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L'histoire de la bande dessinée en Russie.
Pendant longtemps, la Russie a semblé imperméable à l'art de la bande dessinée, un phénomène souvent attribué à des raisons politiques et culturelles. Ce n'est qu'à la fin du XXe siècle, avec les bouleversements sociopolitiques liés à la perestroïka, que le genre a commencé à trouver une place dans la société russe. Pourtant, l'histoire de l'image en Russie, riche et variée, présageait un potentiel certain pour cet art.
Une tradition picturale ancienne : les lubki et les journaux satiriques
Dès le XVIe siècle, la culture russe s’est enrichie des « lubki », des images populaires à la fois satiriques et narratives, souvent accompagnées de textes. Ces illustrations bon marché, initialement inspirées du folklore, se sont peu à peu orientées vers des thèmes sociaux comme la pauvreté ou le statut des femmes. Si leur qualité artistique était parfois discutée, elles témoignent d’une utilisation précoce de l’image pour communiquer des idées.
Au début du XXe siècle, les journaux satiriques se sont multipliés, avec une période de forte activité entre 1905 et 1907. Boris Efimov, caricaturiste phare du journal Krokodil, illustre l’épanouissement de ce genre. Malheureusement, cette tradition a dû faire face à des crises économiques et au déclin des journaux satiriques à la fin des années 1990. Pourtant, des titres comme Fas et Rousski Kourier continuent de proposer des caricatures critiques, souvent dirigées contre le Kremlin.
Les premiers balbutiements de la bande dessinée russe
La bande dessinée moderne a timidement émergé au milieu des années 1920 avec Boris Antonovsky et sa série Les aventures de Yevlampi Nadkin. Les décennies suivantes ont vu l’apparition de travaux comme ceux de Bronislav Malahovsky (Clever Masha) et de Nikolay Radlov (Stories in Pictures). Konstantin Kuznjecov, quant à lui, s’est illustré avec des bandes dessinées aux thématiques variées, allant de Don Quixote à des récits mystiques comme Le vampire baron.
Cependant, la censure imposée par le régime soviétique, particulièrement rigoureuse à partir des années 1960, a freiné le développement du genre. La propagande communiste considérait la bande dessinée comme une manifestation de la culture bourgeoise occidentale, incompatible avec les valeurs socialistes. Cette politique a limité l’accès à des BD étrangères comme Vaillant, tout en laissant place à des publications épisodiques dans des magazines pour enfants.
Une réticence culturelle
Au-delà de la censure, la bande dessinée a longtemps été perçue comme un art mineur en Russie. Contrairement à des pays comme la France ou les États-Unis, où le genre touche un public adulte et diversifié, les BD russes étaient destinées aux enfants, comme en témoignent des revues telles que Michka ou Murzilka. La tradition culturelle russe, marquée par un attachement à la littérature classique, considérait que les textes sérieux ne nécessitaient pas d’illustrations.
Cette perception est liée à l’héritage des « lubki », associés à un public peu instruit. Ainsi, pendant des décennies, l’image et le texte ont été traités comme des entités distinctes et autosuffisantes.
Une renaissance grâce à la perestroïka
La perestroïka a marqué un tournant pour la bande dessinée russe. Des artistes comme Vladimir Sakov et Sergey Lukyanchikov ont vu leurs œuvres publiées à l’étranger dans les années 1990. C’est à cette époque que des œuvres étrangères emblématiques comme Astérix et les X-Men ont été traduites en russe. Les éditions Nitoussov, créées en 2002, se sont spécialisées dans l’adaptation de séries occidentales comme Lanfeust ou Thorgal.
Du côté des auteurs russes, des figures comme Ascold Akishin et Alexey Lipatov ont contribué à enrichir le paysage de la BD russe. Akishin, adepte du noir et blanc, s’est illustré dans le fanzine Stripburger, tandis que Lipatov s’est aventuré dans le genre fantastique avec Staline vs. Hitler. Nikolaï Maslov, quant à lui, a marqué les esprits avec Une jeunesse soviétique, une chronique en noir et blanc de la vie en URSS.
Une reconnaissance internationale croissante
Certains dessinateurs russes ont su se faire un nom à l’étranger. Youri Jigounov, par exemple, a quitté Moscou pour la Belgique en 1994, où il a créé la série d’espionnage Alpha, vendue à plus de 850 000 exemplaires. Andrei Arinouchkine, après avoir illustré plus de 120 couvertures de romans, a collaboré avec le scénariste français Corbeyran pour adapter L’oiseau de feu, un conte traditionnel russe.
Une nouvelle dynamique
Depuis 2002, Moscou organise un festival international de la bande dessinée, Kommissia, témoignant de l’intérêt croissant pour le genre. La galerie Gulman a également mis en lumière la BD avec l’exposition Bubble. La bande dessinée dans l’art contemporain. Des artistes comme Gueorgui Lititchevski et Gueorgui Ostretsov explorent les interactions entre bande dessinée et art contemporain.
Conclusion
Malgré des débuts difficiles, la bande dessinée russe s’impose progressivement comme un art à part entière. Portée par des talents nationaux et des influences étrangères, elle bénéficie d’une reconnaissance grandissante sur la scène internationale. Bien que le chemin reste long, l’avenir de la BD russe semble prometteur, riche en perspectives et en créativité.
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