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La création de la Bibliothèque royale de Belgique : l’héritage de la collection Van Hulthem.
La création de la Bibliothèque royale de Belgique découle d'un événement marquant : l'acquisition par l'État belge de la vaste collection de livres de Charles-Joseph-Emmanuel Van Hulthem. Cette collection, exceptionnelle tant par sa diversité que par son ampleur, constituait l'une des bibliothèques particulières les plus complètes du pays, particulièrement centrée sur l'histoire de la Belgique. Van Hulthem, personnage central de ce récit, se distingue par son parcours de bibliophile et d'érudit.
Né à Gand en 1764, Van Hulthem, dernier d'une fratrie de neuf enfants, perdit son père à l'âge de cinq ans. Il reçut très tôt une éducation artistique sous l'influence de Pierre-Norbert Van Reysschoot, un peintre possédant une des bibliothèques les plus prestigieuses de son temps. Ce goût pour les livres et les arts s’éveilla rapidement chez le jeune Van Hulthem, et dès 1773, à l'âge de neuf ans, il acheta son premier livre : un traité sur les arts du dessin rédigé par Willem Goeree. Cet ouvrage, Inleydinge tot de algemeene teyken-konst, marqua le début d’une passion bibliophilique qui ne faiblira jamais. Van Hulthem se constitua au fil des années une impressionnante collection d'ouvrages sur les arts, les sciences, et particulièrement l’histoire de la Belgique.
Sa vie publique fut aussi riche que ses possessions privées. Diplômé en droit de l'université de Louvain, il joua un rôle notable dans les institutions politiques et culturelles de son temps. Parmi ses nombreuses fonctions, il fut membre du Conseil des Cinq-Cents pendant la Révolution française, bibliothécaire de Gand et député au Conseil d’État sous le Consulat de Napoléon. Passionné de botanique, il participa à la création du jardin botanique de Gand en 1796, renforçant ainsi son influence tant dans les sphères intellectuelles que scientifiques.
Le lien entre Van Hulthem et les livres anciens est indissociable. Sa bibliothèque, composée de milliers de volumes, renfermait non seulement des ouvrages courants, mais également des trésors rares, notamment des manuscrits et des éditions originales. Un de ses livres favoris, qu’il utilisait même pour se protéger du froid en hiver, était un imposant in-folio : Rerum per octennium in Brasilia et alibi nuper gestarum de Caspar Van Baerle, publié en 1647. Cet attachement particulier aux livres anciens démontre son profond respect pour les textes qui traversaient les siècles, incarnant à ses yeux un lien tangible avec l'histoire.
L’importance de sa collection fut si grande que les plus grands bibliomanes de l'époque, tels que Richard Heber et Pierre-Philippe-Constant Lammens, l'accompagnaient régulièrement lors des ventes de livres, marquant ainsi la place centrale de Van Hulthem dans le cercle restreint des grands collectionneurs européens. En fin de vie, bien que sa collection ait été entassée dans des caisses, certaines restées fermées depuis des décennies, sa bibliothèque demeurait une des plus riches et éclectiques de son temps.
Cependant, la collection Van Hulthem subit les affres de la Révolution belge de 1830. Lorsque des révolutionnaires envahirent sa demeure bruxelloise, nombre de ses livres furent utilisés pour construire des barricades ou servir de protection contre la mitraille hollandaise. Malgré cela, une grande partie de sa collection put être sauvée, grâce à son fidèle domestique Joseph Delforge. Van Hulthem, frappé par les événements, décida de transporter ses livres à Gand, où il passa les dernières années de sa vie dans une relative tranquillité.
À sa mort en 1832, la question du sort de sa collection se posa rapidement. Celle-ci comportait plus de 60 000 volumes, dont de nombreux manuscrits précieux liés à l’histoire de la Belgique. Le gouvernement belge, conscient de l'importance historique et culturelle de cet héritage, entama des négociations avec l’héritier de Van Hulthem, Charles-Jean-François Bremmaecker, afin de préserver ce trésor pour le pays. En 1836, un accord fut trouvé, et la collection Van Hulthem devint le noyau fondateur de la Bibliothèque royale de Belgique.
Ce premier fonds, composé de milliers de volumes, permit à la Belgique de se doter d’une véritable bibliothèque nationale, comparable aux grandes institutions européennes. Parmi les ouvrages les plus précieux de cette collection, citons un exemplaire enrichi de notes manuscrites de l'ouvrage de Prosper Marchant, Histoire de l'imprimerie, ainsi qu'une impressionnante série de recueils sur l’histoire littéraire de la Belgique. Les livres anciens, souvent annotés par les érudits eux-mêmes, apportaient une dimension unique à cette bibliothèque, tout comme les nombreux manuscrits datant du Moyen Âge.
Le transfert de la collection à Bruxelles en 1838 fut une opération d'envergure : 293 caisses furent transportées par chemin de fer pour être installées dans l'aile gauche du Palais de l'industrie, où la bibliothèque fut ouverte au public en 1839. Cette collection extraordinaire attira rapidement les chercheurs et les étudiants, faisant de la Bibliothèque royale un lieu incontournable pour l’étude de l’histoire de la Belgique et des livres anciens.
L'importance des livres anciens dans cette histoire ne se limite pas à leur valeur patrimoniale. Ils incarnent la transmission du savoir à travers les âges, un lien direct avec le passé qui permet d’éclairer le présent. La collection Van Hulthem, en intégrant des ouvrages rares et souvent uniques, est devenue un symbole de la préservation du patrimoine intellectuel belge, contribuant à la formation d'une mémoire nationale et à la diffusion du savoir. Les ex-libris gravés par des artistes de renom, qui ornaient les ouvrages de Van Hulthem, ajoutaient une dimension artistique et personnelle à cette immense bibliothèque, rappelant que chaque livre est, en soi, un objet unique à la croisée de l’histoire et de l’art.
Ainsi, l'acquisition de la collection Van Hulthem par l'État belge, à la fois pour sa richesse en livres anciens et pour sa dimension culturelle, marque un tournant dans la constitution de la Bibliothèque royale de Belgique, assurant la préservation et la valorisation d’un patrimoine intellectuel d’une valeur inestimable.
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