Les structures narratives, iconiques et linguistiques dans Schtroumpf vert et vert Schtroumpf.

L'œuvre de bande dessinée Schtroumpf vert et vert Schtroumpf de Peyo, en collaboration avec Yvan Delporte, se distingue par sa complexité narrative et ses codes iconiques et linguistiques. Ce texte propose une analyse détaillée de ces aspects, en s'appuyant sur des concepts théoriques empruntés à des auteurs comme Roland Barthes et Tzvetan Todorov.

Le code narratif

Le récit comme histoire

Dans toute bande dessinée, le récit se manifeste d'abord comme une histoire, une suite d'événements que les personnages vivent dans un cadre temporel et spatial défini. Schtroumpf vert et vert Schtroumpf ne fait pas exception. Peyo structure son récit en suivant un modèle narratif que l'on peut décomposer en éléments distincts : les actions, les personnages et leurs interactions. Dans cette bande dessinée, l'intrigue principale tourne autour d'un conflit linguistique entre les Schtroumpfs du Nord et ceux du Sud, un schisme qui menace l'harmonie du village.

Le récit débute avec une situation de désordre linguistique, une querelle entre deux factions des Schtroumpfs qui utilisent des termes différents pour désigner les mêmes objets. Ce conflit est exacerbée par des malentendus, chaque camp croyant que l'autre se trompe. Le Grand Schtroumpf, figure d'autorité et de sagesse, intervient pour rétablir la paix. Le schéma actantiel global proposé par A.J. Greimas peut être appliqué ici pour mieux comprendre les dynamiques de pouvoir et de désir au sein du récit.

Le récit comme discours

L'ordre temporel du récit est également central à son fonctionnement. Peyo joue avec la chronologie en insérant des analepses, ou flashbacks, qui permettent d'éclairer le lecteur sur les causes du conflit. Ces retours en arrière enrichissent la trame narrative en fournissant des explications sur l'évolution des tensions entre les Schtroumpfs du Nord et ceux du Sud.

En parallèle, l'ordre spatial est structuré de manière à renforcer les tensions narratives. Les lieux où se déroule l'action, qu'il s'agisse du village des Schtroumpfs ou de la forêt environnante, sont clairement délimités et jouent un rôle significatif dans le développement de l'intrigue. L'alternance entre ces espaces reflète le mouvement constant entre conflit et tentative de résolution, caractéristique de ce récit.

Le code iconique

Le langage des ballons

Les ballons de dialogue sont un élément crucial dans l'expression des pensées et des émotions des personnages. Peyo utilise différents types de ballons pour transmettre des messages variés : les ballons parlés, les ballons de pensée, et les ballons métaphoriques. Ces derniers sont particulièrement intéressants car ils permettent d'exprimer des états d'esprit complexes sans recourir aux mots, en utilisant des symboles visuels comme des éclairs pour la colère ou des nuages pour la confusion.

L'onomatopée et la métaphore

Les onomatopées dans Schtroumpf vert et vert Schtroumpf sont nombreuses et jouent un rôle essentiel dans la création d'une atmosphère sonore. Elles ajoutent une dimension sensorielle à la bande dessinée, permettant au lecteur de "voir" les sons. Peyo utilise des onomatopées classiques, comme "paf" ou "bang", mais il introduit également des créations originales qui reflètent l'univers particulier des Schtroumpfs.

De même, les métaphores visuelles sont omniprésentes dans cette œuvre. Elles enrichissent le récit en suggérant des significations implicites. Par exemple, un ballon contenant une image de tempête peut symboliser un conflit interne ou une grande agitation.

Le code linguistique

Les niveaux de langue et le langage schtroumpf

Un des aspects les plus distinctifs de cette bande dessinée est le langage schtroumpf, un langage inventé qui remplace certains mots par le mot "schtroumpf". Ce langage crée un effet comique, mais il pose également des questions intéressantes sur la communication et l'incommunicabilité. Les personnages sont souvent confrontés à des situations où la compréhension mutuelle est compliquée par ce langage particulier, ce qui reflète le thème central de l'œuvre : le pouvoir des mots et les conflits qu'ils peuvent engendrer.

Peyo joue également avec différents niveaux de langue pour caractériser ses personnages. Le Grand Schtroumpf, par exemple, utilise un langage plus formel et mesuré, tandis que les Schtroumpfs en conflit emploient un langage plus direct et parfois agressif.

Conclusion

Schtroumpf vert et vert Schtroumpf est une œuvre riche en codes narratifs, iconiques et linguistiques. Peyo, avec la collaboration d'Yvan Delporte, réussit à créer une bande dessinée qui dépasse le simple divertissement pour devenir une réflexion sur la communication, la société et les conflits linguistiques. Les structures complexes qui sous-tendent cette œuvre en font un sujet d'étude fascinant pour quiconque s'intéresse à la sémiologie de la bande dessinée.