Les œuvres de William Shakespeare continuent de réserver des surprises, même plusieurs siècles après leur rédaction....
L'émergence et la richesse de la bande dessinée indienne.
Bien que la bande dessinée indienne connaisse des tirages impressionnants, elle demeure un phénomène relativement récent et centé sur des thèmes limités, notamment la mythologie et les super héros. En effet, cette industrie, qui produit des millions d’exemplaires à travers le pays, n’a véritablement pris son essor qu’à partir de la fin des années 1960.
Une tradition visuelle ancrée dans l'histoire
Malgré son caractère récent en tant que produit de consommation de masse, l’art de raconter des histoires par l’image est une tradition ancienne en Inde. Les images jouent un rôle central dans l’hindouisme, à travers le concept de « darsan », qui désigne la vision du divin. Ainsi, les illustrations religieuses, omniprésentes dans les espaces publics et privés, remontent à l’Antiquité. Sur des supports tels que le cuir et le tissu, ces représentations mettent en scène des épisodes tirés des deux grands poèmes épiques hindous : le « Ramayana » et le « Mahabharata ».
Attribué au poète sanskrit Valmiki, le « Ramayana » narre l’épopée du prince Rama en 24 000 strophes. Ce récit, empreint d’aventures et de valeurs morales, conte notamment l’enlèvement de Sita, épouse de Rama, par Ravana, roi des démons. Le « Mahabharata », quant à lui, est une fresque monumentale de 100 000 distiques relatant la guerre fratricide entre les Pandavas et les Kauravas. Ces histoires mythiques constituent une source d’inspiration majeure pour la bande dessinée indienne contemporaine.
Anant Pai et la naissance de la bande dessinée moderne
Le tournant décisif dans l’histoire de la bande dessinée indienne a lieu en 1967 avec Anant Pai, surnommé « Uncle Pai ». Ancien ingénieur chimique devenu journaliste, il prend conscience de l’ignorance des écoliers indiens à l’égard de leur propre patrimoine culturel, alors qu’ils connaissent bien la mythologie occidentale. Pour rémédier à cela, Pai convainc la maison d’édition India Book House (IBH) de publier la collection « Amar Chitra Katha » (« L’histoire immortelle illustrée »).
Le premier album de cette série, « Krishna », illustré par Ram Waeerkar, paraît dans un premier temps sans succès. Cependant, grâce à son insistance et à une approche éducative attrayante, la collection décolle et devient un véritable phénomène. En 35 ans, Amar Chitra Katha a publié plus de 440 titres, avec un tirage total de 86 millions d’exemplaires. Ces albums adaptent des récits mythologiques, historiques et religieux, allant des épopées hindoues aux figures de l’Indépendance indienne comme Gandhi.
Des héros mythologiques aux super héros modernes
La popularité de la collection Amar Chitra Katha a inspiré de nombreuses autres maisons d’édition. Dreamland Publications, Diamond Comics ou encore Jaico Publishing House ont lancé des collections similaires. Certaines, comme la collection « Chakra », ciblent spécifiquement la diaspora indienne en proposant des dossiers culturels et des graphiques inspirés du style manga.
Les super héros occupent également une place importante dans la BD indienne. La collaboration entre Marvel Comics et Gotham Entertainment Group a donné naissance à « Spiderman India », où Peter Parker devient Pavitr Prabhakar, un jeune Indien dont les pouvoirs sont issus de la mystique hindoue. Cette adaptation mêle habilement les coutumes locales au mystère de l’Inde moderne.
Pran Kumar Sharma et l’essor des comic strips
Parallèlement, les comic strips indiens ont été popularisés par des figures comme Pran Kumar Sharma. Son personnage « Chacha Chaudhary », un vieil homme intelligent entouré de personnages excentriques comme le géant Sabu, est devenu l’un des symboles de la BD indienne.
Sharma a également créé des personnages emblématiques tels que Billoo, Pinki ou Shrimatiji, qui abordent des thèmes variés, de la vie quotidienne à l’humour familial. Ces comic strips, publiés dans des magazines, incarnent une diversité narrative qui enrichit l’offre de la bande dessinée indienne.
Une satire politique audacieuse
Depuis les années 1990, les caricaturistes ont trouvé un terrain fertile dans la presse indienne. Des dessinateurs comme Joseph Arul Raj et Ashok Dongre, en publiant des illustrations dans des journaux influents, abordent avec audace des sujets politiques et sociaux. Neelabh Banerjee, caricaturiste du Times of India, a quant à lui créé Dubyaman, une parodie du président américain George W. Bush, qui illustre l’humour critique et l’ingéniosité des auteurs indiens.
Un avenir prometteur
La bande dessinée indienne continue d’évoluer, entre hommage aux œuvres classiques et innovations modernes. En combinant éducation, divertissement et satire, elle a su se construire une identité unique, attirant un public de plus en plus large. Avec ses racines profondes et son dynamisme créatif, elle semble prête à conquérir encore plus de lecteurs, en Inde comme à l’étranger.
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