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Octave Uzanne : un visionnaire bibliophile.
Octave Uzanne, né le 14 septembre 1851 à Auxerre et décédé le 31 octobre 1931 à Saint-Cloud, fut un auteur et éditeur d’exception. Passionné par les livres, l’art et les femmes, il laissa derrière lui une œuvre remarquable, marquée par son goût pour l’esthétisme et son engagement dans la bibliophilie. Descendant d’une famille de commerçants savoyards installés à Auxerre avant la Révolution, Uzanne commença son parcours académique en droit à Paris. Très vite, il délaissa cette voie pour se consacrer à sa véritable passion : les livres.
Les premiers pas d’un érudit
Uzanne débuta son apprentissage bibliophilique à la Bibliothèque de l’Arsenal, un lieu emblématique pour les amateurs de livres rares. Il fit ses premiers pas dans l’édition chez Damase Jouaust, à la Librairie des Bibliophiles, où il s’illustra par ses notices sur Les Poètes de ruelles au XVIIe siècle (1875-1878, 4 vol.). Il y préfaça également plusieurs ouvrages notables, tels que Édouard de Claire de Duras (1879) ou Les Lettres de Vincent Voiture (1880). Parallèlement, il collabora à la revue Le Conseiller du bibliophile (1876-1877), adoptant les pseudonymes de « Jehan du Guet » et de « Louis de Villotte ».
Ces premières expériences furent le prélude à une carrière qui allait s’épanouir dans la création littéraire et la promotion du livre comme objet d’art.
La reconnaissance chez Édouard Rouveyre
C’est auprès de l’éditeur Édouard Rouveyre qu’Uzanne confirma son talent, avec des ouvrages qui firent sa réputation. Parmi eux, Caprices d’un bibliophile (1878), Bric-à-brac de l’amour (1879) préfacé par Jules Barbey d’Aurévilly, ou encore Les Surprises du cœur (1881). Uzanne s’y illustra par son érudition et sa plume raffinée. En collaborant avec des artistes tels que Félicien Rops, il parvint à marier texte et illustration avec une élégance inégalée.
Dans ses chroniques pour les Miscellanées bibliographiques (1878-1880), il partageait sa vision du livre comme un objet à la fois esthétique et intellectuel, posant ainsi les bases de ce qui allait devenir son style distinctif.
L’âge d’or avec Albert Quantin
La collaboration avec Albert Quantin marqua un tournant décisif dans la carrière d’Uzanne. Ensemble, ils fondèrent en 1880 la revue Le Livre, une publication mensuelle dédiée à l’histoire et à l’actualité du livre. Ce fut également chez Quantin qu’Uzanne publia des ouvrages majeurs tels que L’Éventail (1882), L’Ombrelle. Le Gant. Le Manchon (1883) ou Nos amis les livres (1886).
À travers ces œuvres, Uzanne explorait des thèmes variés – de la mode féminine à la bibliophilie – tout en y apportant une approche moderne et esthétique. Il s’inscrivait ainsi dans le mouvement de l’Art nouveau, contribuant à l’élaboration de livres somptueusement illustrés.
Une bibliophilie inventive et moderne
Fidèle à son esprit d’innovation, Uzanne fonda plusieurs sociétés de bibliophiles, dont la Société des Bibliophiles contemporains en 1889, puis la Société des Bibliophiles indépendants en 1896. Ces cercles exclusifs étaient dédiés à l’édition de livres de luxe en tirage limité, destinés à une élite de passionnés. Parmi les chefs-d’œuvre publiés sous son égide figurent Les Féminies (1896) et Voyage autour de sa chambre (1896).
Il publia également des études critiques sur la reliure et l’esthétique du livre, notamment La Reliure moderne, artistique et fantaisiste (1887). Ses ouvrages mêlaient toujours érudition et raffinement, proposant une vision du livre comme un objet à la fois culturel et décoratif.
Une plume prolifique et éclectique
Tout au long de sa carrière, Uzanne démontra une curiosité insatiable, s’intéressant à des sujets aussi variés que la mode, l’histoire, la littérature et les mœurs. Il écrivit ainsi des ouvrages comme La Locomotion à travers l’histoire et les mœurs (1900) ou Les Parfums et les Fards à travers les âges (1927). Il collaborait également à de nombreuses revues et journaux, sous divers pseudonymes, offrant des réflexions incisives sur les tendances littéraires et artistiques de son époque.
Critiques et héritage
Malgré ses succès, Uzanne fut parfois critiqué, notamment pour son goût jugé excessif dans certaines publications, comme La Nouvelle Bibliopolis (1897). Rémy de Gourmont, par exemple, reprochait à cet ouvrage ses choix esthétiques trop audacieux. Pourtant, ces critiques n’entachèrent pas l’héritage d’Uzanne, qui resta un fervent défenseur de la beauté et de la modernité dans l’édition.
Octave Uzanne fut un véritable pionnier de la bibliophilie moderne, combinant amour des lettres, sens de l’esthétisme et esprit d’innovation. Son œuvre, à la croisée de la tradition et de la modernité, continue d’inspirer les amateurs de livres rares et précieux. À travers ses écrits et ses éditions, il a redéfini le rôle du livre, en faisant un objet de contemplation autant que de savoir.
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