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Un psautier de corset du XVIe siècle, petit joyau de l’histoire des reliures et des manuscrits.
Parmi les trésors de la British Library, un petit psautier de corset datant du XVIe siècle occupe une place de choix. Cet ouvrage minuscule, dont la légende prétend qu’il aurait appartenu à Anne Boleyn, seconde épouse du roi Henri VIII, incarne à la fois l’art raffiné de la reliure et les mystères de l’histoire des Tudors. Bien que son authenticité en tant que possession d'Anne Boleyn reste incertaine, ce livre est un exemple rare de la mode des manuscrits miniatures, populaires parmi les élites alphabètes à la fin du Moyen Âge et au début de la Renaissance.
Description du manuscrit
Ce psautier, mesurant seulement 4 cm de haut sur 3 cm de large, a été conçu pour être accroché au corsage ou à la ceinture de son propriétaire, grâce à une fine chaîne passant par des anneaux, visibles sur le livre lui-même. Il contient 104 feuillets de prières manuscrits en écriture cursive gothique, un style d'écriture courant à l’époque. La plupart des volumes de ce type incluaient des psaumes, destinés à accompagner les dévotions quotidiennes de leur propriétaire. Le manuscrit est également orné d’un portrait d’Henri VIII, partiellement réalisé en or, un détail soulignant le lien symbolique que ce type de livre pouvait avoir avec la cour royale.
Il est fascinant de noter que ce manuscrit, bien qu’exposé sans gants sur certaines photos à la British Library, est manipulé avec la plus grande précaution par les conservateurs. La fragilité de ses matériaux, conjuguée à sa petite taille, en fait un véritable défi pour ceux qui s'emploient à le préserver pour les générations futures.
Un bijou à porter
À la Renaissance, ces manuscrits miniatures, souvent destinés aux femmes, faisaient partie des objets de mode. Ils servaient non seulement de guide spirituel, mais également de symbole de statut social. Attachés à la ceinture ou portés autour du cou, ces livres devinrent des accessoires ornementaux. Leur petite taille les rendait pratiques, tout en ajoutant une touche esthétique à l’apparence de leur propriétaire. Le psautier de corset illustre cette tendance, où les objets du quotidien étaient à la fois fonctionnels et esthétiques.
Anne Boleyn et la légende du psautier
Le lien supposé entre Anne Boleyn et ce psautier repose sur une tradition transmise au sein de la famille Wyatt, qui prétend que la reine aurait offert ce livre à l’une de ses dames d’honneur, peu avant son exécution en 1536. Cette dame d’honneur, traditionnellement identifiée comme Lady Margaret Lee, sœur de Thomas Wyatt, poète et proche confident d’Anne, aurait conservé ce précieux objet dans sa famille. Cependant, il n'existe aucune preuve tangible confirmant cette légende.
Le premier à évoquer cette hypothèse fut George Wyatt à la fin du XVIe siècle. Il prétendait que ce psautier avait été offert par Anne à sa dame d’honneur alors qu’elle montait sur l’échafaud. Cette histoire, relayée dans diverses sources ultérieures, a contribué à nourrir la fascination entourant la figure tragique d’Anne Boleyn.
Robert Marsham, dans un article publié en 1873 dans Archaeologia, décrivit un manuscrit similaire, affirmant que cet ouvrage aurait été offert à la famille Wyatt. Marsham, bien que sceptique quant à la véracité de cette légende, reconnut que la tradition familiale autour de ce manuscrit remontait au moins au XVIIIe siècle. George Vertue, un historien de l’art, fit d’ailleurs mention d’un "curieux petit livre de prières" conservé dans la famille Wyatt depuis sept générations, renforçant l’idée que cet ouvrage aurait été en possession des Wyatt depuis la mort d’Anne Boleyn.
Un héritage transmis à travers les siècles
Le manuscrit semble avoir changé de mains au fil des siècles, passant de la famille Wyatt à Richard Temple-Nugent-Brydges-Chandos-Grenville, premier duc de Buckingham et Chandos, au début du XIXe siècle. Le livre fut ensuite vendu en 1849 à Bertram Ashburnham, quatrième comte d'Ashburnham, avant d’être acquis par la British Museum (aujourd'hui la British Library) en 1883. Ce manuscrit, répertorié sous la référence Stowe MS 956, fait désormais partie d’une collection inestimable de plus de mille autres manuscrits de la collection Stowe.
L'art de la reliure et la mode des livres miniatures
Au-delà de la fascination liée à son association avec Anne Boleyn, ce psautier témoigne de l’habileté exceptionnelle des relieurs de la Renaissance. La reliure en or émaillé, décorée de motifs gravés, est un exemple parfait de l’attention portée aux détails dans la fabrication de ces livres d’élite. Ces ouvrages étaient souvent offerts en cadeau et représentaient un symbole de piété autant que de prestige.
Les livres miniatures tels que celui-ci étaient particulièrement prisés des femmes de la cour. Leur format compact et leur esthétique raffinée en faisaient des objets de dévotion portatifs, pouvant être utilisés tout au long de la journée. Ces ouvrages incarnent la rencontre entre l’art, la religion et la mode, un aspect essentiel de la culture de la Renaissance.
Entre histoire et légende
Bien que le lien entre Anne Boleyn et ce petit psautier ne soit pas avéré, l’histoire qui entoure cet ouvrage reste fascinante. Il symbolise une époque où les livres étaient des objets précieux, porteurs de sens et d’histoire. Aujourd’hui conservé à la British Library, ce manuscrit miniature est non seulement un témoin de la dévotion religieuse de la Renaissance, mais aussi une porte d’entrée vers les légendes et mystères qui entourent la cour des Tudors. Le psautier de corset, avec sa reliure raffinée et son histoire complexe, demeure un joyau de l’histoire des livres anciens, une fenêtre sur un passé révolu, mais toujours empreint de fascination.
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