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Une histoire de la typographie : de l'Extrême-Orient à l'ère industrielle.

L’histoire de la typographie est profondément liée à celle des techniques d’impression. Le mot « typographie », dérivé du grec « typos » (empreinte) et « graphein » (écrire), apparaît seulement soixante ans après l’impression de la Bible de Gutenberg, mais ses racines remontent beaucoup plus loin. Des premiers caractères mobiles extrême-orientaux au développement de l’imprimerie industrielle au XIXe siècle, la standardisation des signes d’écriture a évolué en tandem avec les innovations dans la production de livres.

Typographie et imprimerie en Extrême-Orient

Les premières tentatives d’impression à l’aide de caractères mobiles datent du XIe siècle en Chine, grâce à Bi-Cheng, un forgeron alchimiste. Il créa des caractères en terre cuite, organisés dans un cadre en fer avec de la cire et de la résine. Cette technique primitive se perfectionna au XIVe siècle en Corée, où les artisans adaptèrent leurs compétences en gravure métallique pour produire des types en bronze. Le Jikji, une anthologie bouddhique imprimée en 1377, est le plus ancien ouvrage connu utilisant cette méthode. Conservé à la Bibliothèque nationale de France, le Jikji témoigne de l’avancée technique de l’époque, marquant l’apogée de la typographie coréenne sous le règne de la dynastie Yi.

Naissance de l’imprimerie en Europe

Au XVe siècle, malgré une connaissance limitée des innovations extrême-orientales, des facteurs techniques, économiques et politiques convergent pour donner naissance à l’imprimerie en Europe. Les Romains utilisaient déjà des caractères indépendants pour l’apprentissage de la lecture, comme l’indique Quintilien. L’idée d’imprimerie à caractères mobiles se concrétise grâce à la diffusion du papier, l’usage de presses à raisin et l’amélioration des encres.

Les guerres du XVe siècle stimulèrent les premiers essais d’impression, comme les Indulgences papales de 1454-1455, visant à récolter des fonds contre les Turcs. La célèbre Bible de Gutenberg, imprimée en 1455, coïncide avec la prise de Constantinople en 1453, marquant un tournant dans la propagation des idées de la Réforme, nécessitant l’imprimerie pour se diffuser. Les premiers services postaux d’État, établis en France en 1464, en Angleterre en 1478 et dans l’Empire germanique en 1502, facilitent également cette diffusion.

Expansion de l’imprimerie en Europe

L’imprimerie se répand rapidement dans les grandes capitales commerçantes et universitaires d’Europe, comme Nuremberg, Paris, Oxford, Prague et Venise. Venise devient un centre névralgique où les premières règles du livre sont établies. Des centaines d’ateliers s’y installent, élaborant des titres, des frontispices et des colophons. Des figures emblématiques comme Alde Manuce, Geoffroy Tory et les Estienne laissent leur empreinte sur l’art typographique avec des symboles distinctifs et des œuvres remarquables.

Nicolas Jenson, graveur à l’Atelier royal des monnaies à Tours, introduit la lettera antiqua formata en caractères romains à Venise. Alde Manuce, préoccupé par la qualité des éditions classiques, fonde une imprimerie en 1489 à Venise, se consacrant à la littérature latine et grecque, et produisant des incunables comme le Songe de Polyphile. En France, Geoffroy Tory écrit Le Champfleury, un traité de calligraphie et typographie, introduisant des caractères calculés selon les proportions du corps humain.

Typographie humaniste et Réforme

À la Renaissance, l’écriture humanistique se développe en Italie et en France, inspirée des manuscrits classiques. François Ier confie à Robert Estienne et à Claude Garamond la mission d’imprimer des manuscrits grecs. Garamond crée des caractères qui deviennent un symbole de la typographie, les Garaldes. La Réforme, à partir de 1530, bouleverse l’imprimerie. Christophe Plantin, installé à Anvers, publie une œuvre considérable et crée le caractère Plantin.

Typographie à l’âge classique

Les guerres de Religion perturbent l’imprimerie en Europe, mais des figures comme Richelieu et Louis XIV en France soutiennent le développement du livre. Philippe Grandjean grave les Romains du Roy, inspirés par des théories mathématiques et géométriques. Pierre Simon Fournier crée le « point fournier », ancêtre du point didot. En Angleterre, William Caslon et John Baskerville contribuent à l’évolution de la typographie avec des caractères élégants et des innovations comme le papier vélin.

L’ère industrielle

Le XIXe siècle voit une explosion de la typographie publicitaire, nécessitant des caractères gras et sans empattement comme l’Akzidenz. Les fonderies allemandes prospèrent, et la composition manuelle cède la place aux machines comme la Lynotype et la Monotype. Les grandes maisons d’édition et la presse se développent, répondant à une demande croissante de caractères. Morris Fuller Benton crée des caractères adaptés aux besoins de l’époque, comme le Century et le Cheltenham.

Conclusion

De l’Extrême-Orient à l’ère industrielle, la typographie a évolué avec les techniques d’impression, influençant et reflétant les changements sociaux et culturels. Chaque innovation, de Bi-Cheng à Benton, a marqué une étape dans cette histoire complexe et fascinante, façonnant l’art de la communication imprimée à travers les âges

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