Les œuvres de William Shakespeare continuent de réserver des surprises, même plusieurs siècles après leur rédaction....
Egon Schiele et le livre : un voyage à travers l'art et la littérature.
Egon Schiele, né le 12 juin 1890 à Tulln an der Donau en Autriche et décédé le 31 octobre 1918 à Vienne, est l'un des peintres les plus emblématiques du mouvement expressionniste. Connu pour ses œuvres provocantes et ses portraits saisissants, Schiele a laissé une empreinte indélébile sur le monde de l'art malgré une vie tragiquement écourtée. Son lien avec la littérature, et en particulier avec le livre, est une facette fascinante de son œuvre et de sa vie, reflétant ses influences, ses inspirations et ses interactions avec le monde intellectuel de son époque.
La formation et les influences littéraires
Schiele a grandi dans une famille où la littérature et l'art étaient valorisés. Dès son plus jeune âge, il a montré un intérêt marqué pour le dessin et la lecture. Sa mère, fervente lectrice, l'encourageait à explorer les œuvres littéraires, ce qui a sans doute contribué à développer son sens artistique.
En étudiant à l'Académie des beaux-arts de Vienne, Schiele a été exposé à une variété d'influences littéraires. Les œuvres de poètes et d'écrivains comme Arthur Rimbaud, Charles Baudelaire et Fyodor Dostoevsky ont profondément marqué son développement artistique. Les thèmes de la mort, de l'angoisse existentielle et de la beauté morbide, omniprésents dans leurs écrits, trouvent un écho puissant dans les œuvres de Schiele.
L’art de Schiele : une interprétation littéraire
Les œuvres de Schiele sont souvent comparées à des textes littéraires en raison de leur profondeur psychologique et de leur capacité à exprimer des émotions complexes. Ses autoportraits, par exemple, sont des explorations introspectives qui révèlent une quête incessante de l'identité et de la compréhension de soi. Ces œuvres peuvent être vues comme des "textes visuels" où chaque trait de pinceau raconte une histoire.
Schiele utilisait fréquemment des thèmes littéraires dans ses peintures et dessins. La poésie et les récits de ses auteurs favoris se reflétaient dans ses compositions audacieuses et ses choix de sujets. Par exemple, les figures torturées et les corps déformés de ses œuvres rappellent les personnages désespérés et aliénés que l'on trouve dans les romans de Dostoevsky.
La collaboration avec les écrivains
Schiele n'était pas seulement influencé par la littérature, mais il collaborait également avec des écrivains de son temps. Il a illustré des livres et des revues littéraires, travaillant avec des figures comme Max Brod et Franz Werfel. Ces collaborations ont permis à Schiele de fusionner ses talents artistiques avec la créativité littéraire, produisant des œuvres qui transcendaient les frontières entre les disciplines.
Un exemple notable est sa contribution à la revue "Der Brenner", où il a créé des illustrations pour accompagner des poèmes et des essais. Cette revue, dirigée par Ludwig von Ficker, était un point de convergence pour les avant-gardistes littéraires et artistiques, et Schiele y a trouvé une plateforme idéale pour exprimer ses idées.
Le livre comme objet artistique
Pour Schiele, les livres n'étaient pas seulement des sources d'inspiration littéraire, mais aussi des objets d'art en eux-mêmes. Il voyait le potentiel esthétique des livres et aimait créer des dessins pour les couvertures et les pages intérieures. Ses illustrations de livres témoignent de son souci du détail et de sa capacité à intégrer des éléments narratifs dans ses œuvres visuelles.
Ses carnets de croquis, remplis de dessins et de notes, sont un témoignage précieux de son processus créatif. Ces carnets montrent comment Schiele utilisait l'écriture et le dessin de manière complémentaire, chaque page devenant une sorte de dialogue entre l'image et le texte.
L’héritage littéraire de Schiele
L'impact de Schiele sur la littérature ne se limite pas à ses contemporains. Son œuvre a continué d'influencer des écrivains et des poètes longtemps après sa mort. Des auteurs comme Elfriede Jelinek et Thomas Bernhard ont été profondément marqués par l'intensité émotionnelle et la brutalité honnête des œuvres de Schiele.
De nombreux livres ont été écrits sur Schiele, explorant sa vie, son art et son influence culturelle. Ces œuvres littéraires contribuent à maintenir son héritage vivant, permettant à de nouvelles générations de découvrir et d'apprécier son génie artistique.
Egon Schiele, à travers ses œuvres provocantes et sa vision artistique unique, a établi un lien profond avec le monde de la littérature. Ses influences littéraires, ses collaborations avec des écrivains et son approche du livre en tant qu'objet artistique montrent à quel point il a su intégrer l'art et la littérature dans son œuvre. Malgré sa courte vie, l'impact de Schiele sur l'art et la littérature reste incommensurable, et son héritage continue de résonner à travers les générations.
Egon Schiele, l'artiste maudit victime de la rigidité morale.
Le 13 avril 1912, l'artiste autrichien Egon Schiele est brusquement arrêté par la police qui perquisitionne son domicile et confisque plusieurs de ses dessins de nus. Accusé de viol sur une mineure, l'artiste se retrouve incarcéré, victime de la rigidité morale de la société austro-hongroise de l'époque. Cet événement tragique met en lumière les tensions entre l'art révolutionnaire de Schiele et les conventions sociales strictes de son temps.
Les œuvres de Schiele à l'aune de la psychanalyse
Schiele, souvent considéré comme l'un des pionniers de l'expressionnisme, choque ses contemporains avec ses représentations de corps tordus et tourmentés, souvent capturés dans des postures érotiques et provocantes. Ses œuvres, pour certains, trouvent une résonance particulière avec les théories de Sigmund Freud, le père de la psychanalyse. Freud, dont les théories révolutionnaires sur la sexualité enfantine publiées en 1905, défiaient également les normes de la société viennoise, devient un point de référence pour comprendre l'art de Schiele. Ces idées avant-gardistes sur la sexualité et la personnalité contribuent à l'incompréhension et au rejet dont l'artiste fait l'objet.
Un mode de vie libre et mal perçu
Installé dans son atelier, Schiele mène une vie débridée, accueillant des modèles de tous âges, y compris de jeunes filles des quartiers pauvres de Vienne. Cette liberté artistique et personnelle choque les voisins et les autorités locales, surtout dans un contexte où la majorité sexuelle est fixée à 14 ans et où la prostitution juvénile est malheureusement fréquente. L'accusation de viol qui le frappe provient d'un incident impliquant Tatjana von Mossig, une fillette de 13 ans qui avait déjà posé pour lui. Bien que l'accusation de viol soit finalement réfutée par l'examen médical, Schiele est poursuivi pour immoralité publique, un chef d'accusation basé sur la présence de ses dessins jugés obscènes dans son atelier.
Le procès et l'incarcération
Lors de son procès, Schiele est accusé de trois chefs : enlèvement, viol sur mineure et immoralité publique. Les témoignages et les preuves médicales l'innocentent des deux premières accusations, mais il reste inculpé pour attentat à la pudeur. Les dessins de nus saisis chez lui sont utilisés contre lui, non pas pour leur contenu en soi, mais parce que des enfants auraient pu les voir. Cette approche retorse vise à démontrer la supposée perversité de l'artiste par celle de son art.
Durant sa détention provisoire de trois semaines, Schiele dessine inlassablement, capturant l'essence de son emprisonnement. Dans une lettre à son tuteur, il exprime une certaine satisfaction d'avoir vécu cette expérience difficile, la considérant comme une source d'inspiration pour son œuvre future. Cependant, cet épisode le marque profondément, accentuant sa révolte contre une société qu'il perçoit comme hypocrite et oppressante.
Un art de la provocation
Libéré après avoir purgé 24 jours de détention, Schiele continue de défier les normes sociales avec son art. Son tableau de 1912, "Le Cardinal et la nonne", est une critique acerbe du conservatisme religieux, représentant un cardinal et une nonne dans une pose suggestive, une parodie du célèbre "Baiser" de Gustav Klimt. Ce tableau, comme beaucoup d'autres, illustre sa volonté de provoquer et de questionner les tabous de son époque.
Un héritage toujours controversé
La mort prématurée de Schiele en 1918, due à la grippe espagnole, met fin à une carrière brève mais intense. Toutefois, son œuvre continue de susciter des débats et des réactions vives. En 2018, à l'occasion du centenaire de sa mort, ses œuvres exposées en Allemagne et en Grande-Bretagne ont dû être partiellement censurées pour leur nudité, rappelant que même un siècle plus tard, son art demeure provocateur.
Des auteurs comme Jane Kallir ont défendu l'artiste contre les accusations modernes, notamment à l'ère du mouvement #MeToo, soulignant l'importance de replacer les œuvres et les actions de Schiele dans leur contexte historique. Les débats autour de son œuvre mettent en lumière les tensions persistantes entre liberté artistique et normes sociales.
Egon Schiele reste une figure emblématique de l'art moderne, dont l'œuvre, marquée par la provocation et l'exploration des tabous, continue de défier et de fasciner. Son histoire est un témoignage poignant des luttes d'un artiste contre une société qui peine à accepter l'avant-garde et la liberté d'expression.
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