À la croisée des chemins entre l’artisanat d’exception et la quête esthétique, la figure de Marius-Michel s’impose...
L'itinéraire artistique de Guy Bara, maître de l'humour graphique.
Guy Willems, plus connu sous le pseudonyme de Guy Bara, est une figure emblématique de l'humour graphique du XXe siècle. Né à Riga, en Lettonie, le 11 juillet 1923, sa vie et sa carrière ont été marquées par une diversité d'expériences et de rencontres qui ont façonné son style unique et son parcours artistique. Fils de diplomate, le jeune Guy a parcouru le monde durant son enfance, avant de s'installer en Belgique peu avant la Seconde Guerre mondiale. Ce voyage incessant à travers différents pays et cultures a certainement contribué à la richesse de son imaginaire, une qualité qui se reflète dans ses œuvres.
Les débuts d'un dessinateur passionné
Guy Bara a commencé son éducation en Belgique au Collège Saint-Michel, où il se distinguait par sa passion pour le dessin. Assis sur les bancs de l'école aux côtés d'André Franquin, qui deviendra plus tard une autre légende de la bande dessinée belge, Bara esquissait déjà des petits personnages humoristiques tandis que son camarade dessinait des véhicules. Leur camaraderie précoce et leur penchant pour le dessin semblent avoir été les prémices d'une carrière florissante dans l'art graphique.
Cependant, le chemin vers la reconnaissance ne fut pas sans détours. Inscrit à l'Université de Louvain pour des études en archéologie, Guy Willems abandonne rapidement ce cursus pour suivre sa véritable passion. Il s'oriente alors vers l'Académie des Beaux-Arts de Bruxelles, où il perfectionne son art. C'est à la Libération, en 1945, qu'il fait ses premiers pas dans le monde de la presse en fondant "Le Faune", un hebdomadaire littéraire, artistique, scientifique et philosophique. Ses premiers dessins, signés de son vrai nom, apparaissent dans cette revue qui, bien que de courte durée, a marqué le début de son engagement artistique.
La révélation de Ronald Searle et la naissance de Bara
La disparition de "Le Faune" coïncide avec une rencontre décisive pour Guy Bara : la découverte des œuvres de Ronald Searle, célèbre illustrateur britannique. Séduit par le style incisif et humoristique de Searle, Bara décide de se consacrer pleinement au dessin humoristique. Dès lors, il adopte le pseudonyme de Bara et se lance dans une carrière prolifique qui le voit publier dans de nombreux journaux français et belges entre 1951 et 1961.
Ses premières armes, Bara les fait dans "La Dernière Heure", un quotidien belge, où il illustre la rubrique sportive dès 1946. Rapidement, il diversifie son travail en s'essayant au dessin politique dans "La Nouvelle Gazette de Charleroi" sous le pseudonyme de La Vacca (la vache), jusqu'en 1949. Cette année-là, il devient secrétaire de rédaction pour "Vivre", un journal mondialiste, et adopte le pseudonyme de Barabas. Mais c'est en 1955 qu'il fait une percée significative dans le monde de la bande dessinée avec la création de Max l'Explorateur.
Max l'Explorateur : un succès international
Le 31 mars 1955, Max l'Explorateur fait ses débuts dans les pages de "France-Soir". Ce strip sans paroles, mettant en scène un personnage naïf et curieux, connaît rapidement un succès fulgurant. Son humour universel et son absence de dialogues permettent à Max de traverser les frontières culturelles et linguistiques. Le strip est rapidement publié dans le "Evening Standard" de Londres sous le nom de Tom the Traveller, et il s'étend à travers l'Europe, l'Asie et l'Afrique grâce à l'agence danoise P.I.B.
Pendant plus de quarante ans, Max l'Explorateur a enchanté les lecteurs du monde entier. En Belgique, "Le Soir" a publié ses aventures de 1956 à 1996, tandis que d'autres pays, comme le Chili, l'Argentine et le Pérou, ont également accueilli ses péripéties dans leurs journaux. En 1965, les éditions Dupuis lancent la collection "Gag de Poche" avec Max comme figure de proue, confirmant ainsi la place de Guy Bara parmi les grands noms de la bande dessinée européenne.
Diversification artistique et reconnaissance internationale
Parallèlement au succès de Max, Bara ne cesse de diversifier ses créations. Il est le premier dessinateur continental à être publié dans le vénérable journal britannique "Punch", et ses dessins trouvent également leur place dans le prestigieux "New Yorker" au début des années 1960. Toujours en quête de nouveaux défis, il participe aux numéros spéciaux du "Journal des Beaux-Arts" en 1962 et 1963, illustrant avec humour des publicités pour les commerçants participant aux Galas de la Pléiade au Palais des Beaux-Arts de Bruxelles.
L'exploration de nouveaux horizons artistiques conduit Bara à s'essayer à la bande dessinée avec "Kéké le perroquet" en 1962, publié dans le petit magazine publicitaire "Bonux Boy". Cette première incursion dans le monde de la BD se poursuit dans "Spirou" en 1964 et 1965, où Max l'Explorateur vit deux grandes aventures scénarisées par Maurice Rosy : "Le Triangle Noir" et "L'Orteil de Vichnou".
Le retour à l'humour et l'héritage de Bara
Dans les années 1970, Bara revient à ses premières amours avec le lancement de "L'Œuf", un mensuel d'humour réservé au corps médical. Ce journal permet à Bara de réunir une pléiade de talents, parmi lesquels Franquin, Bosc, Desclozeaux, Picha, Morez, Trez, Croz, Cram, Puig Rosado, Vicq, et un jeune Philippe Geluck. À travers "L'Œuf", Bara explore de nouveaux formats humoristiques, notamment avec la série de strips "The City" destinée au marché américain et les détournements de gravures dans "Humour 1900".
Au-delà de ses publications régulières, Bara reste un animateur de la scène artistique bruxelloise. Chaque vendredi soir, sa maison devient le lieu de réunion de la "joyeuse bande des dessinateurs", où Franquin, Yvan Delporte, Roba, Peyo, Morris, Greg, Jacques Martin, Rosy, Dany, Hermann, Mike, Tibet, Stéphane Steeman et d'autres se retrouvent pour des parties de billard mémorables.
Les dernières années de création
Même après les années 1980, Bara continue d'innover et de créer de nouveaux personnages. Parmi eux, "Sigi le Franc", apparu en 1979 dans l'hebdomadaire allemand "Zack", incarne l'esprit d'aventure et l'humour décalé de Bara. Ses dernières années sont marquées par une collaboration avec François Corteggiani sur plusieurs scénarios pour "Zack", ainsi qu'une série de strips humoristiques dans "Spirou" avec "Lamybidas" et "Dugazon".
Guy Bara n'a jamais cessé de dessiner, même après la disparition de ses principales séries des magazines de bande dessinée. En 1988, il se tourne vers l'animation en créant des dessins animés courts pour la RTBF, et Max l'Explorateur continue d'apparaître dans les quotidiens jusqu'en 1998.
Guy Bara, de son véritable nom Guy Willems, n'a jamais cherché la gloire, mais il a su, par son talent et sa persévérance, se tailler une place de choix dans l'histoire de l'humour graphique. Son parcours, marqué par des rencontres décisives et une exploration constante de nouveaux formats, illustre la richesse et la diversité de son œuvre. Ses personnages, de Max l'Explorateur à Sigi le Franc, en passant par les Cro-Magnons, restent des témoins intemporels de son génie créatif.
Pour ceux qui s'intéressent à l'histoire de la bande dessinée et de l'humour, les œuvres de Guy Bara sont des incontournables. Elles témoignent non seulement d'une époque où l'humour était roi dans les journaux, mais aussi de l'incroyable capacité d'un homme à transcender les frontières culturelles et linguistiques pour faire rire le monde entier.
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