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Charles-Guillaume-Victor-Marcellin, comte de Fresne : un bibliophile d’exception.
Charles-Guillaume-Victor-Marcellin, comte de Fresne, est une figure emblématique du monde de la bibliophilie au XIXe siècle. Fils d’Adolphe-Marcellin de Fresne (1793-1869), secrétaire général de la préfecture de la Seine et conseiller d’État, et de Sophie Le Roy, fille de Jean-Joseph Leroy (1771-1849), député de la Seine, il naît à Mons, en Belgique, le 1er août 1830. Son parcours est marqué par une passion dévorante pour les livres anciens et rares, qu’il collectionne avec un zèle et une rigueur inégalés.
Une vie consacrée aux livres
Le comte de Fresne épouse, le 30 juillet 1857 à Paris, Marie-Saubade du Plessis-Guichard de Noäs (1836-1886), qui décédera dans leur château de La Boulaye, situé à Clos-Fontaine en Seine-et-Marne. Membre actif de la Société des bibliophiles français depuis le 11 janvier 1860, il en devient le secrétaire.
Sa conception de la bibliophilie est marquée par une rare exigence. Il se consacre exclusivement aux éditions originales des XVIe et XVIIe siècles, privilégiant les reliures signées Trautz-Bauzonnet, un des grands noms de l’art de la reliure. Il n’hésite pas à remplacer des reliures anciennes, pourtant dignes d’être conservées, par des maroquins travaillés par cet artiste renommé. Ses préférences s’étendent rarement aux ouvrages illustrés du XVIIIe siècle, si ce n’est pour des exemplaires d’exception comme les Chansons de Laborde en maroquin d’époque ou le La Fontaine des Fermiers Généraux dans une reliure contemporaine.
Pour les livres modernes, le comte de Fresne affichait un dédain à peine voilé. Ce trait de caractère émerge lors de sa vente posthume, où quelques ouvrages modernes, bien que remarquables, furent insérés dans le catalogue pour répondre aux impératifs commerciaux.
Une bibliothèque de trésors inestimables
La bibliothèque du comte de Fresne fut l’objet de toutes les convoitises lors de sa vente à l’Hôtel Drouot, du 13 au 18 mars 1893. Le Catalogue des livres rares et précieux, manuscrits et imprimés provenant de la bibliothèque d’un amateur (Paris, Charles Porquet, 1893) répertorie 625 lots pour un total impressionnant de 188 482 francs. Chaque livre témoigne de l’exigence et du goût éclairé du comte.
Voici quelques exemples marquants :
Essais de Montaigne, édition originale de 1580, reliée par Trautz-Bauzonnet : 1 350 francs.
Le Rommant de la rose, édition de Galliot du Pré (1529), reliée par Duru : 515 francs.
Les Œuvres de Villon, édition de 1532, reliée par Trautz : 1 090 francs.
La Fauconnerie de François de Saint-Aulaire (1619), reliée par Trautz : 2 000 francs.
Les Contes de Perrault (1697), véritable première édition originale : 5 000 francs.
Ces prix, souvent extravagants pour l’époque, révèlent l’ardeur avec laquelle les bibliophiles de son temps poursuivaient leurs acquisitions. Jules Janin, dans Le Livre (1870), relate une anecdote célèbre lors de la vente La Bédoyère en 1862. Le comte de Fresne, battu par M. Salomon Rothschild pour un exemplaire exceptionnel du Daphnis et Chloé relié par Pasdeloup, se consola en achetant un Perrault de 1781 pour 490 francs, une somme déjà significative.
Une influence durable
Le comte de Fresne décède dans sa résidence parisienne, au 15 rue Bellechasse, le 3 mai 1891. Son héritage perdure à travers les trésors de sa bibliothèque, aujourd’hui dispersée dans de grandes collections publiques et privées. Parmi les livres portant son ex-libris représentant un arbre, plusieurs sont devenus des pièces majeures des fonds patrimoniaux.
Sa vision, bien que stricte et parfois controversée, a marqué durablement le monde de la bibliophilie. En insistant sur la qualité des éditions originales et la perfection des reliures, il a contribué à élever les standards de la collection de livres rares en France.
Ainsi, le comte de Fresne demeure une figure fascinante et inspirante, incarnant l’idéal du bibliophile absolu, pour qui la quête de la perfection l’emporte sur toute considération matérielle.
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