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Adèle Blanc-Sec et la trahison du cinéma.
En 2010, le réalisateur Luc Besson décide de porter à l’écran la célèbre bande dessinée Les Aventures extraordinaires d’Adèle Blanc-Sec de Jacques Tardi, une saga culte du neuvième art, connue pour son ton irrévérencieux et son héroïne emblématique. Cette adaptation, bien que saluée pour ses qualités visuelles et son ambition, n'a pas manqué de susciter des débats quant à sa fidélité à l'œuvre originale.
La bande dessinée originale : un univers unique
La saga Les Aventures extraordinaires d’Adèle Blanc-Sec, débutée en 1976, est rapidement devenue une référence dans le monde de la bande dessinée. Jacques Tardi, son créateur, y dépeint un Paris sombre et mystérieux, peuplé de personnages complexes et souvent ambigus. L’héroïne, Adèle Blanc-Sec, est une femme à la fois froide et cynique, qui évolue dans un monde où le fantastique se mêle à la réalité historique, sur fond de conspirations, de sociétés secrètes et de phénomènes paranormaux.
Adèle n'est pas une héroïne comme les autres. Loin des stéréotypes de l'aventurière classique, elle se distingue par son ironie mordante et son détachement. Elle navigue dans un Paris marqué par les bas-fonds et les intrigues occultes, offrant ainsi une vision peu commune de la capitale française au début du XXe siècle.
L’adaptation de Besson : une transformation radicale
Lorsque Luc Besson annonce son projet d’adaptation, beaucoup s’interrogent sur la manière dont il va retranscrire cet univers complexe et singulier. Le film, sobrement intitulé Les Aventures extraordinaires d’Adèle Blanc-Sec, prend des libertés considérables par rapport à la bande dessinée. Besson choisit de fusionner plusieurs tomes de la saga pour créer une histoire plus linéaire, mais en perdant au passage une partie de la richesse narrative de l’œuvre originale.
L’une des modifications les plus notables concerne le personnage d’Adèle elle-même. Dans le film, elle n'est plus cette figure glaciale et impitoyable, mais devient une aventurière espiègle et enjouée, à la manière d’un Indiana Jones au féminin. Cette transformation, destinée à rendre le personnage plus accessible au grand public, s’éloigne de la vision initiale de Tardi, qui voyait en Adèle une héroïne plus subversive et complexe.
Le choix de déplacer l’action en Égypte, un pays absent de la bande dessinée, témoigne également de la volonté de Besson d’internationaliser le film, en jouant sur l'exotisme et les codes du cinéma d'aventure. Cette décision, bien qu'efficace pour attirer un public plus large, dénature l’essence même de l’œuvre originale, centrée sur un Paris mystérieux et secret.
Une réception mitigée
À sa sortie, le film de Besson ne parvient pas à séduire autant que prévu. Malgré un budget conséquent et une campagne de promotion ambitieuse, le film ne rencontre pas le succès escompté, en partie à cause de la concurrence avec d’autres blockbusters familiaux sortis à la même période. Mais c'est surtout le changement de ton imposé à l'œuvre qui divise le public et la critique.
Les fans de la bande dessinée regrettent la simplification de l'intrigue et la transformation du personnage d'Adèle. Le film est perçu comme une version édulcorée et grand public de la saga, perdant au passage ce qui faisait son originalité : une héroïne atypique, évoluant dans un univers sombre et complexe.
Tardi lui-même qualifiera cette adaptation de « trahison », bien qu’il reconnaisse la difficulté de transposer une œuvre aussi riche et nuancée au cinéma. Cette expression traduit le sentiment de distance entre le film et la bande dessinée, non seulement en termes d'intrigue, mais aussi de thématiques.
Un hommage malgré tout ?
Malgré ces critiques, le film de Besson peut également être vu comme un hommage à l’œuvre de Tardi, par les références subtiles et les clins d’œil disséminés tout au long du film. Besson cherche à intégrer l’univers de Tardi dans une nouvelle narration, en y ajoutant sa propre touche cinématographique. Le film, loin d’être une simple adaptation, se propose comme une version alternative des aventures d’Adèle, réinterprétée pour un public contemporain.
En somme, Les Aventures extraordinaires d’Adèle Blanc-Sec version Besson est une œuvre hybride, qui oscille entre fidélité et trahison. Si elle déçoit par son éloignement de la bande dessinée originale, elle n’en reste pas moins une tentative audacieuse de réinventer un classique du neuvième art pour le grand écran.
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