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L'onomatopée dans la bande dessinée : un art du son et de l'image.
La bande dessinée, souvent perçue comme un médium visuel et narratif, s'avère également un terrain fertile pour l'exploration du langage sonore. Parmi les nombreux éléments qui caractérisent ce médium, l'onomatopée occupe une place centrale. En associant texte et image, la bande dessinée utilise l'onomatopée pour exprimer des sons de manière visuelle, enrichissant ainsi l'expérience de lecture par une dimension sonore unique.
Qu'est-ce qu'une onomatopée ?
L'onomatopée est un mot ou une expression qui imite un son. Dans la bande dessinée, ces mots visent à reproduire, de manière stylisée, les bruits et les sons du monde réel. Les onomatopées sont utilisées pour traduire des explosions (« boum »), des chutes (« plouf »), des cris d'animaux (« miaou ») ou des bruits plus abstraits comme des sifflements (« fff »). Leur force réside dans leur capacité à transcender le langage écrit pour toucher directement les sens du lecteur.
Contrairement aux mots « arbitraires » du langage, qui n'ont pas de lien direct avec leur signification, l'onomatopée entretient un rapport mimétique avec le son qu'elle évoque. Cette connexion entre forme et sens en fait un outil privilégié dans la bande dessinée, où l'image et le texte doivent coexister et se compléter harmonieusement.
L'onomatopée comme élément verbo-iconique
Dans la bande dessinée, l'onomatopée ne se limite pas à une simple reproduction textuelle du son. Elle devient un élément verbo-iconique, un mariage entre le verbal et le visuel. En effet, la représentation graphique de l'onomatopée peut varier en fonction du contexte, de l'intensité du son ou de l'effet recherché. Par exemple, une explosion sera souvent représentée par des lettres grandes et angulaires, tandis qu'un sifflement pourra se traduire par des lettres plus fines et allongées, créant ainsi une sensation visuelle de légèreté ou de douceur.
Cette approche verbo-iconique permet aux auteurs de bande dessinée de jouer avec les formes et les couleurs pour renforcer l'impact des sons. Les onomatopées deviennent ainsi un véritable prolongement de l'image, tout en conservant leur statut de signe linguistique.
Les fonctions de l'onomatopée dans la bande dessinée
L'onomatopée dans la bande dessinée remplit plusieurs fonctions. Tout d'abord, elle a une fonction narrative : elle aide à situer le lecteur dans l'action, en signalant les sons essentiels à la compréhension de l'histoire. Par exemple, un « crac » peut indiquer la rupture d'un objet, un « bang » la détonation d'une arme, ou un « vroum » le bruit d'un moteur qui démarre. Ces sons participent à la fluidité du récit en apportant des informations supplémentaires.
En outre, l'onomatopée possède une fonction réaliste. Elle permet de rendre une scène plus crédible en insérant des sons que l'on ne pourrait pas entendre directement. Dans un récit muet, l'onomatopée devient une sorte de « bande sonore » qui comble le silence visuel. Les auteurs peuvent ainsi retranscrire des bruits de la vie quotidienne, comme un téléphone qui sonne ou une porte qui claque, pour ancrer leur histoire dans une réalité tangible.
Enfin, l'onomatopée joue également un rôle esthétique. En modifiant sa forme, sa taille ou sa disposition dans la case, elle devient un élément graphique à part entière. Cette spectacularisation du son est particulièrement visible dans les bandes dessinées humoristiques ou les récits d'action, où les onomatopées prennent une dimension presque « décorative », ajoutant du dynamisme et de l'énergie à la scène.
L'évolution des onomatopées dans la bande dessinée
L'utilisation des onomatopées a évolué au fil du temps. Si, à l'origine, elles étaient principalement utilisées pour imiter des sons simples, les auteurs ont peu à peu développé une véritable science du son graphique. Certaines bandes dessinées jouent avec les attentes du lecteur en créant des onomatopées originales, qui ne se contentent pas de reproduire un bruit connu mais cherchent à évoquer des sensations ou des atmosphères plus complexes.
Par exemple, les bruits de chute, autrefois représentés par un simple « plouf » ou « paf », peuvent aujourd'hui être décrits de manière plus nuancée, avec des lettres qui s'effacent progressivement pour indiquer une chute plus douce, ou des lettres qui explosent en plusieurs directions pour signaler un impact violent.
La bande dessinée contemporaine a également intégré des influences extérieures, notamment anglo-saxonnes. Des termes comme « boom », « crunch » ou « smack », empruntés à l'anglais, ont fait leur apparition dans les albums francophones, enrichissant ainsi le vocabulaire sonore du médium.
Les limites de l'onomatopée
Malgré ses nombreux avantages, l'onomatopée présente aussi certaines limites. Tout d'abord, elle est soumise aux contraintes linguistiques : un son qui paraît évident dans une langue peut être difficilement traduisible dans une autre. Ainsi, le chant du coq, « cocorico » en français, devient « cock-a-doodle-doo » en anglais, une différence qui montre bien que l'onomatopée n'est pas universelle.
De plus, la lecture d'une onomatopée implique une certaine interprétation de la part du lecteur. Si une explosion est aisément reconnaissable, certains bruits plus subtils, comme le bruissement des feuilles ou le clapotis de l'eau, peuvent être plus difficiles à transcrire de manière convaincante. Dans ces cas, l'onomatopée doit être soutenue par le contexte visuel pour être pleinement comprise.
L'onomatopée dans la bande dessinée est un outil essentiel qui permet d'enrichir la narration en y ajoutant une dimension sonore. À la fois signe linguistique et élément graphique, elle participe pleinement à l'immersion du lecteur dans l'univers de l'auteur. En jouant avec les sons et les images, les créateurs de bande dessinée réussissent à créer un langage unique, où le mot et l'image se confondent pour donner naissance à une œuvre d'art totale.
L'onomatopée, en s'imposant comme un signe verbo-iconique, symbolise à elle seule l'essence même de la bande dessinée, cet art du récit qui sait si bien marier le texte et l'image.
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