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Les trésors cachés des livres anciens au Québec : exploration des manuscrits et imprimés des XVe et XVIe siècles.
Les manuscrits et les imprimés des XVe et XVIe siècles au Québec, et plus spécifiquement à Montréal, forment un patrimoine rare et précieux, soigneusement conservé dans des institutions telles que l'Université du Québec à Montréal (UQAM), la Bibliothèque nationale du Québec, et l'Université McGill. Depuis plusieurs années, des chercheurs se sont engagés dans des projets visant à explorer, inventorier et analyser ces collections exceptionnelles, dont certaines datent de la fin du Moyen Âge et de la Renaissance. Ce travail de recherche s’articule autour de la découverte de livres anciens qui, souvent méconnus, sont pourtant d'une importance considérable pour comprendre l’histoire culturelle, intellectuelle et artistique de l'époque.
Les premières recherches : un focus sur les collections de l’UQAM
L’étude des livres anciens conservés à l’UQAM a débuté par un inventaire minutieux, qui a mis au jour une collection méconnue, composée de quatre manuscrits et de soixante-six imprimés répartis en quatre-vingt-neuf volumes. La majorité de ces ouvrages a été léguée à l’université lors de sa fondation en 1969, provenant d’institutions montréalaises telles que le Collège Sainte-Marie et l’École des beaux-arts de Montréal. Cette phase initiale a abouti, en 2013, à la publication d’un catalogue raisonné détaillant les spécificités textuelles et matérielles de chaque livre.
Ces recherches sur les livres anciens de l’UQAM ont également donné lieu à des expositions et à des publications académiques, comme le recueil Le Livre médiéval et humaniste dans les collections de l’UQAM. Parmi les ouvrages étudiés, un manuscrit particulièrement remarquable est le ms. 3, un livre d’Heures de la fin du XVe siècle, enluminé par un atelier de Rouen et ayant appartenu à Pellegrin de Remicourt, un personnage historique de la cour du duc de Lorraine. Ce manuscrit contient un livre de raison détaillant les naissances des enfants de Remicourt, révélant ainsi des aspects fascinants des pratiques sociales de l’époque.
Le tournant vers les livres d’Heures : une nouvelle orientation de la recherche
L’analyse des fonds de l’UQAM a conduit les chercheurs à explorer d’autres collections montréalaises, et c’est au cours de ces investigations qu’un intérêt particulier s’est porté sur les livres d’Heures. Ces ouvrages de dévotion, très populaires à la fin du Moyen Âge, se caractérisent par leurs enluminures somptueuses et leur contenu textuel spécifique, incluant des prières, des psaumes et un calendrier liturgique. La richesse iconographique de ces livres fait d’eux des objets d’étude privilégiés pour l’histoire de l’art, mais également pour la sociologie religieuse et la culture matérielle.
Un projet ambitieux a ainsi vu le jour en 2014, subventionné par le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada (CRSH), avec pour objectif de réaliser un catalogue raisonné des livres d’Heures conservés au Québec. Ce corpus, composé de manuscrits et d’imprimés, est dispersé dans plusieurs fonds, notamment ceux de McGill, Concordia et le Musée des beaux-arts de Montréal. En plus d’inventorier ces ouvrages, les chercheurs s’attachent à retracer leur provenance et à étudier leur contenu textuel, leur iconographie et leur usage liturgique.
Les livres anciens : témoins d’un savoir humaniste
Les imprimés conservés à l’UQAM et dans les autres institutions montréalaises témoignent de la diffusion des idées humanistes en Europe, et particulièrement en France et en Italie. Parmi ces ouvrages, on trouve des éditions originales des grands penseurs et écrivains de l’Antiquité et de la Renaissance, telles que les Historiae de Tite-Live imprimées en 1542 à Lyon, ou encore une édition de Champ fleury de Geoffroy Tory, un texte fondamental sur la typographie.
Ces imprimés témoignent également des débats religieux de l’époque. Certains ouvrages, comme ceux publiés par les jésuites, reflètent la Contre-Réforme catholique, tandis que d’autres révèlent la diffusion des idées protestantes dans les collections montréalaises. Le travail de catalogage et d’analyse de ces textes contribue à enrichir notre compréhension des courants intellectuels et spirituels qui ont façonné l’Europe à la Renaissance, et par extension, l’histoire culturelle du Québec.
Les expositions : un pont entre le passé et le présent
Parallèlement à leurs recherches académiques, les chercheurs ont régulièrement organisé des expositions pour présenter les résultats de leurs travaux au grand public. L’exposition « Le livre de la Renaissance à Montréal », tenue à la Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ) en 2012-2013, a ainsi mis en lumière deux cents ouvrages rares provenant de plusieurs collections montréalaises. Parmi les pièces maîtresses figuraient des manuscrits enluminés et des incunables (livres imprimés avant 1501), illustrant les débuts de l’imprimerie en Europe.
Ces expositions permettent non seulement de valoriser le patrimoine livresque du Québec, mais elles créent également un dialogue entre chercheurs, conservateurs et amateurs de livres anciens. Elles offrent une occasion unique d’admirer des ouvrages rares, souvent inaccessibles au public, et de découvrir l’histoire fascinante des livres qui ont traversé les siècles.
Un patrimoine à préserver
L’un des défis majeurs auxquels sont confrontés les chercheurs est la préservation de ces livres anciens, dont l’état de conservation est souvent précaire. Reliures abîmées, pages lacérées ou encore enluminures effacées menacent ces trésors patrimoniaux. Si des subventions ont permis de mener à bien plusieurs projets de recherche, les fonds destinés à la restauration sont malheureusement insuffisants. Il est donc crucial d’envisager une politique culturelle plus ambitieuse pour assurer la pérennité de ce patrimoine exceptionnel.
Les livres anciens du Québec sont bien plus que de simples objets d’étude. Ils sont le reflet d’une histoire intellectuelle et artistique qui traverse les frontières et les époques. En poursuivant leurs recherches, les équipes montréalaises continuent de révéler des trésors cachés et de construire un pont entre le passé et le présent, contribuant ainsi à enrichir notre compréhension de l’histoire du livre et de la culture occidentale.
Ce travail, loin d’être achevé, laisse entrevoir de nombreuses découvertes à venir, tant dans les bibliothèques montréalaises que dans d’autres fonds québécois encore inexplorés.
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