Dès son plus jeune âge, Jean-Claude Götting, illustrateur de renom, sait qu'il voue une véritable passion pour le...
Les reliures plein or : entre patrimoine et raffinement.
Les reliures « plein or », véritable symbole de l'excellence artisanale, se distinguent par leur rareté et leur raffinement. Apparues au XVIIe siècle, ces reliures étaient essentiellement réservées aux bibliophiles et aux amateurs de luxe. Elles incarnent l’apogée du savoir-faire des grands relieurs de l’époque, tels que Luc-Antoine Boyet, et continuent d’attirer l’attention des passionnés de livres anciens.
Origines et caractéristiques des reliures plein or
Les reliures plein or, comme leur nom l’indique, se caractérisent par l’utilisation généreuse de dorures sur les plats et les doublures des ouvrages. Les dorures sont réalisées à l’aide de petits fers, des outils qui permettent d'appliquer des motifs minutieux et répétitifs sur le cuir de la couverture. Ce procédé distingue ces reliures des simples dorures à la plaque, qui, bien que somptueuses, sont moins fines et plus massivement appliquées.
D’après Pascal Ract-Madoux et Isabelle de Conihout, qui ont étudié en profondeur les collections du duc d’Aumale dans leur ouvrage « Relieurs français du XVIIe siècle, chefs-d’œuvre du musée Condé », ces reliures se démarquent par l’usage délicat de petits fers, souvent disposés en motifs géométriques ou filigranés. Leur définition diffère légèrement de celle proposée par Édouard Rouveyre dans son ouvrage Connaissances nécessaires à un bibliophile. Rouveyre qualifie de reliures plein or celles décorées avec des fers de grande taille appliqués d’un seul coup, ce qui rapproche cette définition de la technique de la dorure à la plaque. Toutefois, une telle généralisation pourrait prêter à confusion, car elle englobe un large éventail de styles, de la dorure délicate de Dubuisson aux réalisations plus imposantes des relieurs du XIXe siècle.
L’aspect le plus fascinant des reliures plein or réside sans doute dans l'emploi systématique des petits fers. Ce procédé méticuleux crée une texture riche et complexe, chaque motif venant compléter un ensemble ornemental cohérent, souvent empreint de symbolisme. Certaines reliures de cette période présentent également une décoration à la fanfare, un style particulièrement prisé au XVIIe siècle, qui mêle harmonieusement les dorures à motifs floraux et géométriques.
Les reliures pastiches du XIXe siècle
À l’époque romantique, marquée par un profond retour aux styles anciens, plusieurs grands relieurs du XIXe siècle ont tenté de reproduire les chefs-d’œuvre du passé en créant des reliures pastiches. Ces imitations, bien que souvent remarquables, n’atteignent pas toujours la finesse des originaux du XVIIe siècle. L'authenticité des reliures plein or repose principalement sur l'utilisation subtile des petits fers et sur la délicatesse de l'application, des qualités difficiles à reproduire.
Cependant, les reliures pastiches demeurent des pièces importantes dans l’histoire de la bibliophilie, illustrant l’engouement pour les styles anciens. Elles témoignent de la fascination pour un âge d’or des arts décoratifs, où chaque livre devenait une œuvre d’art en soi. L’hommage rendu par les relieurs du XIXe siècle à leurs prédécesseurs montre également la continuité d’un artisanat d’excellence, même si les techniques et les matériaux avaient évolué.
Exemples notables de reliures plein or
Pour mieux appréhender la richesse de ces reliures, examinons quelques exemples marquants.
L’une des reliures les plus célèbres attribuées à Luc-Antoine Boyet est celle ornant l’ouvrage Comoediae sex de Publius Terentius Afer, publié à Leyde par Elzevier en 1635. Ce livre, habillé d’un maroquin olive janséniste, se distingue par ses doublures en maroquin rouge richement dorées à l’or fin avec des petits fers pointillés. Ce travail d’une minutie exceptionnelle associe des emblèmes, dont un lion hissant et une couronne fermée, créant un médaillon central impressionnant. Le livre, ayant appartenu à de prestigieux collectionneurs tels que Françoise d’Aubigné, marquise de Maintenon, et Henri Beraldi, est passé par plusieurs grandes ventes aux enchères, preuve de sa rareté et de son importance historique.
Un autre exemple remarquable est celui d’un exemplaire des Opera de Quinti Horatii Flacci, publié à Londres par John Pine entre 1733 et 1737. Bien que cette reliure ne soit pas entièrement « plein or », elle présente des caractéristiques dignes de mention, notamment ses gardes de papier entièrement dorées, offrant un effet visuel saisissant à l’ouverture du livre. Les contreplats doublés en maroquin rouge, ornés de guirlandes dorées, renforcent le caractère luxueux de cette reliure. Cet exemplaire a appartenu à Philippe-Laurent de Joubert, président de la Cour des comptes, ajoutant ainsi une dimension historique supplémentaire à cette pièce exceptionnelle.
L’importance des reliures dans la préservation du patrimoine littéraire
Les reliures plein or ne sont pas seulement des objets de luxe, elles sont aussi des gardiennes du patrimoine littéraire. En protégeant les ouvrages, elles contribuent à la préservation de textes anciens, souvent précieux et fragiles. À une époque où la conservation des livres n’était pas aussi systématique qu’aujourd’hui, les reliures jouaient un rôle essentiel pour assurer la longévité des manuscrits et des imprimés.
Les bibliophiles et collectionneurs d’hier et d’aujourd’hui considèrent les reliures comme des éléments indissociables de l’histoire d’un livre. En effet, une belle reliure raconte non seulement l’histoire du relieur et de son époque, mais aussi celle des propriétaires successifs de l’ouvrage, dont les ex-libris, notes manuscrites ou armoiries en sont les traces. Ces éléments, bien que parfois discrets, apportent une profondeur historique à chaque livre et en font des objets d’étude inestimables.
Les reliures plein or incarnent une tradition artistique et artisanale d’une richesse incomparable. Issues des ateliers des grands relieurs du XVIIe siècle, elles se sont imposées comme des témoignages tangibles de l’ingéniosité et du savoir-faire de leurs créateurs. Rares et précieuses, elles continuent de fasciner les amateurs de livres anciens, tant pour leur beauté que pour leur rôle dans la préservation du patrimoine littéraire. Que ce soit à travers les originaux du XVIIe siècle ou les pastiches du XIXe, ces reliures reflètent la passion pour le livre en tant qu’objet d’art, un trésor qui transcende les siècles.
Laissez un commentaire