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Jean-Pierre-Agnès Parison : un érudit discret et collectionneur passionné du XIXe siècle.
Jean-Pierre-Agnès Parison, né le 3 novembre 1771 à Nantes, rue du Chapeau-Rouge, est une figure emblématique du monde littéraire et bibliophilique du XIXe siècle. Cet homme de lettres, dont l'existence fut marquée par les aléas de la vie et un amour inconditionnel pour la culture, a su laisser son empreinte malgré une vie empreinte de discrétion et de modestie.
Une enfance marquée par la distance et la perte
Issu d'une famille bourgeoise, Jean-Pierre-Agnès Parison voit le jour à Nantes, au sein de la paroisse Saint-Nicolas. Son père, Jean Parison, était un procureur ayant des intérêts aux Amériques, plus précisément à Saint-Domingue, aujourd’hui Haïti. Ce dernier quitta la Bretagne pour l’île de Saint-Domingue six mois avant la naissance de son fils, laissant le jeune Jean-Pierre-Agnès et sa mère, Jeanne Martin Desbarres, en France. À l’âge de cinq ans, Parison perd sa mère, le laissant orphelin de fait, avec pour seule famille son oncle Pierre Le Fort, qui devient également son parrain et son tuteur.
Une éducation distinguée, un destin contrarié
En 1781, Jean-Pierre-Agnès Parison intègre le collège de Juilly, en Seine-et-Marne, institution fondée par les Oratoriens et réputée pour sa rigueur académique. Son père, tentant de revenir en France en 1788, périt en mer, laissant à son fils une fortune largement réduite par les troubles de Saint-Domingue et les remboursements en assignats. À sa sortie du collège, en 1789, Parison s’installe à Paris, rue de Grenelle-Saint-Honoré, dans un appartement anciennement occupé par Jean-Jacques Rousseau, lui conférant un cadre intellectuel stimulant. Bien qu'il ait d'abord envisagé des études de médecine, Parison s'oriente finalement vers les beaux-arts, rejoignant l'atelier de David, célèbre peintre de l'époque. Cependant, la Révolution et les circonstances l’appellent à rejoindre l'armée en 1793, où il se retrouve gravement blessé près de Landrecies. Cette blessure marque un tournant dans sa vie : de retour à Paris, il abandonne les beaux-arts pour se consacrer exclusivement aux études littéraires.
Une passion pour les lettres et la bibliophilie
Dévoué aux lettres classiques, Jean-Pierre-Agnès Parison se constitue une bibliothèque prestigieuse, mettant en avant les auteurs grecs et latins, et se révèle un érudit passionné et minutieux. Son amitié avec Chardon de La Rochette le conduit à devenir un helléniste distingué et un critique averti. Cependant, malgré son érudition, il ne se résout jamais à écrire un ouvrage, préférant se consacrer à la correction d'épreuves. Parison devient un collaborateur précieux pour les autres auteurs, en particulier pour Jacques-Charles Brunet, auteur du célèbre Manuel du libraire et de l’amateur de livres. Parison corrige avec minutie chaque épreuve de cet ouvrage monumental, jouant un rôle essentiel dans sa précision et sa qualité.
L’ami et conseiller de Jacques-Charles Brunet
Jean-Pierre-Agnès Parison est un soutien indéfectible pour Jacques-Charles Brunet, auquel il consacre son temps et ses compétences. Brunet ne manque jamais de lui témoigner sa reconnaissance pour ses précieux conseils et ses observations judicieuses, ainsi que pour l'amitié fidèle qui les lie. Parison se consacre non seulement à la révision de la première édition du Manuel du libraire en 1810, mais il poursuit cet engagement dans les éditions suivantes, notamment la troisième édition et les Nouvelles recherches bibliographiques. Cette fidélité et cette constance lui valent l’admiration et la gratitude de Brunet, qui lui lègue une somme conséquente en signe de reconnaissance.
La formation d’une bibliothèque unique
Dès 1789, Parison commence à constituer une bibliothèque personnelle, en achetant les plus beaux exemplaires des œuvres classiques. Conscient de la valeur patrimoniale des livres, il acquiert des volumes aux reliures rares, marquées par les armes de personnalités illustres comme Henri II, Henri III, Richelieu, ou encore Marie de Médicis. Parmi les trésors de sa collection figurent des œuvres rares telles que la Biblia Sacra de 1526, aux armes de Henri II et Diane de Poitiers, et d’autres volumes ayant appartenu à des personnalités célèbres telles que Pierre-Daniel Huet, évêque d’Avranches, à qui Parison vouait une profonde admiration.
Le déclin de sa fortune l’oblige cependant à modérer ses achats, et il développe l’habitude de fréquenter quotidiennement les bouquinistes des quais parisiens, de Saint-Michel au pont Royal. Cette recherche passionnée lui permet d’acquérir des œuvres exceptionnelles à bas prix, ajoutant ainsi des pièces rares à sa bibliothèque. Ses trouvailles incluent des exemplaires précieux comme Les Provinciales de Pascal ou encore L’Office de la semaine-sainte aux armes de Louis XV.
La vente d’une bibliothèque exceptionnelle
La collection de Parison est dispersée lors d’une vente publique qui se déroule en 1856, au domicile de Parison, quai des Augustins. Le Catalogue des livres de la bibliothèque de feu M. Parison recense 2 694 lots, allant de la théologie aux belles-lettres en passant par l’histoire. Bien que certains ouvrages atteignent des prix remarquables, Parison subit également les aléas du marché, avec une perte significative de la valeur de certains ouvrages classiques, dont la cote avait chuté au fil des années.
Un héritage littéraire et bibliophile
Jean-Pierre-Agnès Parison laisse une empreinte durable dans le monde littéraire et de la bibliophilie, non seulement par sa précieuse collection de livres, mais également par l’aide précieuse qu’il a apportée aux auteurs de son époque. Resté célibataire, il a consacré sa vie au culte de l’amitié et de l’érudition, laissant derrière lui une collection qui témoigne de sa passion pour les livres rares et les reliures prestigieuses. Parmi ses ouvrages les plus marquants, certains se retrouvent aujourd'hui dans les institutions publiques, comme la Biblio sacra, ou encore les annotations marginales de Montaigne. Son parcours révèle la quête d’un homme pour la connaissance et le partage, un esprit humble et dévoué à la littérature et aux belles lettres, dont l’amitié fidèle et les conseils avisés continuent d’inspirer les bibliophiles modernes.
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