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Maeterlinck et l'héritage poétique d'Ophélie.
Depuis Mallarmé, il est établi que la poésie a la capacité de "rémunérer le défaut des langues". Ophélie, personnage emblématique de la littérature, incarne à elle seule cette essence poétique. Le prénom Ophélie évoque immédiatement l'héroïne shakespearienne et le riche imaginaire qui l'entoure : délicatesse, fragilité, nostalgie, folie et noyade. Cette figure mythique a été largement exploitée par la génération symboliste, notamment pour sa capacité à évoquer des images et des sons poétiques, tels que "offrande", "fleur", "fil", et "effleurer".
L'attraction des eaux chez Maeterlinck
Pour Maurice Maeterlinck, l'eau symbolise à la fois une angoisse et un apaisement. Inspiré par les œuvres d'Edgar Poe, Maeterlinck voit dans la noyade une mort douce et naturelle, une issue poétique à la déception existentielle. Dans son théâtre, la jeune femme séduite par les eaux est une figure récurrente, représentant un destin inéluctable et une beauté transcendée par le sacrifice.
Ophélie dans l'œuvre de Maeterlinck
L'influence de Shakespeare, et plus particulièrement de Hamlet, est omniprésente dans l'œuvre de Maeterlinck. Dans "La Princesse Maleine", on retrouve une héroïne hantée par des visions ophéliennes, dont le destin est marqué par l'image du saule pleureur et des roseaux. Maleine, comme Ophélie, est une figure sacrifiée, dont la mort est préfigurée par des éléments naturels et symboliques.
Dans "Intérieur", Maeterlinck présente une image accomplie de l'Ophélie shakespearienne. La victime, déjà morte avant le début de la pièce, est évoquée à travers les paroles des autres personnages, renforçant l'idée d'une figure énigmatique et poétique. La noyée mystérieuse de cette pièce incarne l'archétype d'Ophélie, une figure indéterminée et poétiquement sublime.
Sélysette et la quête du sacrifice
Dans "Aglavaine et Sélysette", Maeterlinck approfondit la dimension morale et poétique de la noyade. Sélysette, dont l'amour a été trahi, tombe d'une tour dans la mer, laissant planer le doute entre accident et suicide. Cette ambiguïté renforce le mystère et la poésie du personnage, évoquant une vocation sacrificielle et une réticence à sombrer dans l'eau.
Isabelle et l'attrait des profondeurs
"La Princesse Isabelle" présente une héroïne fascinée par les eaux, vivant dans une hallucination perpétuelle. L'eau, pour Isabelle, représente un appel irrésistible, une vérité poétique qu'elle cherche à rejoindre. Maeterlinck utilise cette obsession pour illustrer l'aliénation poétique de ses personnages féminins, tous liés à l'élément aquatique.
La fragilité et la régression
Les héroïnes de Maeterlinck, comme Maleine, Sélysette et Isabelle, partagent l'ambiguïté et la puérilité d'Ophélie. La fragilité et la docilité de ces personnages les prédisposent à une régression vers l'enfance et à une acceptation du destin, caractéristiques essentielles à leur poésie et à leur tragédie.
La chanson de scène comme langage de l'enfance
La chanson de scène, présente chez les héroïnes de Maeterlinck, renforce leur candeur poétique. Les comptines et berceuses, chantées par Maleine, Sélysette et Isabelle, sont des échos de l'innocence perdue et des âmes mélancoliques. Ces chants, rappelant ceux d'Ophélie, accompagnent les héroïnes vers leur destin tragique, les enveloppant d'une aura mystique.
Les fleurs : symboles de vie et de mort
Les fleurs, omniprésentes dans les œuvres de Maeterlinck, symbolisent la beauté éphémère et la pureté fugace. Mélisande, autre héroïne aux reflets ophéliens, offre des fleurs et des feuillages, incarnant la dualité de la vie et de la mort. La jeune noyée d'Intérieur, errant à la recherche de fleurs, renforce cette symbolique florale liée à la renaissance et à la précarité de la vie.
Le saule pleureur et la prémonition de la mort
Le saule pleureur, emblème de mélancolie, joue un rôle prééminent dans la symbolique ophélienne. Dans "La Princesse Maleine", le saule est un présage de la mort, associant la fragilité de la jeune femme à l'élément aquatique. Ce motif végétal enrichit la symbolique de la noyade et de la destinée tragique des héroïnes de Maeterlinck.
La chevelure : lien entre femme, fleur et eau
Maeterlinck dépasse Shakespeare en intégrant la chevelure comme élément fusionnel entre la femme, la fleur et l'eau. Les héroïnes maeterlinckiennes, avec leurs cheveux ondulés et ruisselants, symbolisent cette union poétique. Mélisande, par exemple, laisse ses cheveux tremper dans l'eau, incarnant ainsi la fluidité et la qualité aquatique de son être.
L'ophélisation généralisée
Pour Maeterlinck, la femme et l'eau sont intrinsèquement liées. L'ondine est destinée à rejoindre son milieu originel, à se fondre avec lui. Cette "perte d'identité" de la femme dans l'eau est une métaphore poétique de la dissolution érotique et funèbre. La correspondance entre femme et eau exprime la séduction ambiguë et la volupté de la noyade.
L'œuvre de Maeterlinck, riche en références à Ophélie, explore la poésie de la noyade et la fascination des eaux. Ses héroïnes, imprégnées de la symbolique shakespearienne, incarnent la fragilité, la mélancolie et la beauté tragique. À travers ses pièces, Maeterlinck offre une réflexion profonde sur la destinée, la mort et la poésie, faisant de ses personnages des figures intemporelles de l'imaginaire littéraire.
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