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Jean Berque : parcours artistique d’un créateur éclectique, entre peinture, illustration et engagement.
Né le 31 janvier 1896 à Reims, au 10 rue Perseval, Jean-Jules-Paul Berque incarne l’esprit d’un artiste profondément enraciné dans son époque tout en demeurant résolument intemporel. Fils de Charles-Marie Berque, négociant en vins de Champagne et associé de la Maison Ernest Irroy, et de Marguerite-Charlotte Pierrard, il grandit dans un milieu propice au développement des sensibilités artistiques. Dès l’enfance, les talents multiples de Berque se manifestent : il joue du violon, peint, et s’imprègne des influences familiales, notamment des sculptures de sa sœur Andrée et des voyages culturels avec ses parents.
Des débuts prometteurs dans un contexte artistique riche
En 1916, Jean Berque quitte Reims pour s’installer à Paris, où il intègre l’Académie Paul Ranson, un haut lieu de l’art moderne de l’époque. Sous la direction de figures majeures comme Félix Vallotton, Maurice Denis et Paul Sérusier, il affine son style. Ce dernier, en particulier, le conseille avec des mots évocateurs : « Quand vous dessinerez, tâchez que vos dessins ne ressemblent pas aux classiques académies, mais qu’ils soient nets et précis comme des Holbein. » Mobilisé durant la Première Guerre mondiale, Berque est réformé en 1917 pour raisons de santé, ce qui lui permet de poursuivre ses aspirations artistiques.
En 1920, il épouse Raymonde Thorel, fille d’un juge, et commence une vie marquée par des voyages constants. Le Maroc, l’Italie, l’Espagne, mais aussi le Var deviennent autant de lieux d’inspiration. À Collioure, il rencontre Aristide Maillol, tandis que Colette et Lise Deharme comptent parmi ses fréquentations. Ces interactions enrichissent son œuvre et nourrissent sa quête artistique.
Un peintre engagé dans la reconstruction de sa ville natale
Reims, dévastée par la Première Guerre mondiale, voit naître en 1922 l’Union rémoise des arts décoratifs. Jean Berque s’y associe dès sa création. Son rôle devient central dans des projets de grande envergure, notamment pour l’église Saint-Nicaise. La création des quatorze stations du Chemin de croix, peintes sur des panneaux en fibro-ciment, marque un sommet dans son œuvre religieuse. Ces stations, réalisées après un voyage en Italie pour « se retremper aux sources pures de l’art religieux », suscitent un accueil enthousiaste dans la presse spécialisée, tant en France qu’à l’étranger, et sont inaugurées en 1925.
Une carrière prolifique et reconnue
Parallèlement à ses travaux monumentaux, Jean Berque s’illustre dans les cercles artistiques parisiens. En 1924, il participe à l’exposition « Premier groupe » à la galerie Eugène Druet, aux côtés de Maurice Denis et Félix Vallotton. Ses œuvres, notamment ses nus et ses paysages, sont saluées pour leur robustesse et leur sens du modelé. Il devient un habitué des Salons d’Automne et des Tuileries, exposant également à l’international.
Cependant, la modernité de ses œuvres n’est pas sans susciter des controverses. En 1927, la couverture du mensuel Le Crapouillot, illustrée par l’un de ses nus, est interdite d’affichage dans les kiosques parisiens. Cette polémique atteste de l’impact de son art sur le public.
L’illustration : un autre langage artistique
Dès 1925, Jean Berque se tourne vers l’illustration, collaborant avec des maisons prestigieuses telles que les Éditions Gonin. Parmi les livres qu’il magnifie de ses gravures figurent des chefs-d’œuvre littéraires comme L’Offrande lyrique de Rabindranath Tagore (1925), Connaissance de l’Est de Paul Claudel (1930) et Le Cantique des cantiques du roi Salomon (1933). Ses illustrations mêlent une finesse technique à une imagination débordante, comme en témoigne l’appréciation de René Barotte sur son travail pour L’Apocalypse de Saint Jean, où il évoque des « visions aussi impérieuses que celles des formes vivantes et des paysages quotidiens ».
L’un de ses projets les plus emblématiques reste sa collaboration avec Colette pour Le Blé en herbe (1946). Dans une lettre touchante, l’écrivaine exprime sa gratitude pour l’authenticité et la profondeur que Berque a su insuffler à ses personnages et à leurs paysages.
Un artiste engagé dans son époque
Pendant la Seconde Guerre mondiale, Jean Berque et sa seconde épouse, Germaine Kohn, s’impliquent activement dans la Résistance, hébergeant des agents britanniques du Special Operations Executive. Ce courage est couronné par la naissance d’un fils le jour de la victoire.
L’après-guerre marque une nouvelle phase de création pour Berque, bien que sa production s’amenuise. Il illustre encore des œuvres littéraires, telles que Les Amours de Marie de Pierre de Ronsard (1942), et réalise les décors de On ne badine pas avec l’amour pour la Comédie française. En 1953, il est fait chevalier de la Légion d’honneur au titre des beaux-arts.
Une disparition prématurée, un héritage à redécouvrir
Jean Berque s’éteint brutalement le 27 avril 1954 à Paris, dans une librairie de la rue de Seine. Il laisse derrière lui une œuvre prolifique et variée, allant de la peinture à l’illustration en passant par des collaborations théâtrales.
Une exposition en 1992 à la Bibliothèque Carnegie de Reims, organisée grâce à Madame Berque et Pierre Gonin, a permis de lever le voile sur cet artiste injustement oublié. Accompagnée d’un catalogue précieux, cette rétrospective a souligné l’étendue de son talent et son apport au patrimoine artistique français.
Un artiste complet et intemporel
Jean Berque s’impose comme une figure majeure de l’art français de la première moitié du XXe siècle. Son œuvre, riche en nuances, témoigne de son amour pour les formes, la lumière et la couleur. À travers ses illustrations littéraires et ses peintures, il a su capturer l’essence d’une époque tout en explorant les horizons du rêve et de l’imaginaire. Un artiste à redécouvrir et à célébrer pour sa contribution unique au dialogue entre l’art et la littérature.
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