Les œuvres de William Shakespeare continuent de réserver des surprises, même plusieurs siècles après leur rédaction....
La révolution graphique : l'âge d'or de la presse illustrée.
Le lien entre Félix Nadar, Gustave Doré, František Kupka et John Everett Millais ? Ces artistes renommés, célébrés pour leurs tableaux, photographies ou dessins, ont également contribué aux pages des grands journaux. Non pas en tant que journalistes, mais comme dessinateurs ou caricaturistes, participant ainsi largement à l'essor, au XIXe siècle, de la presse illustrée. C'est précisément cette époque dorée que le livre "Press Graphics. The Golden Age of Graphic Journalism" (Taschen) explore en profondeur. Cette plongée vertigineuse dans l'univers du dessin de presse de 1819 à 1921 nous fait découvrir une multitude d'illustrateurs, dont beaucoup sont aujourd'hui tombés dans l'oubli.
Les prémices d'une révolution graphique
À l'origine de cette révolution graphique, une autre révolution, mécanique celle-là. La presse à cylindre, adoptée dès 1811 par des journaux comme le Times à Londres puis par les imprimeries parisiennes, est rapidement supplantée par de nouveaux procédés de reproduction de textes et d'images. Ces techniques toujours plus performantes ont favorisé l'émergence et la distribution à grande échelle des premiers titres de presse illustrée. Outre-Manche, l'Illustrated News, créé en 1842, a ouvert la voie à des publications similaires en France, telles que L'Illustration dès 1843, et d'autres comme Le Petit Journal et L'Assiette au Beurre.
La caricature face à la censure
Dans ce siècle qui, selon Charles Baudelaire, vénère les images, la presse illustrée devient un média de masse influençant les opinions publiques. Sa puissance irrite les autorités, qui réagissent par des mesures de censure strictes. Cependant, certains directeurs de journaux, tels que Charles Philipon, n'hésitent pas à défier ces restrictions. Philipon, dessinateur féroce à la tête de La Caricature puis du célèbre Charivari, tourne en ridicule le roi Louis-Philippe en illustrant la transformation de son visage en poire, suivant les célèbres têtes d'expression de Charles Le Brun.
L'apogée de la caricature
L'âge d'or de la presse illustrée coïncide avec celui de la caricature. Les journaux se couvrent de dessins impitoyables se moquant de l'actualité, mettant en lumière des figures telles qu'Honoré Daumier, André Gill – auteur des célèbres unes de L'Éclipse – ou encore Cham, connu pour ses caricatures des œuvres exposées au Salon. Ces artistes utilisent leurs talents pour dénoncer et critiquer les abus de pouvoir, jouant un rôle essentiel dans la dynamique sociale et politique de leur époque.
La presse illustrée comme laboratoire graphique
La presse illustrée a non seulement influencé l'opinion publique, mais elle a également attiré l'attention de nombreux artistes. Van Gogh, par exemple, possédait une collection de quelque 1 500 estampes tirées de journaux internationaux, qu'il considérait comme une "Bible pour artiste". La presse, véritable laboratoire graphique, a préparé le terrain des avant-gardes du XXe siècle, avant d'être remplacée par les photographes. Le peintre Jacques Villon, moins célèbre que son frère Marcel Duchamp, affirmait que "grâce à eux, la peinture a été libérée de l'académisme".
L'héritage de la presse illustrée
Des Arts incohérents à Dada, de nombreux mouvements artistiques se sont inspirés des codes esthétiques et des procédés de la presse illustrée : associations texte/image, jeux typographiques, collages en tout genre. Ces influences démontrent l'énorme impact de la presse illustrée et de ses artistes sur notre imaginaire collectif.
Pour conclure, l'âge d'or de la presse illustrée représente une période charnière dans l'histoire de l'art et de la communication visuelle. Les œuvres des illustrateurs et caricaturistes de cette époque continuent de fasciner et d'inspirer, témoignant de la richesse et de la diversité de cette forme d'expression artistique. Le livre "Press Graphics. The Golden Age of Graphic Journalism" offre une occasion précieuse de redécouvrir ces artistes et de comprendre l'importance de leur contribution à notre patrimoine culturel.
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