C’est une véritable œuvre d’art, un joyau de papier aussi rare que somptueux, qui s’apprête à prendre la lumière :...
La doyenne des sociétés de géographie : un héritage scientifique et culturel préservé.
La Société de géographie de Paris, la plus ancienne du monde, fut fondée en 1821, à l’initiative de Louis-Mathieu Langlès, orientaliste et bibliothécaire à la Bibliothèque royale. Son objectif initial était de rassembler les érudits et explorateurs pour promouvoir les sciences géographiques et l’étude des contrées lointaines. Située au 184, boulevard Saint-Germain, dans le VIe arrondissement de Paris, cette société est devenue un centre intellectuel de premier plan, attirant des figures notables de l’époque.
Parmi ses membres fondateurs, on retrouve des personnalités influentes issues de l’Institut, telles que Jean-Denis Barbié du Bocage, géographe renommé, Conrad Malte-Brun, pionnier de la géographie moderne, ou encore Edme-François Jomard, qui participa à la publication de l’imposante Description de l’Égypte en 23 volumes entre 1809 et 1828. Ce travail monumental témoigne de l’importance de la géographie dans l’étude des civilisations, et la Société de géographie se plaça rapidement au centre de ces recherches.
L’histoire de la Société est également marquée par le rôle crucial de ses présidents, notamment le prince Roland Bonaparte, qui la dirigea de 1910 à 1924. Issu de la célèbre lignée des Bonaparte, il hérita d’une passion pour les sciences et les voyages. Orphelin de sa femme, Marie-Félix Blanc, il se consacra entièrement à l’anthropologie et à la géographie, se forgeant une réputation de collectionneur érudit. Ses nombreuses expéditions et ses collections photographiques constituent des archives précieuses pour l’étude des civilisations non occidentales, notamment à travers ses albums portant les noms des groupes ethniques qu'il a observés lors d'expositions ethnographiques à Amsterdam, Paris, Londres et Berlin.
Le prince Bonaparte se distingua également par ses contributions à la géologie et à la botanique. Passionné par l'étude des glaciers alpins, il contribua à la création de postes d'observation dans les Alpes et les Pyrénées. Il finança également l’éphémère observatoire météorologique du Mont-Blanc, ainsi que la station zoologique de Banyuls-sur-Mer, participant ainsi activement au développement de la recherche scientifique.
Sa passion pour la botanique le conduisit à constituer un herbier exceptionnel, comptant plus de 2.500.000 échantillons représentant près de 100.000 espèces. Ce trésor scientifique, le deuxième en France après celui du Muséum national d’histoire naturelle, fut légué à la Faculté des sciences de Lyon. Aujourd'hui, il se trouve à l’Université Claude-Bernard, à Lyon 1, où il continue d’être une ressource inestimable pour les botanistes du monde entier.
La collection géographique de Roland Bonaparte, qui s'enrichit de nombreux ouvrages de géographie, d’histoire et de sciences naturelles, comptait parmi ses joyaux des volumes issus de la bibliothèque de son père, mais aussi des ouvrages ayant appartenu à des personnalités comme Napoléon, ainsi que des atlas et recueils de planches. Cette bibliothèque, installée dans l’hôtel particulier du prince au 10 avenue d’Iéna, était un espace monumental de savoir, où les volumes étaient classés par régions géographiques, offrant aux érudits et aux savants un cadre propice à la recherche.
L’importance de la collection Bonaparte ne s’arrête pas à ses livres. Elle inclut également 135.000 documents iconographiques, 35.000 cartes et des archives précieuses, dont des manuscrits de Jules Verne, comme Vingt mille lieues sous les mers et Cinq semaines en ballon. Après la mort du prince en 1924, une grande partie de ces collections fut transférée à la Bibliothèque nationale de France, garantissant leur conservation et leur accès aux chercheurs.
Parmi les publications notables de Roland Bonaparte, on trouve Les habitants de Suriname (1884), Les variations périodiques des glaciers français (1891), et Fougères du Congo belge (1913), œuvres qui reflètent la diversité de ses intérêts scientifiques. En plus de ses travaux sur la géographie et la botanique, il fut également un membre éminent de la Société française de photographie et un fervent promoteur des sciences, siégeant à l’Académie des sciences et au Club alpin français.
La vente de l’hôtel particulier de l’avenue d’Iéna en 1925 marqua la fin d’une ère. Transformé en siège de la Compagnie universelle du canal maritime de Suez, puis en hôtel de luxe dans les années 2000, ce lieu historique a vu disparaître la bibliothèque qui fut autrefois un haut lieu de savoir et de recherche.
Ainsi, la Société de géographie, à travers l’héritage de ses membres illustres et de ses collections, reste aujourd’hui un témoin privilégié des grandes explorations et des avancées scientifiques qui ont marqué les XIXᵉ et XXᵉ siècles. Ses collections, conservées à la Bibliothèque nationale, continuent de jouer un rôle essentiel dans la transmission des connaissances et la préservation des patrimoines culturels et scientifiques du monde entier.
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