Le Blog d'abao

Bijoux dans la bande dessinée : symbole, identité et histoire.

En 1983, Lucky Luke perd l’un de ses attributs emblématiques : la cigarette. Une décision symbolique, traduisant un changement sociétal majeur quant à la perception du tabagisme. Mais qu’en est-il des autres éléments iconiques des personnages de bande dessinée, notamment les bijoux et objets symboliques ? Aurait-on pu imaginer Rantanplan sans son étoile de shérif, ce pied de nez à l’autorité pénitentiaire créé par René Goscinny ? Ou encore, pourrait-on envisager Corto Maltese sans l'anneau d’or à son oreille gauche, symbolisant son appartenance à la marine marchande anglaise ? La réponse semble être un non retentissant.

Les objets précieux, qu'ils soient bijoux, accessoires ou symboles, sont souvent indissociables des personnages de la bande dessinée francobelge d’après-guerre. Leur présence enrichit non seulement l'apparence des personnages, mais contribue également à la profondeur de leurs histoires et à l'évocation de leurs identités. Prenons l'exemple des fibules et boucles de capes romaines d'Alix, ou des ceintures et casques gaulois d'Astérix et Obélix. Ces objets ne sont pas de simples accessoires, mais des éléments essentiels qui ancrent les personnages dans leurs contextes historiques et culturels respectifs. De même, la couronne de vautour et l’aerus de Cléopâtre sont des symboles de pouvoir et de majesté dans l'univers d'Alix.

La bande dessinée, tout comme l’art et la littérature, reflète les évolutions sociétales. Le rapport aux bijoux dans la bande dessinée a évolué en parallèle avec la diffusion de la culture joaillière au grand public. Si autrefois les bijoux étaient des trésors cachés dans des coffres-forts, aujourd’hui ils se démocratisent tout en conservant leur aura de prestige et de mystère.

La chasse aux trésors est un thème récurrent dans la bande dessinée internationale. Dès 1942, Carl Barks initie ce motif avec "Donald et le trésor des pirates", inspirant cinq ans plus tard "La Nouvelle île au trésor" d'Osamu Tezuka, un succès majeur. Barks continue de faire voyager ses personnages à travers le monde à la recherche de trésors, comme dans "La couronne perdue de Genghis Khan" en 1955.

En bande dessinée franco-belge, les bijoux ont longtemps été associés au domaine criminel. Des titres d’albums comme "Les Bijoux de la Castafiore" d’Hergé ou "L’Affaire des bijoux" de Maurice Tillieux mettent en scène des vols de bijoux dans des contextes fictifs ou historiques. Ce traitement criminel des bijoux s’étend à des séries entières, comme "Diabolik" en Italie, où les sœurs Giussani exploitent les bijoux comme une ressource inépuisable d'histoires rocambolesques et glamour.

Le vol des bijoux peut être inspiré de faits divers, comme dans "Les Bijoux de la Begum" de Yann et Schwartz en 2018, ou "Les Bijoux de la Kardashian" de Dumond et Vignolle en 2019. Les Bijoux de la Castafiore d’Hergé, quant à eux, auraient été inspirés du vol des bijoux de Sophia Loren en 1960.

Le thème des bijoux se retrouve également sur scène. En 1941, Hergé et Jacques van Melkebeke écrivent "Le mystère du diamant bleu", une pièce de théâtre dont la première marque la rencontre entre Hergé et Edgar P. Jacobs. Ce dernier, dans "La Marque Jaune" en 1953, illustre la couronne impériale britannique avec une précision historique, soulignant l’importance des bijoux royaux.

Jacobs poursuit cette fascination pour les bijoux historiques dans "L’Affaire du collier" en 1965, inspirée par le collier de Marie-Antoinette. Ce bijou légendaire, composé par Boehmer et Bassenge, devient un élément central de l’intrigue, où une réplique du collier trompe le méchant Olrik.

L’évolution du rapport aux bijoux dans la bande dessinée reflète une meilleure diffusion de la culture joaillière. Des albums comme "L’Anneau des Castellac" de Peyo ou "Bijou" de Loustal et Fred Bernard témoignent de cette nouvelle perception. Dans ces récits, les bijoux ne sont plus seulement des objets de valeur, mais des éléments clés de l’intrigue et de l’identité des personnages.

À l’échelle internationale, les bijoux continuent de jouer un rôle central dans divers genres, de la science-fiction aux comics. Les gemmes de l’infini de Thanos, par exemple, trouvent peut-être leur inspiration dans les traditions indiennes des neuf gemmes du Navaratna.

En somme, les bijoux et objets précieux sont bien plus que de simples accessoires dans la bande dessinée. Ils enrichissent les personnages, portent des significations culturelles et historiques, et reflètent l’évolution des rapports sociaux aux objets de valeur. Qu’il s’agisse de bijoux historiques, de trésors légendaires ou de symboles d’identité, ces éléments sont indissociables de l’art narratif de la bande dessinée.

Écrire un commentaire