Les littératures dessinées et l'utilisation des personnages animaliers.

Les littératures dessinées, notamment les bandes dessinées, font un usage prolifique et varié des personnages d'animaux. Ce phénomène peut être catégorisé en trois grandes utilisations : les animaux anthropomorphes, les animaux comparses de héros humains, et les animaux réalistes. Ces catégories montrent comment les animaux peuvent être transformés pour remplir divers rôles narratifs et symboliques, en enrichissant les récits par leur nature hybride entre l'humain et l'animal.

Les animaux anthropomorphes

La catégorie la plus répandue dans les littératures dessinées est celle des animaux anthropomorphes. Ces personnages, tels que Krazy Kat, Mickey Mouse ou Pif le chien, possèdent des caractéristiques humaines : ils marchent sur deux pattes, utilisent leurs membres supérieurs de manière préhensile, expriment des émotions faciales, parlent et adoptent des comportements humains. Ces animaux sont souvent habillés de vêtements humains, bien que cela puisse varier considérablement. Par exemple, Yogi Bear porte un col dur, une cravate et un canotier, mais rien d'autre, tandis que d'autres comme Krazy Kat ou Félix le chat sont entièrement nus.

Le degré d'anthropomorphisme peut varier. Dans l'univers de Disney, Mickey Mouse est pratiquement un humanoïde avec quelques traits de souris, tels que les oreilles rondes et la queue. En revanche, des personnages comme Donald Duck ou Scrooge McDuck (Picsou) sont plus proches de centaures homme-canard, avec des postures et des gestes spécifiques aux canards.

Animaux comparses de héros humains

Une deuxième catégorie inclut les animaux comparses des héros humains. Des exemples classiques sont Milou (le chien de Tintin), Spip (l'écureuil de Spirou), le Marsupilami ou Jolly Jumper (le cheval de Lucky Luke). Ces animaux, bien qu'ils restent essentiellement des bêtes, sont dotés de traits humanoïdes, notamment une intelligence aiguë. Ils jouent souvent le rôle de commentateurs ironiques des actions de leurs maîtres et incarnent le pôle des pulsions humaines, exprimant des émotions et des comportements que leurs maîtres, souvent idéalisés, ne peuvent montrer.

Ces comparses animaux servent de miroir aux héros humains, révélant leurs faiblesses et leurs forces. Leur présence apporte une dimension supplémentaire aux histoires, en offrant des perspectives alternatives et en enrichissant le récit avec des moments d'humour et de réflexion.

Les animaux réalistes

Enfin, une troisième catégorie, bien que minoritaire, se compose d'animaux traités de manière réaliste. Des exemples notables sont le Rintintin de Raphael Marcello ou la Bessy de Willy Vandersteen. Ces animaux sont représentés avec une précision et une fidélité au comportement animal, ce qui contraste fortement avec les anthropomorphismes et les comparses animales.

L'origine et l'évolution des animaux anthropomorphes

Les personnages d’animaux anthropomorphes ne sont pas une invention des bandes dessinées modernes. Ils trouvent leurs racines dans la légende, le folklore et les fables, et sont abondamment présents dans la littérature enfantine, qu'il s'agisse de romans comme les Alice de Lewis Carroll ou de livres d'images comme ceux de Beatrix Potter. Cependant, c'est dans les littératures dessinées que ces personnages trouvent leur expression la plus aboutie.

Les contraintes de la narration graphique nécessitent la création de personnages facilement reconnaissables, à la fois fortement typés et dotés d'une grande plasticité. Les personnages animaliers échappent souvent aux contraintes physiques des corps faits de chair et d'os, permettant une stylisation dynamique qui renforce leur expressivité.

Caractéristiques et symbolisme des personnages animaliers

Les animaux anthropomorphes se caractérisent par une grande liberté par rapport à leur référent zoologique et par un hypercodage. Chaque personnage devient un assemblage unique de caractéristiques et de traits distinctifs. Par exemple, Mickey Mouse est composé de simples tiges pour ses membres, des pieds ronds, des gants à trois doigts et une tête proéminente avec un museau et des oreilles qui restent visibles quelle que soit la position de sa tête.

Ces personnages peuvent être les seuls représentants de leur espèce, comme Horace le cheval dans l'univers de Mickey Mouse, ou appartenir à une famille spécifique dans un univers zoologique plus large, comme dans Zoolandia de Sebastiano Craveri. L'espèce de chaque personnage contribue souvent à définir son type psychologique et social, facilitant ainsi une caractérisation rapide et efficace.

Interaction entre animaux et humains

La frontière entre l’animal et l’humain dans les bandes dessinées est souvent floue. Les personnages peuvent évoluer d’animaux vers des formes plus humaines, comme dans Chick Bill de Tibet. Inversement, certains personnages humains possèdent des traits animaliers, comme Jiggs dans Bringing Up Father de George McManus, qui ressemble à un « funny animal » dans un environnement humain.

Les caractéristiques sociales des personnages, indiquées par leurs costumes, peuvent également fonctionner comme des traits physiques transmis par la filiation, semblable à une espèce biologique. Par exemple, les membres de la famille du Petit Spirou sont tous des grooms, ce qui est une indication de leur rôle et de leur rang social.

La néoténie et la caricature

Les personnages animaliers partagent souvent un caractère de néoténie, ressemblant à des animaux en peluche ou à des bébés animaux, ce qui les rapproche des personnages d'enfants. Cette association fréquente entre enfants et comparses animaliers, comme Zig et Puce et le pingouin Alfred, souligne la primarité des réactions et des pulsions chez ces personnages, souvent mises en contraste avec une façade d'éducation.

En essence, les personnages animaliers sont par nature des caricatures, ce qui les rend particulièrement adaptés pour l'humour et la satire. Cette capacité à caricaturer est exploitée non seulement pour les animaux mais aussi pour les personnages humains dans les bandes dessinées, renouant ainsi avec la tradition de la physiognomonie.

La diversité des styles et des influences

Si les productions Disney ont souvent été perçues comme ayant fixé le modèle graphique des animaux de bande dessinée, l'influence de Disney n'est pas universelle. De nombreux artistes ont développé des styles originaux qui reflètent leur propre héritage culturel et artistique. Walt Kelly, par exemple, a créé Pogo avec un style distinct, tandis que Calvo en France et Sebastiano Craveri en Italie ont chacun apporté leurs propres touches uniques à l'illustration animalière.

Cette diversité des styles démontre que les animaux comiques ne sont pas exclusifs à la bande dessinée. Ils trouvent également leur place dans l'illustration enfantine et d'autres formes artistiques, renforçant leur rôle comme éléments clés de l'imagerie populaire.

Conclusion

Les personnages d’animaux dans les littératures dessinées sont des figures hautement flexibles et symboliques, incarnant une grande variété de rôles et de significations. Qu'ils soient anthropomorphes, comparses de héros humains, ou représentés de manière réaliste, ces personnages enrichissent les récits par leur complexité et leur polyvalence. Ils transcendent les frontières traditionnelles entre l'humain et l'animal, l'animé et l'inanimé, créant un univers où les distinctions sont floues et où la créativité est sans limite.