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L'humanisme grec au XVIe siècle et l'émergence du corpus gnomique.
Au XVIe siècle, l'humanisme grec, déjà bien ancré en Italie, commence à se propager en France. Cette période est marquée par un regain d'intérêt pour l'Antiquité classique, ce qui se traduit par la publication et la diffusion de textes destinés à l'apprentissage du grec ancien. Parmi ces textes, le corpus gnomique, composé de sentences morales et éducatives, connaît une popularité particulière. Cet article explore cette tendance à travers l'examen de divers recueils gnomiques et analyse leur impact sur l'éducation et la diffusion de la culture grecque en France.
Les gnomiques grecs anciens
Les gnomiques, ou recueils de sentences morales, sont des compilations de maximes provenant des poètes et philosophes grecs. Ces œuvres sont utilisées à des fins éducatives et jouissent d'une grande popularité parmi les érudits et les étudiants du XVIe siècle. Trois exemples notables illustrent cette tendance :
Les gnomiques des poètes et philosophes
- Jérôme Aléandre : "Gnomologia seu moralium sententiarum collectanea" (Paris, 1512).
- Adrien Turnèbe : "Gnomologia Palaiotaton Poieton" (Paris, 1553).
- Jean Crespin : "Gnomographoi" (Genève, 1569).
Les sentences des sept sages
- Éditées et commentées par des figures éminentes telles que Philippe Béroalde, François Tissard et Érasme.
- Publiées sous des titres variés comme "Heptalogus", "Liber Gnomagyricus", "Apophtegmata Graeciae sapientum" et "Praecepta septem sapientum".
Les Disticha de moribus du Pseudo-Caton
- Traduites du latin en grec et commentées par des érudits comme Josse Bade, Jérôme Aléandre, Érasme, Étienne Dolet, Robert Estienne et Mathurin Cordier.
- L'édition lyonnaise de 1535, imprimée par Sébastien Gryphe, est particulièrement représentative de l'intérêt porté à ces textes.
Étude comparative de recueils de Disticha Catonis
Dans le cadre du projet de l'Université de Chypre, "Greek Learning in France in the Sixteenth Century: Grammars and Sententiae", nous examinons et comparons quatre recueils de Disticha Catonis du XVIe siècle. Ces recueils incluent deux éditions bilingues latine/grecque, une édition bilingue latine/française et une édition trilingue latine/grecque/française. Cette analyse vise à comprendre la diffusion et l'usage de ces textes gnomiques dans le contexte de la réception de la tradition classique et de l'apprentissage du grec en France.
Disticha de moribus du Pseudo-Caton
Les Disticha de moribus, attribués au Pseudo-Caton, sont des recueils de sentences morales en hexamètres. Leur popularité au Moyen Âge et à la Renaissance est due à leur contenu moralisant et leur forme facilement mémorisable. Érasme est le premier à les intituler "Disticha Catonis". Avant cela, ils étaient connus sous les noms de "Dicta Catonis" et "Libri Catonis Philosophi", des titres potentiellement trompeurs car ils suggèrent une nature philosophique et une attribution à un seul auteur, alors qu'il s'agit en réalité de compilations de sentences morales.
Traduction et diffusion par Maxime Planude
La diffusion des Disticha dans le monde byzantin est largement due à la traduction en grec par Maxime Planude, réalisée à la fin du XIIIe ou au début du XIVe siècle. Cette traduction devient la référence pendant toute la Renaissance. Le contenu moralisant des distiques, associé à leur structure binaire, joue un rôle clé dans la pédagogie médiévale et de la Renaissance. Nous nous concentrons sur le rôle de ces Disticha dans la demande croissante d'outils pour l'apprentissage du grec au XVIe siècle.
Exemples d'éditions
Éditions latines
Deux éditions latines de Disticha de moribus de la fin du XVe siècle sont notables :
- Guillaume Balsarin (1487)
- Henricus Mayer (1488-1489)
Ces éditions montrent l'importance des Disticha dans l'éducation de l'époque, avant même l'essor des éditions bilingues.
Éditions bilingues latine/grecque
Au XVIe siècle, les éditions bilingues latine/grecque des Disticha Catonis commencent à circuler en France, notamment à Paris et à Lyon. Deux éditions notables sont :
- Sébastien Gryphe (1535)
- Martin Le Jeune (1552)
Ces éditions se distinguent par leur mise en page, la présence ou l'absence de commentaires, et la qualité de la typographie grecque.
Éditions bilingues latine/française et trilingues
Les imprimeurs parisiens, notamment la famille Estienne, jouent un rôle clé dans la diffusion des Disticha. Ils publient de nombreuses éditions bilingues et trilingues, adaptées aux besoins pédagogiques. Deux éditions ex officina Roberti Stephani sont particulièrement remarquables :
- Robert Estienne I (1537)
- Robert Estienne II (1585)
Conclusion
L'analyse des éditions des Disticha Catonis montre l'importance de la littérature gnomique dans l'apprentissage des langues classiques au XVIe siècle en France. Les imprimeurs, en tant que pédagogues, ont adapté la tradition médiévale aux nouveaux besoins de l'humanisme renaissant. Les Disticha Catonis, grâce à leur contenu moral et leur traduction en grec par Planude, ont joué un rôle central dans cette transformation éducative, influençant les générations d'étudiants et le marché du livre.
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