Gabriel-Jacques-Jules Tandeau de Marsac : un chevalier bibliophile et son héritage littéraire.

Le chevalier Gabriel-Jacques-Jules Tandeau de Marsac, issu de la vieille noblesse de la Haute-Vienne, est une figure marquante de son époque, tant par ses actions dans la gestion de ses terres que par son riche héritage bibliophile. Né le 17 juillet 1786 à Saint-Léonard-de-Noblat, il fit l'acquisition en 1824 d'une propriété à Royères, le domaine de Brignac, qu'il appréciait tout particulièrement. C’est dans ce cadre verdoyant, où il pouvait contempler l’étendue de la commune de Royères, qu'il venait se ressourcer lorsqu’il trouvait un moment de répit dans ses affaires parisiennes.

Son mariage, le 16 juin 1823 à Paris, avec Marie-Geneviève-Pauline Noualhier, sa propre nièce, allait marquer une nouvelle étape dans sa vie personnelle et familiale. De cette union sont nés plusieurs enfants : Henry-François en 1824, Gabriel-Jean-Amand en 1825, Armand-Jules-François en 1826, une fille qui décéda peu après sa naissance, et Alexandre-Jean en 1831. Cette branche de la famille Tandeau de Marsac perpétua la tradition familiale, alliant implication dans les affaires notariales à une passion dévorante pour les livres anciens et les beaux ouvrages.

Gabriel-Jean-Amand Tandeau de Marsac, deuxième fils du chevalier, né à Paris le 14 juin 1825, suivit une carrière de notaire dans la capitale. Son mariage, le 22 janvier 1867, avec Claire Bélurgey de Grandville, fille du préfet de la Meuse, fut marqué par des drames familiaux, notamment la perte de leurs jumelles à la naissance en 1868. Néanmoins, ils eurent trois autres enfants : Henri-Joseph-Hippolyte-Paul en 1869, Amédée-Louis-Joseph-Gabriel en 1873, et Paul-Armand-Victor-Marie en 1877. Gabriel-Jean-Amand, doyen du corps des notaires de Paris, mourut en 1896, laissant derrière lui un riche héritage culturel.

L'une des caractéristiques marquantes des Tandeau de Marsac est leur attachement à la terre limousine et à leur bibliothèque. Celle de Gabriel-Jean-Amand comptait pas moins de 12 000 volumes, avec une préférence marquée pour les ouvrages du XVIᵉ siècle. Parmi les joyaux de sa collection figuraient des ouvrages aux reliures somptueuses, ornées d’ex-libris prestigieux, témoignant de son goût pour la belle bibliophilie. Il fut un fidèle client des relieurs Capé, Masson et Debonnelle, dont les trois quarts des ouvrages de sa collection portaient les signatures, ainsi que des exemplaires rares des ateliers de Trautz. Sa passion pour Molière, par exemple, se traduisait par la présence de nombreuses éditions précieuses de ses œuvres.

Parmi les manuscrits, l’un des plus remarquables, vendu aux enchères le 1ᵉʳ mai 1897, était un magnifique bréviaire du XIVᵉ ou du début du XVᵉ siècle, orné de miniatures et enluminé avec une rare finesse. Il atteignit un prix de 13 900 francs lors de la vente, en faisant l'une des pièces les plus prisées de la bibliothèque. De plus, le bibliophile ne se contentait pas des livres : il rassemblait également des gravures et autres illustrations, espérant ainsi augmenter la valeur de sa collection.

L’influence régionale de Gabriel-Jean-Amand se manifesta également par son acquisition de nombreux ouvrages lors de la vente de la bibliothèque d’Auguste Bosvieux, un archiviste de la Creuse, en 1887. Il y acquit pas moins de 222 lots, renforçant ainsi sa collection d’ouvrages régionalistes, et démontrant son profond attachement au Limousin. Ce lien familial se prolongea avec son frère, le chanoine Armand-Jules-François Tandeau de Marsac, qui lui légua également une importante bibliothèque à sa mort.

La dispersion de cette immense collection fut orchestrée par le libraire-expert Charles Porquet, qui procéda à la vente en plusieurs phases. Le premier lot, composé des ouvrages conservés au château de Brignac, ne bénéficia pas d'un catalogue détaillé, ce qui aurait certainement attiré un plus grand nombre de collectionneurs. Néanmoins, la vente se déroula en novembre 1896 à Limoges, et malgré l’absence d’un catalogue, elle attira un grand nombre d’amateurs de livres anciens.

Les ouvrages vendus à Paris firent, quant à eux, l’objet de cinq catalogues détaillant l’immense richesse de cette bibliothèque. On y trouvait, par exemple, une édition précieuse de La Sainte Bible imprimée à Lyon par Jean de Tournes en 1554, qui atteignit la somme de 7 000 francs, ou encore un exemplaire magnifique du Pseaultier de David, relié pour le roi Henri III et orné de symboles dorés représentant la mort et les saintes femmes au pied de la croix. Ce dernier fut adjugé pour 2 360 francs, soulignant l’attrait des reliures royales pour les collectionneurs de l’époque.

Le Discours sur l’histoire universelle de Jacques-Bénigne Bossuet, tiré sur grand papier et aux armes du Chancelier de France Michel Le Tellier, fit également sensation lors de la vente parisienne. Cet exemplaire exceptionnel, vendu 6 400 francs en 1878, atteignit finalement la somme de 39 000 euros lors d’une vente ultérieure en 2011, démontrant la pérennité de l'intérêt pour les livres anciens et les éditions prestigieuses.

Ainsi, la collection de Gabriel-Jean-Amand Tandeau de Marsac, en grande partie dispersée après sa mort, demeure un témoignage précieux de l’histoire du livre en France, marquée par l’acquisition et la conservation d’ouvrages rares, souvent enrichis de reliures somptueuses et de gravures d’exception. Ce bibliophile averti, profondément enraciné dans sa région, a su allier son amour pour la belle édition à une collection variée, allant des belles-lettres à l’histoire régionale, en passant par les chefs-d’œuvre de la littérature française et européenne.