L'univers des mangas, un marché prometteur.

Pokémon, Astro Boy, Dragon Ball, Goldorak… Ces noms évoquent des souvenirs à beaucoup d’entre nous. Ils incarnent l’immense popularité du manga, un univers artistique qui a conquis le monde et qui, aujourd’hui, se distingue aussi par un marché de collection en plein essor. Les héros des bandes dessinées japonaises et de leurs adaptations animées trouvent désormais une nouvelle vie dans les ventes aux enchères, attirant une génération de collectionneurs jeunes et passionnés. Décryptage d’un phénomène culturel et économique.

Les multiples vies d’un manga : de la publication à l’objet culte

« Au Japon, la naissance d’un manga suit un chemin bien défini », explique François Meyniel, expert en art japonais. Tout commence par une publication dans un magazine, comme le célèbre Shonen Jump, avant de passer sous forme de livre. Si l’engouement persiste, le manga peut ensuite être adapté en dessin animé. Ces différentes étapes constituent la genèse d’œuvres devenues cultes, et c’est précisément cette diversité de formats qui alimente le marché des enchères.

Parmi les pièces les plus recherchées, on trouve les dessins originaux et les cellulos, ces feuilles de plastique peintes utilisées dans la production des animés. Ces objets témoignent du processus créatif et captent l’intérêt des collectionneurs. Les cellulos des années 1960, bien que rares, marquent le début de cette pratique. Cependant, c’est dans les années 1980, pendant l’âge d’or du Club Dorothée, que cette culture a pris son véritable envol en Europe, popularisant des œuvres comme Dragon Ball Z et Goldorak. Les collectionneurs qui ont acquis des pièces à cette époque peuvent aujourd’hui réaliser de belles plus-values.

Les critères de valeur : rareté et popularité au cœur des enchères

Dans l’univers des ventes aux enchères, trois critères principaux déterminent la valeur des œuvres : la rareté, la popularité et l’intensité de la scène représentée.

1. Rareté des pièces originales
   Les planches originales des mangakas, comme Osamu Tezuka (Astro Boy) ou Hayao Miyazaki (Mon voisin Totoro), sont particulièrement précieuses. Les éditeurs conservaient souvent ces dessins, ce qui les rend aujourd’hui difficilement accessibles. En revanche, les cellulos utilisés dans l’animation japonaise étaient souvent jetés ou vendus à bas prix, augmentant leur rareté avec le temps.

2. La popularité des personnages et des artistes
   L’attachement du public aux œuvres et à leurs créateurs joue un rôle essentiel. Un dessin original d’Astro Boy peut atteindre entre 10 000 et 20 000 euros, tandis que les créations de Miyazaki se négocient parfois jusqu’à 40 000 euros. L’expert François Meyniel note que « Miyazaki est souvent considéré comme le Hergé japonais », un statut qui renforce la valeur de ses œuvres.

3. L’intensité de la scène et le “matching”
   Les collectionneurs privilégient les scènes où les personnages principaux apparaissent en action. Par exemple, un cellulo représentant Son Goku en Super Saiyan, produit par Toei Animation, a été adjugé à 11 700 euros en 2021. En outre, le « matching » parfait – c’est-à-dire l’association d’un cellulo avec son fond original tel qu’il apparaît dans le produit fini – constitue un atout supplémentaire. Les cellulos de Pokémon respectant cette condition peuvent valoir entre 5 000 et 8 000 euros.

Un marché en pleine expansion mais exigeant

La valeur des pièces ne cesse d’évoluer, à mesure que la demande mondiale augmente. À titre d’exemple, un cellulo de Dragon Ball Z qui valait 150 euros il y a cinq ans peut aujourd’hui se vendre jusqu’à 8 000 euros. Cependant, François Meyniel met en garde contre les pièges du marché, notamment les faux shikishis (dessins dédicacés). Il recommande de toujours consulter un expert avant d’acheter ce type de pièce.

De plus, les scènes complexes où plusieurs personnages sont présents sur un même dessin sont souvent suspectes. « Faire évoluer quatre ou cinq personnages en même temps sur une image est presque impossible dans le processus d’animation », rappelle l’expert.

Un phénomène culturel et générationnel

L’univers des mangas est porté par une jeune génération de collectionneurs, âgée de 30 à 50 ans, dont la passion trouve souvent ses racines dans les années Dorothée. Ce marché, mondialisé et dynamique, est alimenté par des œuvres qui continuent de captiver les esprits grâce à des adaptations récentes et à des produits dérivés omniprésents. Les franchises comme Pokémon bénéficient d’un renouvellement constant, contrairement à des licences plus anciennes comme celles de Disney, dont la popularité décline.

L’accessibilité financière des mangas en librairie, bien inférieure à celle des bandes dessinées européennes ou américaines, a également contribué à leur diffusion massive. En outre, cet univers a su séduire un public large et diversifié. Les héroïnes emblématiques, telles que Princesse Sarah ou Sailor Moon, ont joué un rôle clé en attirant un lectorat féminin, une spécificité qui distingue les mangas des autres formes de bande dessinée.

Un avenir prometteur pour les collectionneurs

Avec des ventes spectaculaires et une base de fans mondiale, le marché des mangas et de l’animation japonaise est promis à un avenir florissant. La passion pour ces œuvres intemporelles, qu’elles soient issues des années 1960 ou de franchises actuelles, continue de rassembler des amateurs de tous horizons. Entre nostalgie, esthétique et investissements, les mangas s’imposent aujourd’hui comme une véritable richesse culturelle et économique, à la croisée de l’art et de la collection.