèche des prix sur le marché du rétrogaming. Alexis Jacquemard observe que « les produits neufs en parfait état se raréfient et leur valeur augmente considérablement ». Les acheteurs, souvent des hommes âgés de 25 à 40 ans, sont issus de la génération ayant grandi avec ces jeux vidéo, à une époque où les cartouches physiques dominaient le marché. Même si ces jeux sont aujourd’hui disponibles en ligne sur des plateformes modernes comme la Nintendo Switch, ces amateurs recherchent l’authenticité et l’émotion d’un objet tangible, tel qu’une cartouche ou une console d’époque.

Le marché de la collection n’est plus uniquement une affaire de nostalgie. Il s’est transformé en une forme d’investissement alternatif. Léonard Pomez compare ce phénomène à celui des marchés du vin ou de l’art, où la rareté et l’état de conservation déterminent la valeur des objets. Les prix des jeux complets, en particulier des éditions limitées, continuent de monter, tandis que le marché des objets "loose" reste stable. Les expositions et musées contribuent également à la reconnaissance de cette culture qui a marqué une génération entière. Si le Pixel Museum de Strasbourg a malheureusement fermé ses portes en 2021, Nintendo a récemment inauguré un musée à Kyoto, confirmant ainsi l’importance culturelle du jeu vidéo.

Le rétrogaming, un marché sécurisé

Un autre indice de l'évolution de ce marché est l’assurance des collections. Alexis Jacquemard note que de plus en plus de collectionneurs font évaluer leurs pièces à des fins d’assurance, afin de garantir leur indemnisation en cas de vol ou de destruction. Cela témoigne de la progression du rétrogaming dans l'univers des collections sérieuses, avec une reconnaissance croissante de sa valeur tant historique que financière.

Ainsi, le rétrogaming, autrefois simple passe-temps pour les nostalgiques, s’impose désormais comme un secteur prisé des collectionneurs et des investisseurs. Grâce à des ventes aux enchères de plus en plus fréquentes, des jeux iconiques et des consoles mythiques continuent de séduire les amateurs en quête de rareté et d’authenticité, tandis que des pièces emblématiques de Nintendo ou Sega atteignent des sommets. Une chose est sûre : l’univers du rétrogaming n’a pas fini de surprendre et de s’imposer dans le monde des collections.