Les œuvres de William Shakespeare continuent de réserver des surprises, même plusieurs siècles après leur rédaction....
Paul-Loup Sulitzer, businessman et "metteur en livre".
L'écrivain à succès et ancien homme d'affaires Paul-Loup Sulitzer s'est éteint à l'âge de 78 ans, jeudi dernier, à l'île Maurice, où il résidait depuis plusieurs mois. Son décès, consécutif à un accident vasculaire cérébral, a été confirmé par sa fille, Olivia Sulitzer.
Figure emblématique du monde littéraire des années 1980 et 1990, Paul-Loup Sulitzer s'est imposé par ses thrillers politico-financiers au succès retentissant. Mais il était avant tout un entrepreneur et un stratège du marketing, qui a su transformer la littérature en un véritable empire commercial.
Un homme d'affaires devenu écrivain
Né le 22 juillet 1946 à Boulogne, Paul-Loup Sulitzer manifeste très tôt un talent pour les affaires. Il commence sa carrière en tant que créateur et importateur de porte-clés et, à moins de vingt ans, il entre dans le livre Guinness des records comme le plus jeune PDG de France. Doté d'un flair exceptionnel pour le commerce et la finance, il se diversifie rapidement en tant que consultant international, conseiller d'entreprises et expert en implantation de sociétés aux États-Unis.
Son goût du business et son habileté à comprendre les rouages du capitalisme mondial nourrissent ses futurs ouvrages, qui mêlent fiction et stratégies financières. Son premier grand succès littéraire, "Money" (1980), est le point de départ d'une série de best-sellers aux titres évocateurs : "Cash" (1981), "Fortune" (1982), "Le roi vert" (1983), "Duel à Dallas" (1984) et "Cartel" (1990). Ces romans, souvent qualifiés de "westerns financiers", captivent un large public friand d'intrigues palpitantes sur le pouvoir, l'argent et les coulisses de la haute finance.
"Metteur en livre" plus qu'auteur
Si Paul-Loup Sulitzer s'impose comme un auteur de référence dans le domaine du thriller financier, des interrogations persistent quant à son rôle exact dans la conception de ses ouvrages. Dès 1987, l'écrivain et critique Pierre Assouline ainsi que le journaliste Bernard Pivot mettent en évidence l'existence d'un véritable "système Sulitzer", basé sur la collaboration d'une équipe de négriers littéraires. Son nom devient synonyme d'une stratégie bien huilée alliant marketing, rédaction collective et médiatisation agressive. Finalement, il admet ces critiques en se qualifiant lui-même de "metteur en livre".
Malgré cette controverse, son succès est incontestable. Il revendique 60 millions d'exemplaires vendus à travers le monde et plusieurs de ses romans sont adaptés en bandes dessinées.
Un homme aux multiples facettes
Outre ses romans, Paul-Loup Sulitzer diversifie sa production littéraire. Il s'essaye à l'essai et publie "Le régime Sulitzer" (1993), proposant une méthode pour perdre du poids, ainsi que "Laissez-nous réussir" (1994), qui expose sa vision du succès entrepreneurial.
Son influence ne se limite pas aux livres. En 1995, il est sollicité par le gouvernement français pour favoriser l'exportation des produits culturels hexagonaux. Il fonde également le mensuel "Savoir s'enrichir" (2003), consacré aux stratégies de réussite financière.
Une descente aux enfers
L'homme qui possédait une villa à Saint-Tropez, un ranch en Arizona, une Ferrari d'un million d'euros et la même Aston Martin que James Bond, traverse ensuite une période de désillusion. En 2004, un AVC le fragilise durablement.
Son divorce houleux avec Delphine Jacobson, fille d'un proche de Bernard Madoff, se solde par une longue bataille judiciaire qui le ruine. Son implication dans l'affaire de l'Angolagate, un scandale lié à la vente d'armes à l'Angola dans les années 1990, aggrave sa situation. Condamné en 2009 à quinze mois de prison avec sursis et 100 000 euros d'amende pour recel d'abus de biens sociaux, il est finalement blanchi en appel en 2011. Pourtant, il confie alors avoir tout perdu : "J’ai été dix ans sous contrôle judiciaire, on m’a pris mon passeport. Ma carrière de conseiller financier international a été décrédibilisée et j’ai fait deux comas".
Une fin de carrière en demi-teinte
Malgré ces revers, il continue à publier, mais le succès n'est plus au rendez-vous. "L'escroc du siècle" (2009), inspiré par l'affaire Madoff, et son autobiographie "Monstre sacré" (2013) ne rencontrent qu'un écho modeste.
Se faisant de plus en plus discret, Paul-Loup Sulitzer passe ses dernières années entre la Belgique, Nice et l'île Maurice. C'est dans ce dernier refuge qu'il s'éteint, laissant derrière lui une carrière exceptionnelle, marquée par le triomphe et la controverse.
Qu'on le considère comme un homme d'affaires visionnaire, un romancier talentueux ou un simple stratège du livre, son influence sur le monde littéraire et économique demeure indéniable.
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