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La marquise de Vassé et sa bibliothèque : un trésor littéraire du XVIIIe siècle.
Le destin d’Emmanuel-Armand, marquis de Vassé, et de son épouse, Anne-Bénigne-Fare-Thérèse de Beringhen, témoigne des fastes et des traditions de l’aristocratie française du Grand Siècle. Tandis que le marquis brillait sur les champs de bataille en tant que colonel de dragons et brigadier des armées du roi, la marquise cultivait l’érudition et le goût des lettres, laissant derrière elle une bibliothèque unique en son genre, qui fut mise en vente après sa mort. Ce trésor bibliophilique offre une fenêtre fascinante sur les intérêts et les valeurs littéraires de l'époque.
Un couple aux origines prestigieuses
Né à Paris en 1683, Emmanuel-Armand, marquis de Vassé, vidame du Mans et baron de La Roche-Mabile, occupa plusieurs fonctions prestigieuses, notamment celle de gouverneur du Plessis-lèz-Tours. Il épousa, le 11 juillet 1701, Anne-Bénigne-Fare-Thérèse de Beringhen, issue d’une famille protestante originaire des Pays-Bas et établie en France à la fin du xvie siècle. Sa mère, Élizabeth-Madeleine-Fare d’Aumont, et son père, Jacques-Louis de Beringhen, chevalier des ordres du roi et premier écuyer, illustraient le raffinement et la puissance de cette lignée.
Une bibliothèque exceptionnelle
La marquise de Vassé, grande amatrice de littérature, réunit une collection remarquable de romans de chevalerie, d’ouvrages historiques et théologiques, ainsi que de livres en français et en italien. Ces volumes étaient pour la plupart reliés en veau fauve, une reliure sobre mais élégante, à l’exception des ouvrages de théologie et d’histoire, souvent recouverts de maroquin et parfois ornés de mosaïques raffinées.
En 1750, sa bibliothèque fut mise en vente à l’hôtel de Beringhen, rue Saint-Nicaise, à Paris. Le catalogue de cette vente, intitulé Catalogue des livres de feüe Madame la marquise de Vassé, recense 124 numéros pour un total de 1 327 titres et 2 451 volumes. Parmi eux, on trouve également des brochures, des cartes et des estampes, témoignages de l’éclectisme et de la richesse de cette collection.
Les joyaux de la collection
Les romans de chevalerie et ouvrages gothiques
La bibliothèque de la marquise comprenait de nombreux romans de chevalerie imprimés en caractères gothiques. Parmi les chefs-d’œuvre, citons :
Le Roman de la Rose (Paris, 1521), un classique médiéval en in-folio, vendu 12 livres tournois.
Lancelot du Lac (Paris, 1533), également en in-folio gothique, estimé à 75 livres.
Les Prophéties de Merlin (Paris, 1498), en trois volumes reliés en maroquin, précieusement conservés et cotés à 75 livres.
D’autres textes, comme Gyron le Courtoys (Paris, 1519) ou Dom Flores de Grèce (Paris, 1552), renforcent l’idée d’un goût prononcé pour l’imaginaire chevaleresque.
Littérature italienne et française
La marquise possédait également des ouvrages italiens rares, tels que Il Decameron de Boccace (Fiorenza, 1573) et La Fiameta Alamorose (Venetia, 1481), imprimés en in-quarto gothique. Ces textes mettent en lumière son intérêt pour les histoires d’amour et les récits tragiques.
En ce qui concerne la littérature française, la présence d’œuvres de Boileau (Œuvres, Genève, 1716) et de Marot (Œuvres, La Haye, 1731) témoigne d’une affinité pour les grands auteurs classiques.
Histoire et théologie
Parmi les ouvrages historiques et religieux, certains volumes se distinguent par leur rareté et leur qualité de reliure. Le catalogue mentionne :
La Sainte Bible de M. de Sacy (Anvers, 1700), en neuf volumes reliés en maroquin rouge, estimée à 48 livres.
Les Sermons du P. Bourdaloue (Paris, 1707), une collection en 14 volumes, cotée à 159 livres.
Les Vies des hommes illustres de Plutarque, traduites par Amyot (Paris, 1567), un ensemble somptueux de 14 volumes en maroquin rouge avec dentelles, vendu pour 405 livres.
La bibliothèque de la marquise de Vassé était bien plus qu’un simple ensemble de livres : elle reflète les aspirations culturelles et l’esthétisme d’une époque. Les ouvrages qu’elle avait choisis et fait relier témoignent de son amour pour la littérature, la connaissance et la beauté des objets. Aujourd’hui, ces volumes dispersés à travers le monde rappellent la richesse du patrimoine littéraire français et l’érudition des grandes figures féminines de l’Ancien Régime.
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